Temps de travail: vérités allemandes et illusions françaises
Les Allemands passent aux 28 heures ! Il va falloir beaucoup de sang-froid pour résister aux raccourcis, approximations et autres manipulations des commentateurs français sur l’accord signé par IG Metall. A la veille de la célébration des vingt ans des 35 heures, les nostalgiques des années Aubry y verront la preuve que la réduction du temps de travail est une tendance sociétale irréfragable. Rappelons donc que cette loi votée en 1998 – erreur historique – a provoqué une désorganisation durable de la fonction publique, une détérioration crasse des finances publiques et, surtout, un décrochage mortifère de la compétitivité nationale, prémices à une désindustrialisation destructrice d’emplois. Et rappelons aussi que l’accord allemand, dans un contexte de chômage bas, est optionnel, temporaire et sans compensation salariale : 28 heures payées 28, ce n’est pas la même chose que 35 heures payées 39 !
Jamais depuis nos «RTT» la préférence française pour le chômage ne s’est démentie. Et jamais un Président n’a réussi à briser ce consensus inavoué qui consiste à toujours préférer distribuer du temps et de l’argent aux «insiders» plutôt que du travail aux oubliés du système. Ni à casser ce cercle vicieux qu’on appelle «modèle» où l’alourdissement des prélèvements est le prix à payer pour financer les transferts sociaux à l’adresse des exclus, de plus en plus nombreux. Aujourd’hui sous pression, le gouvernement devrait tirer la leçon du passé plutôt que de se laisser envoûter par les sirènes démagogiques : le faible contenu en emplois de la croissance française s’explique en partie par des gains de productivité trop faibles rapportés à la progression des rémunérations. L’Allemagne montre a contrario que la lutte pour la compétitivité d’hier est le plein-emploi d’aujourd’hui et les augmentations salariales de demain. Exemple à suivre.
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