Le pape François rencontre le patriarche Cyrille

Presque 1 000 ans après le grand Schisme de 1054, un pape et un patriarche de l'Eglise orthodoxe russe se sont rencontrés. Faut-il voir dans la réunion des deux hommes à Cuba un véritable signe d’œcuménisme ou en tout premier lieu un message politique ?

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15min (LT) /

Des reproches absurdes

Certains commentateurs ont reproché au pape de se laisser instrumentaliser par le Kremlin en rencontrant le patriarche Cyrille. Cette critique est sans fondement, écrit sur le portail libéral 15min Tomas Viluckas, chroniqueur de sensibilité chrétienne :

«Le Vatican ne s’aligne sur aucun bloc et ne fait allégeance à aucune alliance internationale. … Les intérêts des fidèles lui importent plus que le jeu des puissances. Les droits de l’homme, le nationalisme et la démocratie ne constituent pas la base du catholicisme ; celui-ci fait de ces notions une interprétation théologique. C’est pourquoi le pape a le droit de rencontrer des dictateurs, de se rendre dans des pays isolés et d’agir librement dans des situations politiquement compliquées. En menant ce genre de diplomatie, le Vatican a les mains libres et peux ainsi faciliter bien des négociations internationales. … Il n’est pas recevable de reprocher au pape d'agir avec naïveté ou obséquiosité envers la Russie. Il sait ce qu’il fait et il ne se laisse pas influencer par les tensions entre la Russie et l’Occident»

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Gândul (RO) /

Nationalisme et orthodoxie

Le journal en ligne Gândul voit dans le patriarche Cyrille un ambassadeur officieux du président russe :

«Dans le projet du nouveau tsar Poutine, l’orthodoxie et le nationalisme sont deux piliers d’une même géostratégie. … Lors de la visite d’un atelier aéronautique à l’automne 2014, il avait servi aux collaborateurs un discours qui aurait tout aussi bien pu sortir de la bouche de Poutine - proclamant l’importance de la Russie en tant que grande puissance. Après l’annexion de la Crimée, pendant la crise ukrainienne, sur l’intervention en Syrie - du haut de sa chaire, Cyrille a toujours justifié et approuvé la politique du Kremlin. Quelle importance faut-il accorder à la rencontre entre Cyrille et le pape à La Havane ? Il est encore trop tôt pour le dire. … Le pape François poursuit sa propre politique d’œcuménisme et d’ouverture. Pour ce qui est du patriarche Cyrille, en revanche, nous ignorons quels objectifs géopolitiques il poursuit.»

Deutschlandfunk (DE) /

Le pape n'est pas un partisan du Kremlin

Même si Moscou exploitera la rencontre entre le pape François et le patriarche Cyrille, cela ne changera rien à la portée symbolique de ce rapprochement, selon le portail de la radio publique Deutschlandfunk :

«L’Eglise catholique romaine et l’Eglise orthodoxe russe se rapprochent, ce que Poutine ne manquera pas d’exploiter. Car en Russie, l’Etat et l’Eglise sont proches, très proches. Même si les cercles catholiques ont tendance à minimiser cet aspect, Poutine et Cyrille sont des frères de guerre sur le plan idéologique. Le nationalisme russe est béni à grand renfort d’encens. Plus concrètement, le patriarcat de Moscou a récemment apporté sa bénédiction à l’intervention militaire russe en Syrie. … Confronté à ces remarques, le pape s’efforcerait de souligner le contexte général. … Car à court ou moyen terme, le rapprochement entre catholiques et orthodoxes peut envoyer le signal suivant : vous voyez, même un conflit millénaire peut être résolu.»

Magyar Nemzet (HU) /

Une rencontre d'une portée historique

La rencontre entre le pape François et le patriarche Cyrille pourrait marquer un tournant dans l’histoire de la communauté religieuse chrétienne, estime le quotidien conservateur Magyar Nemzet :

«Au bout de mille ans de division et d’opposition, le catholicisme et l’orthodoxie se sont tendus la main en un lieu complètement irréel : une salle d’attente de l’aéroport de La Havane. Un évènement qui était plus qu’un simple geste. … C’était un symbole qui transcende l’histoire et l’actualité. … Un tournant colossal, un signal de grande portée à l’attention des croyants de ce monde. … Sur la toile de fond des troubles qui perdurent dans le monde musulman, cette rencontre était une nécessité géopolitique. Les deux chefs ecclésiastiques avaient beaucoup de questions à aborder, notamment celle du nouvel ordre mondial de demain.»