Pologne : la presse d’Etat comme vecteur de propagande

Le PiS, parti conservateur et nationaliste au pouvoir en Pologne, exploite assidûment les services publics de radiodiffusion et d’audiovisuel pour imposer sa politique. Les campagnes de diffamation y sont monnaie courante.

Les personnes LGBTI sont de plus en plus dans le viseur du gouvernement national-conservateur et des médias qui lui sont acquis.
Les personnes LGBTI sont de plus en plus dans le viseur du gouvernement national-conservateur et des médias qui lui sont acquis.
Dans la campagne pour les législatives d’octobre 2019, le parti au pouvoir et des médias qui lui sont acquis avaient pris les personnes LGBTQ comme cible de prédilection. Peu avant le scrutin, la chaîne publique TVP avait diffusé un reportage intitulé "Invasion", accusant les personnes LGBTQ de vouloir légaliser la pédophilie. Un exemple parmi tant d’autres de la couverture politiquement motivée et extrêmement manipulatrice des médias publics polonais. Au classement de Reporters sans frontières, le pays a poursuivi sa régression, pour occuper le rang 62 en 2020.

Dans le service public de radiodiffusion et de télévision, la nomination de journalistes acquis au parti au pouvoir est un volet important du programme politique du PiS. La qualité des productions de la chaîne TVP en a énormément pâti. Elles sont connues pour leurs accroches manipulatrices et les campagnes de diffamation contre quiconque critique le gouvernement.

Un modèle publicitaire lucratif pour les médias pro-gouvernementaux

Le président du PiS, Jarosław Kaczyński, peut compter sur le soutien de médias privés en plus de celui des médias publics qu’il a déjà phagocytés. De nombreuses publications proches du parti PiS ont vu le jour ces dernières années, notamment le quotidien Gazeta Polska Codziennie (2011) ou le magazine conservateur Do Rzeczy (2013). Le magazine d’information national-conservateur wSieci, fondé en 2012, et le portail d’information wPolityce.pl, étroitement lié à la rédaction, tous deux publiés par l’éditeur Fratria, jouent ici un rôle de premier plan.

L’étroite collaboration avec le PiS revêt pour ces médias un avantage avant tout financier : depuis les élections de 2015, l’éditeur Fratria a touché des centaines de milliers de złotys, principalement par le biais d’annonces publicitaires pour des entreprises publiques. Depuis l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, le portail d’information de droite wPolityce.pl a vu le nombre de ses visiteurs exploser et il est devenu un des médias en ligne les plus influents de Pologne. Les médias publics bénéficient eux aussi d’avantages financiers : une loi signée en mars 2020 par le président Andrzej Duda garantit jusqu’à 2024 à la chaîne publique TVP une dotation annuelle de quelque 450 millions d’euros provenant du budget national.

Polarisation à l’extrême – et une figure d’exception


Il faut dire que le gouvernement précédent favorisait certains médias de la même façon. Ceux-ci sont actuellement en difficultés financières, surtout du fait que les groupes dont l’Etat est actionnaire ont cessé de diffuser des annonces sur ces médias. Gazeta Wyborcza, journal critique de centre gauche, a été frappé de plein fouet par ces coupes alors qu’il souffrait déjà d’une forte chute de son tirage, comme tous les journaux papiers en Pologne. En 2019, il se vendait à 86 000 exemplaires, contre 140 000 encore en 2016. Il n’en reste pas moins un des quotidiens de référence en Pologne. Parmi les publications quotidiennes, seuls les journaux à sensation Fakt (218 500) et Super Express (110 800) enregistraient un tirage quotidien supérieur en 2019.

Parallèlement à Gazeta Wyborcza, un certain nombre d’autres médias ont déclaré la guerre au gouvernement : Citons les magazines de tendance libérale Polityka (97.000) et Newsweek Polska (109.000), édités par le groupe Ringier Axel Springer.

Une particularité du paysage médiatique polonais est sa polarisation extrême : la plupart des médias sont soit de fervents soutiens du gouvernement, soit ses farouches pourfendeurs. Le quotidien conservateur Rzeczpospolita, aux positions modérées entre les extrêmes, fait ici figure d’exception. Ces trois dernières années, il a même réussi à élargir sa diffusion (52 700 exemplaires vendus en 2019). S’il a soutenu un temps le PiS, il prend de plus en plus ses distances aujourd’hui.

Le magazine Gość Niedzielny (109 000) reste le leader du segment des périodiques. Vendu dans les Eglises du pays, il est le porte-voix du Vatican.

Classement pour la liberté de la presse (Reporters sans frontières) : rang 62 (2020)

Mise à jour : avril 2020
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