Que faire contre la sécheresse ?

Partout en Europe, les agriculteurs souffrent de l'aridité cet été. En Roumanie, les tournesols et les plants de maïs s'assèchent. L'Italie fait d'ores et déjà une croix sur sa récolte de riz dans la plaine du Pô. Presque tous les départements français ont décrété des restrictions pour l'usage de l'eau potable. Les médias européens avancent des propositions pour une meilleure gestion des ressources hydriques.

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Libération (FR) /

Il faut agir à tous les niveaux

La France doit absolument se doter d'un plan national de gestion de l'eau, assène dans Libération Philippe Rio, président de la régie eau de Grand-Paris-Sud :

«Nous avons donc, à grande échelle, une situation critique et une amplification des enjeux des politiques de l'eau, pour des outils moins financés, avec moins d'effectifs et auxquels on demande pourtant de faire plus. Cette réalité est intenable et les conséquences sont déjà là. Le refinancement de l'Etat au niveau des grands bassins-versants doit donc redevenir une urgence, ne serait-ce que sur la question du stockage. … S'agissant du petit cycle de l'eau, attelons nous à un programme antifuites, celles-ci représentant aujourd'hui 18,5 millions de mètres cubes, soit 1/5 de la consommation, et des campagnes de sobriété domestique.»

Frankfurter Allgemeine Zeitung (DE) /

Récupérer les eaux de pluie

Les villes doivent elles aussi tirer les conséquences de la sécheresse, lit-on dans Frankfurter Allgemeine Zeitung :

«La suite logique serait de moins goudronner [pour que l'infiltration dans le sol soit possible] et de végétaliser davantage. Il existe en outre des solutions techniques, par exemple des réservoirs enterrés de collecte des eaux de pluie, ou encore des toitures innovantes. La ville de Berlin, par exemple, s'est dotée d'une agence des eaux de pluie. Celle-ci a mis au point un processus visant à transformer les toits plats en éponges. Ils sont constitués d'un toit végétalisé sous lequel se trouve une structure faisant penser à des cageots et dont les cavités creuses se remplissent d'eau, l'excédent se déversant ensuite dans la gouttière. ... Autrefois, il était tout naturel de se constituer des stocks et de gérer avec parcimonie les ressources précieuses. L'eau de pluie doit être considérée comme un bien précieux, tout le monde devrait désormais l'avoir compris.»

Index (HU) /

Investir pour combattre l'arridité

Pour l'agronome et ancien secrétaire d'Etat György Raskó, il est impératif de rénover les systèmes d'irrigation, comme il l'écrit dans Index :

«La sécheresse et le changement climatique sonnent-ils le glas de notre civilisation ? Je le dis haut et fort : non. Il ne tient qu'à nous de nous adapter. Nous devons nous employer à moderniser les installations d'irrigation existantes, à nettoyer les canaux de drainage de l'Alföld [la grande plaine de Hongrie] et à aider les agriculteurs pour qu'ils soient en mesure d'investir eux-mêmes dans des systèmes d'irrigation. Une enveloppe à hauteur de plusieurs milliards de forints prélevée sur les budgets nationaux pourrait s'avérer être un investissement porteur.»

Pravda (SK) /

Des agriculteurs désespérés

L'inaction politique face à la sécheresse en Slovaquie a des conséquences de plus en plus graves, écrit Pravda :

«Quand on traverse la Slovaquie, on constate que les champs irrigués sont l'exception. L'irrigation ne fonctionne pas, par manque d'eau, mais aussi du fait de conduites et de stations de pompage vétustes. ... Certaines régions se trouvent dans une situation désespérée car elles manqueront de fourrage l'hiver prochain. Quand la Slovaquie dit craindre de devoir abattre dix mille vaches d'ici la fin de l'année, ce ne sont pas des paroles en l'air. Mais le gouvernement, obnubilé par sa propre survie, ne se soucie pas de bien gérer le pays en proie à la spirale infernale de la sécheresse.»

El Mundo (ES) /

Arrêtons de gaspiller l'eau !

