Quel sera l'impact du mouvement Nuit debout ?

Le mouvement Nuit debout perdure et a gagné d'autres pays. Pour montrer qu’ils sont plus actifs que les gouvernements, les manifestants organisent des rassemblements nocturnes dans plusieurs villes du pays. Assiste-t-on à la naissance d'une alternative politique pour les présidentielles de 2017 ?

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Alternatives économiques (FR) /

Une société en dysfonctionnement

Le mouvement Nuit-Debout révèle les lacunes du système politique français et s'inscrit dans une longue tradition, comme l’explique Alternatives Economiques :

«Ces grands mouvements de protestation à répétition sont assez largement une spécificité hexagonale, qui intrigue nos voisins. Même s'ils laissent des souvenirs forts à ceux qui les vivent, ils sont malgré tout aussi le signe récurrent d'un dysfonctionnement majeur de la société française : son incapacité chronique à se doter de corps intermédiaires, partis et syndicats, capables de représenter efficacement les gens ordinaires au sein d'un Etat au fonctionnement toujours très monarchique, comme au niveau des entreprises, restées elles aussi très verticales. Manifestement les dernières décennies n'ont pas permis de pallier ce problème.»

La Tribune (FR) /

La protestation doit aboutir au dialogue

Jérôme Cohen, cofondateur de la plate-forme Engage, explique dans La Tribune à quelles conditions la contestation et les efforts des citoyens peuvent déboucher sur une politique plus démocratique :

«Ils préparent l'avenir et annoncent l'obsolescence des modes de fonctionnement de notre vieux système politique. … Il ne suffit pas d'exprimer son mécontentement, même si ce cri libérateur constitue une étape. Il s'agit d'échanger puis de proposer pour construire dans une démarche inclusive. Les choses se compliquent bien sûr. Comment inspirer et rassembler autour de solutions complexes pour trouver un consensus qui ne soit pas mou ? C'est là précisément que débute le vrai combat. Et il n'est pas facile, comme le montre le blocage institutionnel en Espagne avec Podemos, où de nouvelles élections sont convoquées. Loin des idéologies qui divisent et des anciens modes de gouvernance qui clivent, cette 'insurrection' citoyenne ne réussira que si elle est collective, pragmatique et positive.»

Le Temps (CH) /

Une société française divisée

Après l’éviction d’Alain Finkielkraut de la place de la République par les participants à Nuit debout, le mouvement a été qualifié d’antidémocratique par certains. Nuit debout révèle les failles de la société française, selon Le Temps :

«Il témoigne, par sa radicalité croissante, de ces fissures que le système politico-intellectuel hexagonal n’est plus en mesure de colmater. ... 'Nuit Debout' incarne, un mois après son démarrage, l’envers de la République Française, un avant la présidentielle de 2017. Une partie de la jeunesse, lassée de promesses non tenues, est tentée par la radicalité. Une frange de la gauche entretient le mythe du 'grand soir'. Une grande partie de la droite réclame l’ordre avant tout.»

L'Express (FR) /

Les Français veulent des programmes et des hommes d’action

Ni les manifestants de la Nuit debout ni le ministre de l'Economie Emmanuel Macron et son nouveau parti ne semblent vouloir faire bouger les choses, analyse Jacques Attali sur son blog hébergé par L’Express :

«Les Français veulent des hommes d’action et des programmes. Les politiques font semblant d’agir. Les gens de Nuit debout font semblant de définir un programme. Dans les deux cas, ils ne font rien ; en tout cas, rien qui puisse améliorer réellement la vie du peuple. Alors, peut-on espérer que naisse bientôt un mouvement plus concret, qu’on pourrait appeler 'Jour debout', et qui réfléchirait à un programme concret, autour d’un homme concret, pour une action concrète ? Peut-on espérer que se cristallise vite une prise de conscience de l’urgence de ne pas se contenter des apparences, des images et des simulacres ? Si cela n’a pas lieu, l’élection présidentielle prochaine se réduira à choisir entre des candidats sans programme, dont les électeurs n’auront pas voulu.»

