EDITORIAL

Gomme

par Laurent Joffrin
publié le 14 mars 2016 à 20h51

Peut-être eût-il fallu commencer par là… La méthode utilisée pour rédiger et pour présenter la loi travail restera sans doute dans les annales de la gaffologie politique. Un projet provoquant, déséquilibré et présenté à l'envers… La nouvelle version de ce texte écrit par Myriam El Khomri, réécrit par Manuel Valls, puis encore réécrit par Laurent Berger (ou presque), et donc revenu largement à la version initiale, aurait fait son chemin sans grand dommage si elle avait été choisie d'emblée. Les dispositions les plus controversées (dans Libération notamment…) sont passées sous la gomme élyséenne et matignonesque et sous le corrector de la CFDT. On peut encore trouver à redire ici et là, on peut surtout déplorer que le compte personnel d'activité, première pierre de la «sécurité sociale professionnelle» nécessaire aux travailleurs en ces temps de mondialisation, ne soit pas mieux doté et mise en valeur. Mais le projet retrouve un équilibre et reçoit de facto le soutien des syndicats «réformistes», en arrachant quelques soupirs au Medef. Manuel Valls a décidé d'être souple dans ses bottes. Il échappera sans doute au funeste sort d'Alain Juppé en 1995, quand le chêne gouvernemental, faute de plier, avait été déraciné par le grand vent du mouvement social.

Cela suffira-t-il à satisfaire la frange mobilisée de la jeunesse ? Pas sûr. Demandant le retrait pur et simple, ses chefs de file auront du mal à se dédire, même s’ils demandent du même coup le retrait des dispositions favorables aux jeunes et aux salariés, qui existent dans le projet. La condition sociale des jeunes générations est suffisamment mauvaise pour qu’elles persistent dans leur protestation. Si tel était le cas, le gouvernement pourrait se targuer d’avoir entendu les critiques et réagi avec célérité. La flexibilité est parfois utile…

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