Editorial du « Monde ». Dernier-né de la politique italienne, le Mouvement protestataire 5 étoiles est entré dans l’âge adulte dimanche 19 juin, au second tour des élections municipales. C’est une percée significative pour une formation qui se veut résolument antiélitiste, un tantinet anti-européenne et cultivant volontiers des accents populistes.
Surprenant lors des élections législatives et sénatoriales de 2013 en finissant sur les talons du Parti démocrate (PD, centre gauche), décevant lors des scrutins intermédiaires de moindre importance, donné pour moribond lors de la consultation européenne de 2014 largement remportée par Matteo Renzi (PD), il accède à la gestion de deux des plus grandes villes d’Italie : Rome, la capitale, dévoyée par une série de scandales politico-financiers ; Turin, la capitale économique, ancien siège de la Fiat devenue FCA, prise en exemple comme modèle de reconversion réussie après les Jeux olympiques d’hiver de 2006.
Signe d’une mutation
« Cette victoire de la protestation », comme le disent les quotidiens transalpins du 20 juin, est aussi le signe de la mutation de cette formation ni droite ni gauche, fondée par Beppe Grillo et son mystérieux mentor, Gianroberto Casaleggio, dans un théâtre de Milan en 2009.
Mais les succès de Rome et Turin ne sauraient leur être attribués en totalité. Le premier s’est abstenu de faire campagne pour revenir à son métier d’acteur de one-man-show ; le second est décédé au mois d’avril. Le Mouvement 5 étoiles est désormais guidé par un directoire de cinq personnes que n’ont pas encore rongées les ambitions personnelles et parmi lesquelles se distingue la figure de Luigi Di Maio, le jeune président de la Chambre des députés.
Si le bilan du Mouvement en matière de gestion municipale est mince – les maires de Parme et Livourne sont tous deux mis en examen pour des broutilles administratives –, le voici maintenant au pied du mur. Rome, endettée jusqu’au cou, et Turin, orpheline de la puissance de Fiat, vont être un révélateur de sa capacité à gouverner et de durer s’il veut, un jour, gérer l’Italie tout entière.
« Ce n’est qu’un début », pronostique Beppe Grillo. Son étonnante formation défend des engagements sociaux très forts (et prend des voix à gauche de la gauche), est ambivalent sur l’immigration (et prend des voix à droite de la droite), enfin a longtemps rêvé d’une démocratie « en ligne » – procédant à coups de consultations numériques.
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