Le Temps (CH) /

L'inaction de Hollande, à l'origine de la colère

Pour le quotidien libéral Le Temps, le mécontentement des jeunes est tout à fait compréhensible :

«Comment justifier que ce quinquennat placé par le locataire de l’Elysée sous le signe de la jeunesse lors de sa campagne de 2012, n’ait pas fait davantage, dès le début, pour expliquer aux jeunes Français la nécessité de s’adapter à la réalité du marché du travail, en leur donnant des moyens d’y accéder ? Dommage. Le mouvement "Nuit Debout", qui espère aujourd’hui être l’étincelle d’une nouvelle révolte, est malheureusement miné de faux espoirs. La diabolisation du monde de l’entreprise, dans une France économique plus que poussive, n’est pas de bon augure. Mais la colère dont témoignent ces manifestants nocturnes, à Paris et en province, sur le modèle des "indignés", ne doit ni être sous-estimée, ni balayée au nom d’un quelconque réalisme.»

Phileleftheros (CY) /

La justice, l'unique remède à la colère

Rétablir davantage de justice est le seul moyen d’apaiser la colère des citoyens, écrit le quotidien libéral Philelefteros :

«Ces dernières années, c’est surtout sur le plan économique que le fossé des inégalités s’est creusé. Des millions de personnes ont vu leurs revenus baisser et leur niveau de vie se détériorer. … La crise des réfugiés et le terrorisme ont aggravé la situation. L’anxiété est venue s’y greffer. Le seul moyen de remédier à cette colère est de mettre fin aux inégalités. Il y a beaucoup de richesses dans le monde, mais elles sont détenues par une minorité. Les sociétés doivent s’ouvrir et la qualité de vie doit s’améliorer au quotidien. Il faut faire quelque chose contre les peurs des citoyens et trouver des solutions à leurs problèmes. Faute de quoi la colère est vouée à enfler encore. Jusqu’au point où il sera trop tard pour tous»

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Financial Times (GB) /

Une 'réformette', c’est toujours mieux que rien

Malgré les nombreuses révisions qu’il a subies, le projet de réforme du marché du travail français reste un progrès, se réjouit le quotidien économique libéral Financial Times :

«Les mesures qui seront désormais soumises aux parlementaires français représentent un important pas en avant, même si l’ultime révision en exclura les entreprises de petite taille. Les grands employeurs seront plus disposés à embaucher si on leur donne une plus grande flexibilité pour négocier avec les syndicats la question des licenciements et du temps de travail sur les sites qui réalisent des pertes. Il s’agit donc de réformes importantes, qui vont bien au-delà de ce qu’aucun président français n’a jamais osé faire auparavant. ... Il est toutefois regrettable que l’approche de François Hollande, à l’instar de celle de ses prédécesseurs, consiste à procéder par étapes.»

Le Point (FR) /

Beaucoup de bruit pour rien

La mobilisation contre la réforme prévue du marché du travail est sans commune mesure avec la portée du projet, critique l’hebdomadaire Le Point :

«Comme souvent, grèves et manifestations paraissent déconnectées du réel et ressemblent à une comédie où chacun, du syndicaliste de gauche au ministre social-traître, joue un rôle. Il n'y a rien dans la loi El Khomri. Si nous étions une démocratie efficace et raisonnable, ce texte serait regardé comme comportant une batterie de mesures d’ajustement, de prises en considération de la conjoncture économique et du nombre trop important de chômeurs dans notre pays. Qui croit sérieusement que les modifications marginales du droit du travail que prévoit d’effectuer le gouvernement vont nous faire basculer dans un chaos ultralibéral ? La vérité est que nul ne le pense, mais que chacun doit justifier son existence : la CGT, le Premier ministre ; les lycéens leurs absences en cours.»

