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Le «décret immigration» et le retour à l'axe du mal Téhéran-Bagdad-Damas

Alex Brandon/AP

FIGAROVOX/TRIBUNE - Les condamnations sont nombreuses suite au décret controversé de Donald Trump. Pour Hadrien Desuin, le choix de cibler les ressortissants syriens, irakiens et iraniens laisse songeur car ces trois Etats sont nécessaires à la lutte contre Daech.


Spécialiste des questions internationales et de défense, Hadrien Desuin est essayiste. Il publie fin mars La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie française aux éditions du cerf.


Le reality show «Donald Trump à la Maison-Blanche» tient toutes ses promesses. En immersion dans le bureau ovale, les caméras tournent en direct ses premiers pas et la signature de ses décrets présidentiels. Le monde entier vit au rythme de son compte Twitter. À chaque signataire, un nouvel épisode.

Très grave, Claude Askolovitch se demande si l'on est tout simplement pas en train de revivre l'ascension d'Adolf Hitler.

Un candidat élu qui applique sans attendre son programme, c'en est trop pour ses opposants démocrates. Devant tant d'audace, ils multiplient les défilés et les cortèges. Achever le mur à la frontière du Mexique est un engagement électoral de Donald Trump qui irrite les disciples de la mondialisation heureuse. Interdire provisoirement l'entrée des migrants en provenance du Moyen-Orient, une mesure destinée à rassurer les électeurs républicains après la tuerie islamiste de San Bernardino, quelle provocation pour la gauche libérale! La Sillicon Valley et Hollywood pétitionnent de concert. Pour Laurence Parisot, interrogée sur France 2 dans le cadre des primaires de la gauche, il faut se ressaisir car l'Amérique pourrait bien devenir un système «totalitaire». Très grave, Claude Askolovitch se demande si l'on est tout simplement pas en train de revivre l'ascension d'Adolf Hitler. Le député PS du Finistère Richard Ferrand, quant à lui, tente de se rassurer: «Poutine et Trump auront fort à faire avec Emmanuel Macron en face!». L'ancien conseiller économique de François Hollande a tellement de courage qu'il a osé prendre la défense des réfugiés sur son compte twitter (en anglais bien sûr): «I stand with the people fleeing war and persecution. I stand with the people defending our values. No Ban no Wall» (je suis avec les gens qui fuient la guerre et les persécutions. Je suis avec les gens qui défendent nos valeurs. Pas d'interdiction, pas de mur). A chaque fois que le peuple vote mal, on peut heureusement compter sur la conscience de nos élites pour corriger ses mauvais penchants. A croire que l'immigration choisie est une insulte aux droits de l'homme et que le contrôle des frontières est un abus de démocratie.

Qu'on se le dise, l'Europe est désormais encerclée par deux monstres, deux clones post-fascistes : Poutine et Trump.

Quant à la réconciliation annoncée avec la Russie, c'est l'aveu d'une trahison tout aussi détestable aux yeux des supporteurs déçus d'Hillary Clinton. C'est pourtant ce que George W. Bush puis Barack Obama avaient initié au début de leur présidence. Qu'on se le dise, l'Europe est désormais encerclée par deux monstres, deux clones post-fascistes: Poutine et Trump. Le chef du Kremlin a privé de victoire Hillary Clinton. Car c'est bien sûr le complot du FSB russe et ses mystérieux hackers qui est à l'origine de l'élection de la marionnette américaine.

Les États-Unis ont toujours su maîtriser l'immigration. Mais l'attitude très directe voire expéditive du nouveau président américain donne quelque raisons de s'inquiéter pour l'équilibre du monde.

On aurait tort cependant de rire des mises en scène du Donald comme on se gausse des frissons grandiloquents de ses détracteurs. Il faut, bien entendu, respecter la décision légitime du peuple américain d'assurer la souveraineté de son territoire. Dans leur histoire, les États-Unis ont toujours su maîtriser les vannes migratoires. Mais l'attitude très directe voire expéditive du nouveau président américain donne quelque raisons de s'inquiéter pour l'équilibre du monde. Après son élection, sa tonalité plutôt présidentielle pouvait rassurer les plus anxieux. On pouvait espérer que le candidat allait enfiler le costume de Président. La première semaine à la Maison-Blanche laisse au contraire éclater une fougue rarement vue en si haut lieu. Comme si Donald Trump était toujours en campagne, prêt à faire de son mandat un clip électoral de quatre ans. Un grand show télévisé à la gloire de sa personne.

Le choix de cibler les ressortissants syriens, irakiens et iraniens laisse songeur quand on sait que les États-Unis ont cruellement besoin de ces trois nations pour anéantir Daech.

Le choix de cibler les ressortissants syriens, irakiens et iraniens laisse songeur quand on sait que les États-Unis ont cruellement besoin de ces trois nations pour anéantir Daech. Dans ce contexte, l'exonération saoudienne et pakistanaise fait craindre un retour à la schizophrénie des années Cheney-Rumsfeld: la guerre contre les organisations djihadistes d'un coté, le partenariat économico-militaire avec leurs sponsors financiers de l'autre. Au milieu, un axe du mal Iran, Irak, Syrie?

La décision de transférer l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, le coup de fil aux autorités indépendantistes taïwanaises, le rafraîchissement brutal des relations avec le Canada et le Mexique, tout indique que Donald Trump ne mesure pas tout à fait les conséquences de ses initiatives. Le risque est grand de mettre le Moyen-Orient, la Chine et une bonne partie du monde en ébullition. Si les choix de politique intérieure sont une question qui ne regarde que les américains, il ne faudrait pas qu'ils déterminent l'ensemble de leurs décisions à l'international. Sans notion d'équilibre des nations et d'intérêt mutuel, Donald Trump peut légitimement inquiéter ses partenaires.

Le «décret immigration» et le retour à l'axe du mal Téhéran-Bagdad-Damas

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91 commentaires
  • mitipi

    le

    Pourtant il me semblait que Trump a clairement dit que l'Amérique n'aurait jamais dû aller en Irak en 2003, que c'était une grave erreur. Je ne crois pas à ce retour de l'axe du mal et je crois au contraire que nous sortons de l'unilatéralisme idéologique, avec une Amérique qui se recentre sur elle-même et le pragmatisme au-lieu de vouloir fliquer le monde et agir en Empire.

  • Bachir

    le

    On sur-interprète beaucoup trop le décret de Trump...revenons aux fondamentaux. L'Amérique ne veut plus de terroristes. Les terroristes viennent majoritairement de 7 pays dans le monde. L'Amérique ne donne plus de visa à ces gens là. Voilà !

  • adracon

    le

    De cacher la vérité méne dans le mur dans tous les domaines

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