Ukraine : des lézardes dans la cohésion nationale ?

Pendant des mois, la société ukrainienne a impressionné le monde par la force de sa cohésion, en apparence inébranlable, dans la lutte contre l'envahisseur russe. Or elle commence à être traversée par des tensions croissantes. Le maire de Kyiv, Vitali Klitschko, a eu des mots inhabituellement durs pour le président Zelensky. Les épouses de soldats ont protesté et réclamé des permissions pour leurs maris. Mais il n'y a pas qu'en Ukraine qu'on remet l'attitude de Zelensky en question.

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Delfi (LT) /

Des priorités incompatibles

Les tensions entre Zelensky et le commandant en chef des forces armées, Valeri Zaloujny, préoccupent Delfi :

«Zelensky craint qu'une armée ukrainienne davantage sur la défensive et moins vulnérable aux attaques russes reçoive moins de soutien de la part de l'Occident. ... Ainsi, rien d'étonnant à son désir de disposer d'une armée performante. ... Zaloujny quant à lui, ne veut pas mettre en péril la vie de ses soldats, parce qu'en l'état, les ressources sont insuffisantes pour mener une offensive. Le chef d'état-major et le président ont donc tous les deux raison, à leur manière. Le problème, c'est que leurs vérités sont difficilement compatibles.»

La Stampa (IT) /

Recadrer Zelensky

La Stampa tacle le président ukrainien et plaide pour la voie du compromis :

«Avec son fanatisme obstiné, dogmatique et excessif, Zelensky est prisonnier du mythe de la victoire totale. Selon lui, la guerre ne pourra prendre fin que si Poutine capitule. En faisant miroiter de prodigieuses contre-offensives et en dépeignant une Russie à l'agonie, il nous a convaincus qu'il n'y avait pas d'autre issue à la guerre. .... Personne n'a assez de courage politique pour lui rétorquer qu'une victoire absolue est impossible et pourrait se solder par une défaite et une boucherie sans pareille. ... De plus, Zelensky se met à voir des complots partout et à soupçonner des trahisons. Dans le même temps, il a pris conscience que la loi martiale était un excellent moyen d'éliminer les voix critiques.»

Gordonua.com (UA) /

On ne peut négocier selon les termes de la Russie

La disposition au compromis signalée par le porte-parole de Poutine, Dmitri Peskov, est trompeuse, estime l'ex-député et blogueur Boryslav Beressa, sur Gordonua.com :

«La Russie ne cesse de proposer des négociations. Mais des négociations selon ses conditions, lesquelles s'avèrent tout à fait inacceptables pour l'Ukraine, en plus d'être inapplicables. Elles signifieraient la fin de l'Ukraine, sa transformation en une sorte de Bélarus sous le contrôle de Moscou. C'est pourquoi de telles annonces doivent être prises pour ce qu'elles sont : du vent. Elles ne signifie rien. ... La Russie peut promettre et signer tout ce qu'elle veut, elle bafouera ses promesses à la première occasion.»

Ukrajinska Prawda (UA) /

Une situation inquiétante

Dans Ukraïnska Pravda, le journaliste Pavlo Kazarine fait part de ses inquiétudes quant au climat politique en Ukraine :

«On a parfois le sentiment que le pays vit une campagne électorale officieuse. Des décisions impopulaires votées par le Parlement attendent toujours la signature du président. Des représentants du parti au pouvoir reprochent publiquement au commandant en chef des armées [Valeri Zaloujny] d'avoir des ambitions politiques. L'opposition accuse le gouvernement de refuser à ses députés des déplacement diplomatiques. Tout cela laisse conclure que les politiques ukrainiens continuent de vivre dans l'attente d'élections - bien que le président ait promis qu'il n'y en aurait pas pendant la guerre. La situation est extrêmement troublante.»

La Stampa (IT) /

La poursuite de vieilles querelles

Le maire de Kyiv, Vitali Klitschko, a vivement critiqué le président Zelensky. Cela n'a rien d'étonnant, rappelle La Stampa :

«L'entourage du 'serviteur du peuple' a intimé à l'édile de ne pas aller se plaindre dans les journaux étrangers, et de se contenter de faire son travail. Les deux politiques ne s'aiment pas, et ce depuis que Zelensky est entré en politique, il y a quatre ans, battant dans les urnes le président sortant Petro Porochenko, actuel soutien du maire de Kyiv. ... Avec la guerre, le gouvernement a créé une administration militaire des municipalité (RDA), parallèle à celle existante, et l'a placée sous son contrôle. C'est de là qu'est parti le ballet de soupçons et d'accusations entre le centre et la périphérie.»

444 (HU) /

Porochenko n'est pas un adversaire de taille

Le portail 444.hu conjecture sur les raisons qu'a pu avoir l'ex-président ukrainien Petro Porochenko, arrêté par des douaniers à la frontière, d'avoir cherché à quitter le pays :

«Nous ignorons encore pour l'heure pourquoi Petro Porochenko voulait rencontrer Viktor Orbán. ... On se demande si ce nouveau chapitre dans la guerre entre Zelensky et Porochenko a une véritable importance pour l'avenir de l'Ukraine. Mais il est probable que ce déplacement contrecarré ne soit pas sans lien avec les ambitions du premier homme de l'Etat, et la menace croissante dont il pense être la cible. ... Mais quoi que Porochenko ait tenté de faire, ce n'est pas en sa personne que les Ukrainiens, fatigués par les aléas de la guerre, placeraient leurs espoirs.»

Radio Kommersant FM (RU) /

Les adversaires de Zelensky remontent à la charge

Maxim Youssine, commentateur sur Radio Kommersant FM, relate les propos d'un ancien ami de Kyiv sur la situation en Ukraine :

«'La politique revient lentement dans nos vies', a-t-il dit. 'Quand la guerre a éclaté, il n'y avait pratiquement plus de vie politique. Tout le monde a fait bloc autour du président. On avait peur de le critiquer, on ne voulait pas le fragiliser. Il était perçu comme l'incarnation du combat de la nation. Aujourd'hui, il n'y a plus cette cohésion autour de sa personne. L'opposition s'est enhardie, les gens commencent à dire haut en fort leurs doutes. Même au sein de l'équipe présidentielle, la solidarité se lézarde.' ... L'opposition, jusqu'ici caractérisée par la loyauté et la retenue, a repris du poil de la bête. Particulièrement les partisans de l'ex-président Petro Porochenko

The Times (GB) /

Pas le moment de lâcher l'Ukraine

Dans cette situation difficile, l'Ukraine a plus que jamais besoin de l'aide extérieure, estime The Times :

«A Kyiv, malgré le calme apparent, il y a des remous, et des rivaux potentiels au président Zelensky se font jour, discrètement. Les généraux qui reconnaissent que le pays est dans l'impasse sont accusés de défaitisme. Sur beaucoup de fronts, les Ukrainiens sont déjà en position d'infériorité face aux forces russes. Les bombardements de civils continuent, sans relâche. Même si les aides devaient reprendre, un hiver long et rude attend les Ukrainiens. Ce n'est pas le moment, pour l'Ouest, de se décourager.»