Reprise du conflit dans le Haut-Karabagh

Le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie dans la région du Haut-Karabagh, 'gelé' depuis le cessez-le-feu de 1994, a recommencé début avril. Les commentateurs avancent différentes raisons pour expliquer la reprise des hostilités.

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Latvijas Avīze (LV) /

Le Kremlin assoie son influence dans le Caucase

Qui a profité de la reprise du conflit dans le Haut-Karabagh ? C'est la question à laquelle tente de répondre le quotidien Latvijas avīze :

«D'abord, les chefs d’Etat des deux camps adverses, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui ont eu l’occasion, en ce court laps de temps, de montrer leur volonté et leur patriotisme, en menant leurs pays dans un 'combat juste'. En tous cas, Erevan n'a pas été à court de volontaires prêts à défendre la patrie. Il en va de même pour Bakou. Lorsque l’économie est en berne et que les citoyens sont mécontents, il va de soi qu’une petite guerre ne peut qu’arranger les choses. … Le Kremlin a profité de la livraison d’armes, mais il a pu s’arroger aussi un contrôle durable sur Bakou et Erevan. Car la tension qui règne entre ces deux pays, et qui menace à chaque instant de mettre le feu aux poudres, lui permet d’y maintenir son influence et de jouer un rôle décisif dans le Caucase.»

Neatkarīgā (LV) /

Les combats ne sont que des manœuvres de diversion

Pour le quotidien national-conservateur Neatkarīgā, la reprise du conflit armé dans le Haut-Karabagh s’explique par la volonté de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie de détourner l’attention de la situation économique difficile dans les deux pays :

«Si le conflit est lié à une histoire ethnique et religieuse qui remonte à plus de 100 ans, la guerre actuelle s’explique surtout par la crise économique qui mine les deux pays, le niveau de vie ayant rapidement chuté ces dernières années. Surtout en Azerbaïdjan, où l’essor économique était essentiellement lié à la vente de pétrole. Mais avec la dégringolade des prix du brut ces derniers temps, le pays est en difficulté. Dans de telles circonstances, les pays utilisaient à tout moment un dérivatif idéal pour détourner l’attention des problèmes économiques : la possibilité de mener une guerre courte.»

Tages-Anzeiger (CH) /

Moscou ne veut pas de guerre par procuration

Il est peu probable que la Russie soit prête à mener une guerre par procuration dans la région du Haut-Karabagh, estime le quotidien de centre-gauche Tages-Anzeiger :

«[Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï] Lavrov n'a eu de cesse, ces dernières années, de tenter de relancer le processus de paix au Haut-Karabagh, et a notamment proposé de déployer des troupes russes de maintien de la paix dans la région. Certains observateurs occidentaux craignent que la Russie ait ne cherche par là à renforcer son pouvoir sur un territoire qu’elle considère comme appartenant à sa sphère d’influence originelle. Mais compte tenu de son engagement en Syrie, du conflit frontalier en Ukraine et de l’annexion de la Crimée, la Russie ne peut se permettre de combattre sur un nouveau front. S’il y a eu des combats ces derniers jours, c’est très probablement parce que deux ennemis héréditaires entendaient mesurer leurs forces ; et ainsi détourner l’attention des problèmes politiques intérieurs de chaque côté.»

Adevărul (RO) /

Seule la propagande nous parvient

13 personnes ont perdu la vie lundi lors de nouveaux combats entre les armées azerbaïdjanaise et arménienne dans le Haut-Karabagh. Les informations provenant de la région disputée émanant directement des belligérants, elles doivent être prises avec précaution, prévient le journaliste Mircea Barbu sur son blog hébergé par le journal libéral-conservateur Adevărul :

«Tant que nous serons avides d’images et d’informations sur la 'guerre du Haut-Karabagh', et tant que celles-ci ne proviendront pas de sources indépendantes, nous ne ferons que relayer la propagande diffusée par les deux régimes. … Pendant ce temps, des milliers d’Azerbaïdjanais et d’Arméniens armés sont envoyés au front, que ceux-ci comprennent ou non ce qui s’y déroule. Evincées par la propagande que déversent l’Arménie et l’Azerbaïdjan, leur histoire et celle des civils coincés sur cette infime bande de terres entre les deux pays restent inconnues et bien dissimulées.»

România liberă (RO) /

L'entrée en collision d'intérêts géopolitiques

La reprise du conflit dans le Haut-Karabagh s’inscrit dans le cadre d’un petit jeu géopolitique auquel participent également les Etats-Unis, analyse le quotidien conservateur România Liberă :

«Ces combats pourraient être un signal émis par la Turquie : une réaction à l’immixtion russe en Syrie et surtout une mise en garde à l’adresse du Kremlin, l'intimant de se garder de toute ingérence dans la question kurde. Les Etats-Unis jouent également un rôle : l’Azerbaïdjan a amorcé le conflit après la visite de son président aux Etats-Unis. De l’avis de certains experts, Washington tente ainsi de pousser Vladimir Poutine à faire preuve de plus de retenue dans les conflits en Syrie et en Ukraine. … Les Etats-Unis veulent réactiver ce conflit de telle sorte que celui-ci puisse servir d’instrument de négociation à tout moment. La Russie, de son côté, privilégie le maintien du statu quo. Elle est confrontée actuellement à des problèmes plus graves et n’a aucune envie de voir une guerre enflammer la région. Qu’en sera-t-il ? Ce qui est certain, c’est que pour les Arméniens et les Azerbaïdjanais, la guerre serait une véritable catastrophe.»

taz, die tageszeitung (DE) /

Le danger d'un conflit russo-turc

L’Arménie étant la protégée de la Russie et l’Azerbaïdjan l’alliée de la Turquie, les intérêts de Moscou et d’Ankara pourraient entrer en collision directe dans le conflit au Haut-Karabagh, prévient le quotidien de gauche taz :

«Cela fait longtemps que l’Azerbaïdjan a remédié à son infériorité militaire vis-à-vis de l'ennemi intime arménien. Il dispose de surcroît d’un nouveau partenaire d’alliance qui pourra l’appuyer militairement : la Turquie. Les frontières arméniennes, quant à elles, sont protégées par des soldats russes. En cas de réactivation du conflit dans le Haut-Karabagh, des soldats russes et turcs pourraient donc s’affronter. La communauté internationale doit condamner l’occupation des territoires azerbaïdjanais par l’Arménie. Mais elle doit aussi faire comprendre à l’Azerbaïdjan qu’il n’a pas le droit de provoquer délibérément une nouvelle guerre.»