Corriere della Sera (IT) /

Un pays rétif aux réformes

La France est tout simplement incapable de se réformer, ironise le quotidien libéral-conservateur Corriere della Sera :

«Dans un pays où l’on dit 'consommation rapide' au lieu de 'fast-food', le terme même de 'job act' est impensable. … Si le job act menace de devenir la désignation d’une réforme du marché du travail s’inspirant du modèle italien, voici que repart de plus belle le psychodrame politico-social qui paralyse la France et les gouvernements depuis des années et l’empêche d’amorcer des réformes structurelles - des retraites au service public - et d’assainir le budget public.… Rien de nouveau non plus sur le front de la Flexicurity, principe pourtant appliqué quasiment partout en Europe [compromis entre l’assouplissement de la protection contre le licenciement et la garantie de l’emploi]. Une fois de plus, la France fait cavalier seul. De surcroît, les mesures prévues auraient difficilement pu être plus mal communiquées. La résistance vire donc en campagne idéologique au lieu de se pencher sur les contenus.»

Ouest-France (FR) /

Action de dernière minute en fin de mandat

L’échec des socialistes français s'explique par toutes les erreurs qu’ils ont pu commettre ces dernières années, analyse le journal régional Ouest-France:

«Depuis le début du quinquennat, on assiste aux mêmes errements. La gauche, dans l'opposition, n'a pas travaillé pour convenir d'un socle et d'une méthode acceptés par toutes ses composantes. Au pouvoir, elle applique un projet que les électeurs de François Hollande et les parlementaires découvrent et contestent au jour le jour. … Faute de crédit gouvernemental, tout projet tourne au bras de fer idéologique. Faute de méthode, il devient impossible d'explorer les voies pour répondre au désespoir de millions de Français. Ce n'est pas dans le sauve-qui-peut d'une fin de mandat que l'on conduit les grandes réformes. Ni que l'on offre un travail à 3,55 millions de chômeurs.»

Le Courrier (CH) /

Hollande s’y prend mal pour s'imposer contre Sarkozy

La réforme du travail soutenue par Hollande exacerbera les tendances populistes en politique, prédit le quotidien chrétien-social Le Courrier :

«Ce n’est pas en précarisant les conditions de travail que l’on va créer de l’emploi. Sinon la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis n’afficheraient pas les taux de pauvreté qui sont les leurs. En revanche, les conséquences risquent d’être similaires. A force de désespérer les milieux qu’il est censé défendre, François Hollande pave le chemin du populisme le plus rance. Ce n’est pas par hasard si Nicolas Sarkozy lorgne de plus en plus ouvertement vers Donald Trump. Alain Juppé, ... est ainsi qualifié de 'candidat du système', 'des élites' et 'des médias'. Alors que lui se voit en nouveau fils du peuple. Un bel accomplissement, avoir ouvert un boulevard à ce type d’idéologies. On peut rêver mieux comme bilan après avoir enfumé ses électeurs en proclamant que son adversaire 'c’est le monde de la finance'.»

The Times (GB) /

Le nouveau Schröder en puissance ne doit pas céder

Le président François Hollande doit maintenir son projet de réformes s’il souhaite redresser l’économie de son pays, estime le quotidien conservateur The Times :

«Les Français sont face à un dilemme cornélien : choisir entre une économie dont le but est de protéger les emplois d'une minorité et une économie qui apportera une prospérité croissante à tous. ... Pour le bien de son pays, mais aussi de sa carrière, [Hollande] ne doit pas capituler. ... L’Espagne et l’Italie ont répondu à la crise de 2008 par des réformes du marché du travail, malgré une redoutable opposition des socialistes. Le résultat a été impressionnant. Tout comme en Allemagne sous le chancelier Schröder, les réformes se sont soldées par une baisse du chômage, une réduction des prestations sociales et un retour à la croissance. Hollande a affirmé vouloir être le nouveau Schröder en France. Reste à savoir s’il dispose du courage et de la persévérance nécessaires.»

