Artus - Le mythe du couple franco-allemand pour réformer l'Europe

Il réapparaît à chaque crise, mais, pour l'économiste de Natixis, le concept de "couple franco-allemand" est une chimère. Et ce, pour trois raisons.

Par Patrick Artus

Pour l'économiste de Natixis Paul Artus, le concept de
Pour l'économiste de Natixis Paul Artus, le concept de "couple franco-allemand", auquel on fait appel à chaque crise de l'Union européenne, est un mythe. © DPA/AFP

Temps de lecture : 4 min

Chaque fois que l'Europe est en crise, comme aujourd'hui après le Brexit, on évoque en France la nécessité de s'appuyer sur le « couple franco-allemand » pour mettre en place des réformes, comme force de proposition. Nous pensons que ce concept de « couple franco-allemand » est un mythe puisque les structures économiques de la France et de l'Allemagne sont si différentes que les besoins de politique économique des deux pays sont eux-mêmes très différents. Les visions de la France et de l'Allemagne sur les institutions européennes sont très éloignées ; l'exclusion de l'Espagne et de l'Italie est une mauvaise idée : ces deux pays ont mis en place des réformes, l'Espagne est la seule grande économie vraiment dynamique de la zone euro.

La newsletter débats et opinions

Tous les vendredis à 7h30

Recevez notre sélection d’articles tirée de notre rubrique Débats, pour comprendre les vrais enjeux du monde d’aujourd’hui et de notre société

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription à bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Chaque fois que l'Europe est en crise, un certain nombre d'hommes politiques et d'intellectuels réclament une initiative du « couple franco-allemand » : des propositions de réformes, des politiques de reprise économique, des idées pour améliorer les institutions. Nous pensons que le couple franco-allemand est un mythe, pour trois raisons : les différences majeures entre les structures économiques de la France et de l'Allemagne ; les différences entre les visions du fonctionnement institutionnel de la zone euro ; l'erreur que serait l'exclusion de l'Italie et de l'Espagne.

La France et l'Allemagne ont des structures économiques très différentes. Quand on regarde le poids de l'industrie dans l'économie, le poids des services peu sophistiqués dans l'économie, le niveau de gamme de la production, la balance courante et la démographie, on voit que la structure des économies est très différente en Allemagne et en France. L'Allemagne est une économie industrielle haut de gamme, où la crainte du vieillissement a fait apparaître une épargne domestique très importante ; la France est une économie de services avec une industrie de moyenne gamme et un déficit extérieur chronique.

Cela fait apparaître des objectifs de politique économique très différents entre l'Allemagne et la France : besoin d'une monnaie faible en France (avec la forte sensibilité aux prix du commerce extérieur) et forte en Allemagne (faible sensibilité aux prix du commerce extérieur) ; défense des prêteurs en Allemagne (d'où les protestations vis-à-vis de la politique de la BCE), défense des emprunteurs en France.

La France et l'Allemagne ont des visions différentes du fonctionnement institutionnel de la zone euro. La majorité de l'opinion, des hommes politiques, des économistes en France pensent que, sans fédéralisme, la zone euro finira par éclater. Les spécialisations productives très différentes des pays conduisent à une inégalité croissante de revenu entre les pays de la zone euro.

Ces inégalités croissantes seront de plus en plus politiquement inacceptables, d'où le risque d'éclatement de l'euro, s'il n'y a pas de transferts des pays les plus riches vers les pays les plus pauvres, c'est-à-dire une dose suffisante de fédéralisme, qui les réduise. Mais la vue majoritaire en Allemagne est différente de la française. Selon la vision allemande, l'hétérogénéité des pays peut être évitée si les pays suivent des règles communes de politique économique, en particulier des règles budgétaires limitant les déficits publics, règles d'ajustement des coûts salariaux (dévaluations internes) pour éviter la divergence des compétitivités. Il s'oppose donc une vue favorable à la solidarité, au fédéralisme (France) et une vue favorable au respect de règles, contrepartie des bénéfices de la monnaie unique (Allemagne).

Pourquoi exclure l'Italie et l'Espagne ? Parler du rôle prééminent du couple franco-allemand exclut de fait l'Espagne et l'Italie du leadership en Europe. Cela nous paraît être, outre une erreur politique, une erreur économique. L'Italie et l'Espagne ont mené des réformes efficaces du marché du travail, qui ont facilité le redémarrage de l'emploi et dont d'autres pays pourraient s'inspirer. L'Espagne est la grande économie la plus dynamique de la zone euro.

Il faut trouver une autre technique de relance de l'Europe que le « couple franco-allemand ». Le « couple franco-allemand » ne peut pas être le moteur du redressement de l'Europe. Les structures des économies en France et en Allemagne sont très différentes, ce qui conduit les deux pays à avoir des objectifs opposés de politique économique. Les vues des deux pays sur l'organisation institutionnelle optimale de la zone euro sont opposées (fédéralisme contre règles). Il n'y a pas de raison d'exclure l'Italie ou l'Espagne.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation

Commentaires (8)

  • pipolinum

    Et forcément un -vrai- tripartisme en France...

  • Moi .... ex-Adhérent

    Il n'y a plus d'Europe du tout ! Peut-on imaginer l'UE sans la France, avec sa situation géographique ? Et sans l'Allemagne, avec sa puissance économique, véritable locomotive ? Ce qui empêche l'Europe d'avancer, c'est cette idée d'union des nations. Les Etats Unis d'Europe, est la seule solution, il n'y en a pas d'autre. La Suisse est fédérale, et ça fonctionne...

  • Bixente79

    Mort aux vaches sacrées de la politique européenne, il n'y a que comme cela que l'Europe s'en sortira.