Présidence française de l'UE : le drapeau de la discorde

Le 1er janvier, avec le début de la présidence française de l'UE, Macron a fait installer un drapeau de l'UE sous l'Arc de Triomphe. L'absence du drapeau du pays a été critiquée par l'opposition, les partis de droite et d'extrême droite y voyant même une "atteinte à l'identité nationale". La presse européenne discute de la polémique, en lien avec les présidentielles d'avril.

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Slate (FR) /

Un faux-pas

En installant le drapeau européen sous l'Arc de Triomphe, Macron a commis un impair, juge Slate :

«C'est une maladresse électorale. Avec cet affichage, le président sortant ne gagnera aucune voix fédéraliste car elles sont déjà toutes macronistes. En revanche, cet affichage risque de troubler le début de la campagne présidentielle et le futur candidat risque de perdre une fraction de l'électorat qui n'aime pas que l'on joue avec ses traditions, ses symboles, surtout quand il s'agit seulement, comme il est vraisemblable, de faire le buzz.»

NRC Handelsblad (NL) /

Inconcevable sans le drapeau tricolore

Il déplaît aux Français de voir le drapeau européen tout seul, souligne le chroniqueur Luuk van Middelaar dans NRC Handelsblad :

«Cet imbroglio, d'ordre symbolique, vient rappeler à Macron que l'amour des Français pour l'Europe a des limites. Si beaucoup voient la place de la France au sein de l'Europe, impossible en revanche de concevoir l'Europe sans la France. Mieux vaut donc, à l'avenir, veiller à disposer les deux drapeaux côte à côte. Alors qu'elle vient à peine de commencer, on constate d'ores et déjà que la présidence tournante sera indissociable des élections du mois d'avril. ... Macron considère l'Europe comme un espace de culture et de civilisation, il cherche la connivence d'artistes, d'auteurs et d'intellectuels européens. D'où les drapeaux.»

Le Point (FR) /

L'or et l'azur, symbole de résistance

Dans Le Point, le philosophe Bernard-Henri Lévy souligne combien il est important pour l'Europe d'afficher son drapeau :

«Il est, ce contre-empire d'Europe, la seule réplique sérieuse, proportionnée, crédible, à la montée en puissance des mammouths de l'impérialisme néo-russe et néo-chinois, alliés aux satrapes néo-ottomans, néo-perses ou d'inspiration Frères musulmans qui profitent du moindre recul des Occidentaux pour avancer leurs pions. L'Europe n'est pas une nation. Son oriflamme, qui est celle de la démocratie libérale, n'efface ni ne parjure rien. Mais elle est le signe de ralliement de ceux qui ne se résignent pas à leur sortie annoncée de l'Histoire. Emmanuel Macron a eu raison : pavoiser d'or et azur l'un des lieux de la grandeur française était une preuve de vitalité et de résistance.»

Rzeczpospolita (PL) /

Une aubaine pour Macron et Morawiecki

Rzeczpospolita voit dans la présidence française l'occasion pour la Pologne de résoudre le litige qui l'oppose à l'UE sur la question de l'Etat de droit :

«Une grande partie de l'électorat français est devenue fortement eurosceptique et se montre favorable à l'équipe de Mateusz Morawiecki dans la querelle avec Bruxelles. Mettre fin à celle-ci couperait l'herbe sous le pied à Marine Le Pen, Eric Zemmour et Valérie Pécresse - les principaux rivaux du chef de l'Etat. Alors que la France assurera la présidence tournante de l'UE pendant six mois, Macron pourrait se servir d'un tel succès pour tenter de prouver que les Français sont toujours en mesure de diriger efficacement l'UE.»

El País (ES) /

Paris pourrait mener la danse

S'il sait saisir sa chance, Macron peut assurer une présidence forte, assure El País :

«La France hérite de la présidence tournante en sachant que 2022 sera 'un tournant' pour l'Europe. ... Comme l'Allemagne, la France est en mesure d'assurer un leadership fort, en faisant de la réponse européenne à la pandémie un modèle et un levier, notamment pour les investissements dans le numérique et l'écologie. Le mandat de Macron pourrait cependant être perturbé par les présidentielles françaises ou par la propagation du variant Omicron. Pour éviter de se voir reprocher d'instrumentaliser la présidence française de l'UE à des fins électorales, son action ne devra pas se limiter à la seule audace politique.»

De Volkskrant (NL) /

L'Europe comme tremplin pour les présidentielles ?

Macron veut mettre sa réussite en Europe au service de sa campagne électorale, croit savoir De Volkskrant:

«Dans quasiment tous les domaines, l'Europe converge vers le modèle français. Plus de dirigisme, plus d'investissements publics. Fini le temps de l'ébahissement pour le libre-échange, l'heure est à la grande politique. ... Macron a le vent en poupe. ... Il veut que son premier mandat se termine par une série de réussites en Europe. Mais la réussite en Europe lui rapportera-t-elle des voix ? Ces dernières années, la France s'est sérieusement droitisée. ... Aucun des candidats d'extrême-droite n'est favorable à un Frexit. ... Mais tout comme beaucoup d'électeurs français, ils trouvent l'identité française plus importante que la coopération européenne.»

Der Standard (AT) /

Une offensive audacieuse

Pour assurer sa réélection, le président français joue la carte européenne, observe Der Standard :

«Tout porte à croire que Macron se lance dans une campagne électorale sous le signe de l'Europe 2.0. Sur tous les grands dossiers, il cherche à gagner le concours des partenaires européens. Pacte migratoire, sommet de la défense, réforme du pacte de stabilité de l'euro, offensive sociale européenne, salaire minimum, réforme des traités, relance de l'économie, et la liste est encore longue. Cap sur l'Europe et en avant toute ! L'offensive n'est pas sans risque. Mais Macron a des raisons de penser que les Français croiront en l'Europe. Saura-t-il convaincre les partenaires européens récalcitrants ? Il devra d'abord en fournir la preuve à Bruxelles.»

El País (ES) /

Au Sud aussi, il y a deux locomotives

El País s'irrite de ce que l'on résume le leadership européen au tandem franco-allemand :

«A la France et à l'Allemagne, il convient d'ajouter aussi l'Italie et l'Espagne, car ce quadrilatère résume les grandes options de l'UE et représente environ les deux tiers de son économie et de sa population. ... Ces dernières semaines, certains dirigeants européens ont reconnu des cas de corruption et d'évasion fiscale qui ont discrédité les exécutifs concernés et favorisé une alternance. ... Dans ce contexte, il faut empêcher que les fronts se durcissent et que l'Union se délite. Un travail préalable d'échanges au sein du quadrilatère formé par les pays les plus importants de l'Union serait un gage de meilleurs résultats. L'Espagne s'avance, de manière discrète et pertinente, pour appuyer cette logique interne.»