El Mundo préconise un plan national de préservation de la ressource eau :

«Dans notre pays, les réserves hydriques sont passées au-dessous de 40 pour cent, soit le niveau le plus bas depuis 27 ans. ... Un problème appelé à s'aggraver sous l'effet du changement climatique. La situation nécessite la conception de stratégies de la part des autorités publiques, mais aussi une sensibilisation des citoyens. L'habitude de gaspiller l'eau doit céder la place à un réflexe d'utilisation raisonnée et responsable de l'eau. Un certain nombre de mesures s'imposent, notamment la transition vers des cultures moins gourmandes en eau. Mais aussi l'adoption d'un plan national pour l'eau, qui brille par son absence.»

De Morgen (BE) /

Le prix de la prise de conscience

Les appels à économiser l'eau ne suffisent plus, met en garde De Morgen :

«Poutine, mais aussi les phénomènes météorologiques extrêmes, nous infligent des prix extrêmes pour les denrées alimentaires et l'énergie. ... La question récurrente est la suivante : le prix à payer suffira-t-il à nous pousser à prendre les mesures indispensables, c.-à-d. engager une coopération politique internationale dynamique pour endiguer au mieux le danger. Comme quand on est en guerre. Financièrement, il est en notre pouvoir de relever le défi, puisque, selon des études, deux à trois pour cent du PIB mondial suffiraient.»

Alternatives économiques (FR) /

Il faut s'adapter en profondeur

Alternatives économiques avance des propositions concrètes pour adapter l'agriculture au changement climatique, mais aussi pour freiner le phénomène :

«Les plantations d’arbres et de haies protègent les cultures de la chaleur et les sols de l’érosion, et facilitent l’infiltration des pluies. La diversification et la rotation des cultures atténuent l’effet des aléas climatiques et améliorent la qualité des sols. Il en va de même de la réduction (voire de l’élimination) des labours, de la généralisation des couverts végétaux, de l’utilisation d’engrais verts et de semences locales, de la collecte des pluies, tandis qu’associer certaines plantes éloigne les ravageurs dont le nombre risque de s’accroître.»

The Times (GB) /

Zéro pointé pour les compagnies des eaux

L'incurie des services des eaux privatisés est à l'origine des pénuries d'eau en Grande-Bretagne, estime The Times :

«La sécheresse actuelle trahit s'il le fallait, que l'industrie a manqué à faire les investissements adéquats. ... Un cinquième des réserves d'eau britanniques se perd dans des fuites. Un fait accablant qui souligne l'incapacité du secteur à maintenir son réseau en bon ordre de marche. Sans compter qu'en l'espace de 30 ans, pas un seul nouveau réservoir n'a été construit même si, sous l'effet de la croissance démographique et d'une pluviométrie erratique découlant du changement climatique, les besoins en eau ont explosé. On a appris la semaine passée qu'une usine de désalinisation construite par Thames Water pour contrer les pénuries dans les périodes difficiles comme celles que nous connaissons est actuellement hors de service pour travaux d'entretien.»

Krónika (RO) /

Tout un réseau à remettre à neuf

La Roumanie va impérativement devoir investir dans des systèmes d'irrigation des cultures moins gourmands en eau, estime Krónika :

«Ces dix dernières années, la Roumanie aurait eu suffisamment de temps pour moderniser des systèmes d'irrigation vieux de 40 à 50 ans. ... Si le gouvernement sortait de sa torpeur et mobilisait tous les fonds possibles pour financer de nouveaux systèmes d'irrigation, le secteur agricole pourrait encore être sauvé. ... Dans le cas contraire, la part des importations dans notre alimentation, qui est déjà de 40 à 50 pour cent, continuerait d'augmenter. Le prix des denrées alimentaires de base, déjà élevé, en deviendrait alors inabordable.»

Le Soir (BE) /

Eviter à tout prix une guerre de l'eau

Le Soir appelle l'Europe à prendre enfin la mesure du risque tangible de désertification :

«Le système espagnolde gestion des eaux [prévoyant retenues et barrages] a pu passer un temps pour le modèle à suivre. ... Mais faute de pluies, cette stratégie atteint aujourd'hui ses limites. C'est une preuve de plus que la lutte contre la sécheresse ne s'improvise pas. Tout est lié : la santé de la terre et de son climat est aussi la garantie de repousser le spectre de la désertification. La guerre de l'eau – car c'est ainsi que l'on nomme les conflits visant au contrôle de l'or bleu un peu partout sur la planète – n'est pas une fatalité. Mais une menace bien réelle qu'il faut au plus vite conjurer.»