Kern parviendra-t-il à sortir l'Autriche de la crise ?

Christian Kern a été investi chancelier fédéral d’Autriche. Celui qui est également pressenti comme chef de file du SPÖ a déclaré qu'il s'agissait de la dernière chance pour les deux grands partis traditionnels de ne pas disparaître de la scène politique. Si certains commentateurs voient en lui un espoir, d’autres considèrent sa mission comme une gageure.

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Tages-Anzeiger (CH) /

Kern est capable d'inverser la tendance

Au lieu de diaboliser le parti d’extrême droite FPÖ, le nouveau chancelier veut employer tout son dynamisme et son optimisme à convaincre les Autrichiens, se félicite le Tages-Anzeiger :

«Kern veut priver les populistes de droite de ce qui fait le lit de leur réussite : cette ambiance généralisée de déception et de colère, dans laquelle les gouvernants sont considérés comme corrompus et incapables, les demandeurs d’asile comme autant de criminels et l’UE comme une hydre bureaucratique. Kern n’a pas encore concrètement exposé comment il comptait faire baisser le chômage, stimuler l’économie et améliorer le système d’éducation. Mais dans son premier discours, il n’a pas hésité à mettre le doigt sur les problèmes, alors que jusqu’ici, le gouvernement avait laissé aux populistes de droite le soin de le faire. En tant que manager de la société nationale de chemin de fer, Kern a montré qu’il savait comment motiver les gens, tenir un tout autre discours et inverser une ambiance exécrable pour la rendre positive.»

Kurier (AT) /

Le gouvernement a besoin d'esprit d'équipe

Le nouveau chancelier fédéral issu du parti socialiste SPÖ doit assurer la survie de la grande coalition SPÖ-ÖVP (socialistes-conservateurs). Réussira-t-il à relever ce défi ? Cela dépendra avant tout des mécontents dans les rangs de l'ÖVP, observe le quotidien Kurier :

«Le défi majeur de Kern pour les deux années au pouvoir qu'il reste au maximum à ce gouvernement consiste à s’attaquer dans un délai serré à plusieurs vastes chantiers à la fois. Dans cette coalition, on se tire dans les pattes au lieu de tirer dans le même sens. Même chez les conservateurs, certains ministres se plaignent du 'manque d’esprit d’équipe'. Mais au sein de l’ÖVP, ceux qui croient à la possibilité d’obtenir plus de voix des électeurs pour les deux partis en présentant des réussites communes ne constituent qu’un groupe parmi plusieurs. Le chef désigné du SPÖ soumet à l’instant une offre à l'ÖVP, offre qu’il qualifie de 'notre dernière chance'. Seuls ceux qui ont déjà un autre projet en tête vont la rejeter.»

Delo (SI) /

Une mission quasi impossible

Vouloir donner un nouvel élan à la Grande coalition et renforcer en même temps le parti social-démocrate qui bat de l’aile sera une entreprise difficile pour Kern, prédit Delo :

«La recherche d’un équilibre entre les vautours conservateurs et les colombes social-démocrates au sein du gouvernement fédéral sera une tâche bien plus facile pour le nouveau chancelier social-démocrate que celle de trouver une recette magique pour ramener des électeurs à son propre parti. Le premier tour des présidentielles l’a montré : les électeurs ont rallié le camp du FPÖ. En procédant à des coupes budgétaires dans les dépenses sociales, le nouveau chef du gouvernement aura du mal à regagner la confiance de ce qu’on appelait jadis la classe ouvrière. La mission s’avère quasi impossible.»

Der Standard (AT) /

Une infime marge de manœuvre sur la question des réfugiés

Christian Kern ne pourra influer sur la politique migratoire du gouvernement autrichien, estime Der Standard :

«L’ÖVP [partenaire de coalition conservateur] a clairement fait savoir qu’il ne tolèrerait aucun assouplissement. Ni le parti ni l’électorat n’approuveraient une nouvelle hausse du nombre de réfugiés. Un changement de ligne ferait le jeu de Norbert Hofer, candidat du FPÖ [extrême droite] à la présidence, et placerait Kern dès le premier jour dans la position bancale qui a été fatidique à Faymann. … Kern pourrait bien sûr rejoindre ceux qui, dans les rangs de son parti, sont favorables à ouvrir les frontières aux réfugiés. Mais s’il le faisait, il se retrouverait vite sans coalition et soutenu par une poignée d’électeurs. Une situation que ce fin stratège ne manquera pas d'éviter.»

Der Standard (AT) /

La coalition n'a pas d'avenir

Pour Der Standard, une poursuite de la grande coalition SPÖ-ÖVP à la tête de l’Autriche n’est guère envisageable à l’avenir :

«Après le départ précipité de Werner Faymann en mode 'Et maintenant débrouillez-vous sans moi', l’ÖVP [parti chrétien-démocrate conservateur] tente de sauver les meubles d’un mariage de circonstance en déroute, de tirer le meilleur parti de cet interrègne et de tourmenter le plus possible le SPÖ. … Inutile de préciser que le SPÖ ne tolère pas le comportement de l'ÖVP. … Plus personne ne croit qu’ils arriveront un jour à se rabibocher. On ne voit plus que l’aversion guère dissimulée et la profonde méfiance entre deux partis, qui ne restent unis que par la volonté absurde de s’accrocher au pouvoir et gesticulent frénétiquement pour voir l’adversaire sombrer – sans se rendre compte qu’ils sont tous deux voués à la noyade.»

Český rozhlas (CZ) /

L'Allemagne redoute le 'syndrome autrichien'

La classe politique allemande a matière à s’inquiéter de la crise gouvernementale qui secoue l’Autriche, estime la radio publique tchèque Český rozhlas :

«Ceci ne vaut pas uniquement pour le SPD, que les sondages créditent de 20 pour cent de soutien dans l’opinion, mais aussi pour les chrétiens-démocrates, qui ne mobilisent plus que 30 pour cent des électeurs. ... Le SPD allemand connaît des problèmes de gouvernance comparables à ceux qui accablent leur cousin autrichien, le SPÖ. Lors du dernier congrès du parti, le leader du SPD Sigmar Gabriel a essuyé un genre de Waterloo, à l’instar de son confrère autrichien Werner Faymann. Selon une rumeur, Gabriel pourrait jeter l’éponge. Il a appelé son parti à se réveiller de la lassitude émotionnelle. La perte de confiance est fatale aux sociaux-démocrates. Gabriel a certes démenti les bruits sur sa démission, mais les choses évoluent vite en politique. Faymann avait lui aussi écarté l'éventualité d'un départ - pour partir le lendemain même.»