La Russie inaugure le pont de Crimée

Un pont de 19 kilomètres relie désormais la péninsule de Crimée au territoire russe. La péninsule annexée en 2014 est donc accessible en voiture depuis la Russie. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont critiqué ce grand chantier, car ils continuent de considérer la Crimée comme faisant partie de l'Ukraine. Pour la Russie, ce pont est un coup habile à plusieurs égards, estiment certains commentateurs.

Ouvrir/fermer tous les articles
Den (UA) /

Un bel exemple de géopolitique

Avec le pont, Poutine met en lumière les faiblesses de l'Ukraine, estime le chroniqueur Andrij Plachonin dans Den :

«Le pont de Crimée nous révèle que la Russie n'est pas aussi faible qu'il n'y paraît, qu'elle ne s'écroule pas lorsqu'elle est sanctionnée ou lorsque le prix du pétrole et le cours du rouble fluctuent. Il montre que le vainqueur dans cette guerre n'est pas seulement celui qui sait se battre le mieux, mais également celui qui construit. C'est d'ailleurs aussi la raison pour laquelle nous avons perdu la Crimée. L'Ukraine n'a pas réussi en 25 ans à construire une route normale en Crimée, alors qu'il n'a fallu que quatre ans à Poutine pour y parvenir. A croire qu'il avait un besoin plus pressant de la Crimée. Relier un pays avec des ponts et des routes, voilà un exemple concret de géopolitique. C'est déjà une raison suffisante pour les construire, même s'ils ne sont pas partout nécessaires d'un point de vue économique.»

Ekho Moskwy (RU) /

Les experts ukrainiens se sont trompés

Le nouveau pont de Crimée construit par la Russie est une belle réalisation pour la péninsule, estime le blogueur Alexander Gorny vivant en Crimée dans Echo Moskwy :

«Ce pont a permis de réunir de fait la Crimée et la région de Krasnodar pour former une seule région économique. Pour l'instant, il est difficile d'estimer l'effet de synergie avec le pont ferroviaire dont la mise en service est prévue dans un an et de l'autoroute Tavrida [qui traversera la Crimée], mais on suppose qu'il sera énorme. Le pouvoir politique est critiquable à bien des égards, mais il faut aussi pouvoir de temps en temps mettre des notes positives. L'inauguration du pont est une note très, très positive. ... La Russie a réussi à réaliser un projet dont beaucoup n'auraient même pas osé rêver il y a quelques années encore. On peut trouver sur Internet des centaines de vidéos dans lesquelles des responsables politiques et des experts ukrainiens affirment que le pont ne sera pas construit et que les images diffusées seraient de la propagande russe.»

Kapital (BG) /

Un signe de détermination

Pour Kapital, le pont du détroit de Kertch montre que le Kremlin est déterminé à rattacher ce nouveau territoire à la Russie :

«L'annexion inattendue de la Crimée et le blocus consécutif des 2,3 millions de Criméens ont placé Moscou sous la contrainte. ... Pour le Kremlin, il s'agissait d'abord de montrer que l'on était en mesure de garantir un accès rapide à un nouveau territoire. La nécessité d'une liaison ferroviaire a néanmoins été totalement surestimée. La Crimée a-t-elle vraiment besoin d'autant de trains, et ceux-ci seront-ils jamais rentables ? La saison touristique sur la péninsule dure environ quatre mois ; mais les touristes prennent-ils le train pour aller en vacances ? Avec le pont du détroit de Kertch, l'Etat russe entendait surtout montrer qu'il était prêt à tout pour passer de la parole aux actes.»

Savon Sanomat (FI) /

Les prix du pétrole confortent la Russie

Cet ouvrage montre que les sanctions occidentales laissent la Russie de marbre, selon Savon Sanomat :

«Les Etats-Unis, l'UE et l'Ukraine ne pourront en principe jamais accepter l'annexion de la Crimée et la participation de la Russie à la guerre en Ukraine orientale. Le pont n'y changera rien, même s'il ne scelle pas définitivement l'annexion. Celle-ci revêt une telle importance nationale pour l'administration russe actuelle qu'elle éclipse les relations internationales. Les rapports entre la Russie et l'Ukraine se sont transformés en conflit gelé. Les sanctions économiques ne semblent servir à rien, ce qui s'explique en partie par la hausse de plus de 70 pour cent des prix du pétrole brut en moins d'un an. Grâce au pétrole, la Russie peut entretenir ses illusions hégémoniques.»

Unian (UA) /

Pour les projets de prestige, il y a toujours de l'argent

Moscou avait débloqué 228,3 milliards de roubles (soit 2,9 milliards d'euros à l'époque) pour ce projet colossal. Des fonds que Moscou aurait pu investir à meilleur escient, souligne Roman Cymbaluk, correspondant en Russie du journal Unian :

«Peu importe la pérennité de cette construction, un fait est un fait : avant il n'y avait pas de pont, maintenant il y en a un. Un évènement que les 'dieux de la communication' russes useront jusqu'à la corde. … Le coût de l'ouvrage ralliant la Crimée occupée est également sans importance. Avec cet argent, on aurait bien sûr pu apporter des soins médicaux à tous les enfants de Russie, mais cela importe peu quand on sait qu'il en va de la grandeur de la Fédération russe. En Russie, on trouve toujours de l'argent pour la 'construction du siècle', mais si quelqu'un manque de quoi que ce soit, c'est son problème à lui. Et il peut compenser sa frustration à tout moment en allumant la télévision.»

gazeta.ru (RU) /

Un grand ouvrage géopolitique

Dans ce grand projet, l'argent joue un rôle subalterne, estime pour sa part gazeta.ru :

«Ce pont de 19 kilomètres est le plus long de Russie, mais aussi d'Europe. C'est un ouvrage complexe, qui montre que l'ingénierie russe peut encore stupéfier le monde. Car nombreux avaient été les sceptiques, qui jugeaient le projet irréalisable, en raison de la forte instabilité du sol dans cette région. ... Le pont du détroit de Kertch compte parmi ces projets pour lesquels les coûts sont certes importants, mais moins que la capacité à relever des défis géopolitiques. Sans liaison stable avec la Russie continentale, le rattachement de la Crimée au reste du pays aurait été incomplet.»