La Vanguardia (ES) /

L’opposition citoyenne paralyse la politique

Cette propension à la contestation hors du commun du peuple français empêche la classe politique d’initier des réformes importantes, redoute le quotidien conservateur La Vanguardia en réaction aux manifestations massives et aux grèves que connaît son pays voisin :

«La société française a su conserver cet exceptionnel élan de mobilisation qui a déjà disparu, ou tout du moins ne se fait pas entendre, dans les autres Etats européens. Dans aucun autre pays, les citoyens ne se montrent aussi compréhensifs à l’égard de la grève dans le débat public. … Cette singularité française n’a cessé de se développer au fil des années. Il existe en effet un profond mécontentement qui explique aussi le succès du Front National. Mais dès qu’un gouvernement essaye de s’attaquer aux piliers d’une réglementation visant à réduire le chômage, la société française crie au meurtre et tout reste comme avant.»

Le Temps (CH) /

La France n'est pas aussi anti-réformiste qu'il n'y paraît

Malgré la levée de boucliers suscitée par l’annonce de la réforme du travail, le quotidien libéral Le Temps ne perd pas espoir que le gouvernement français sauve son projet :

«Certes, la peur d’une précarisation généralisée du travail, moteur des protestations étudiantes, explique le succès de la pétition en ligne hostile au texte en discussion. Certes, des licenciements massifs sont à craindre en cas de déréglementation, tant la compétitivité des entreprises françaises s’est dégradée. Mais l’erreur, au seuil de cette dernière année du quinquennat Hollande, serait de croire les choses figées. Moyennant de réelles contreparties en échange d’une flexibilité accrue, l’opinion peut être convaincue. Les syndicats les plus intransigeants ne sont plus aussi forts. La rébellion d’une partie du PS peut être contournée. Dans cette France ankylosée, le moment est peut-être plus propice aux réformes qu’il n’y paraît.»

Libération (FR) /

La France doit suivre l'exemple de ses voisins

Il est temps que la France vainque sa peur de l'assouplissement du marché du travail et s'inspire de la réussite d'autres pays européens en la matière, conseille le quotidien de centre-gauche Libération :

«Pourquoi … tous les pays européens - tous - sociaux-démocrates ou conservateurs, ont-ils réformé leur marché du travail ? Trahison générale ? Aveuglement collectif ? Ou tentative de chercher de nouvelles solutions à ce problème lancinant, quitte à admettre des concessions ? Et pourquoi les pays où les protections sont les plus fortes sont-ils si souvent ceux où le taux de chômage est le plus élevé ? Coïncidence ? Au vrai, la plupart des études vont dans le même sens, notamment celle du Conseil d’orientation de l’emploi : un marché du travail assoupli favorise en général la baisse du chômage, quoique dans des proportions limitées. Les premiers succès enregistrés sur ce front par le gouvernement Renzi en Italie sont éloquents. Voilà sur quoi il faut méditer, plutôt que de s’en tenir, dans un sens ou dans l’autre, à des slogans simplificateurs.»

L'Opinion (FR) /

Il ne faut pas céder aux syndicats

Manuel Valls aurait tort de battre en retraite face aux détracteurs de sa réforme, met en garde le journal économique libéral L'Opinion :

«Une liturgie fatale, en réalité, au terme de laquelle des contraintes nouvelles seront apparues : compte-épargne temps, droit à la déconnexion, vacations syndicales supplémentaires. On appellera ça des contreparties, et elles viendront comme toujours alourdir les obligations des entreprises. De toutes les entreprises, y compris celles qui sont en bonne santé mais qui auront à subir au jour le jour des contraintes nouvelles pour prix d’un allégement des procédures en temps de crise. Quel paradoxe. Dans la guerre de positions lancée par les opposants à la loi El Khomri, le terrain sera difficile à regagner. Mais à trop lâcher pour sauver sa réforme, le chef du gouvernement risque d’aboutir à l’inverse de l’effet recherché. Manuel Valls doit tenir. Ou reporter sa loi.»