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L'avenir olympique est asiatique

Alors que l'Europe se montre de plus en plus réticente à accueillir les Jeux olympiques, PyeongChang donne le coup d’envoi d’une série de trois JO sur le continent asiatique, avant Tokyo en 2020 et Pékin en 2022.

Entraînement de patinage artistique à Pyeongchang (Corée du Sud), le 7 février 2018 | Aris Messinis / AFP
Entraînement de patinage artistique à Pyeongchang (Corée du Sud), le 7 février 2018 | Aris Messinis / AFP

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Les Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang, qui s’ouvrent vendredi 9 février en Corée du Sud, n’ont pas été les plus faciles à préparer.

La Corée du Sud a traversé une crise politique intérieure sans précédent avec la destitution de sa présidente et, au cours des derniers mois, le climat politique international –assombri par les lancements de fusées de la Corée du Nord– a même fait craindre le forfait de délégations, trop effrayées à l’idée de s’aventurer dans cette partie du monde en guerre.

«Trêve olympique» 

Mais à l’approche de ce rendez-vous planétaire, les tensions ont fini par spectaculairement s’apaiser. Comme à neuf reprises dans le passé –notamment à Sydney en 2000, Athènes en 2004 et Turin 2006– les athlètes des deux Corées défileront sous la même bannière lors de la cérémonie d’ouverture.

Ce qui n’avait pas été possible lors des Jeux olympiques d’été de Séoul en 1988 l’a été, cette fois, avec un pas supplémentaire effectué: les deux Corées joindront également leurs forces dans la compétition de hockey sur glace féminin, où elles ne feront qu’une.

Le principe de «trêve olympique» a parfaitement fonctionné en la matière, même s’il ne faut pas être complètement naïfs.

De manière non officielle, l’argent a (bien sûr) été la contrepartie d’un pan de cet accord. Le Comité international olympique (CIO), qui reverse 90% des revenus qu’il perçoit au sport, se montrera sans doute plus généreux que d’ordinaire avec le comité national olympique de Corée du Nord.

Sur le plan diplomatique, Kim Jong-un, déroutant par définition, en a aussi profité pour se donner une sorte de joli rôle inattendu, en paraissant se montrer ouvert à la discussion après avoir agi pendant des mois comme un dictateur illuminé, prêt à déclencher le feu nucléaire.

Chassez le naturel, il reviendra peut-être au galop une fois la flamme éteinte, mais les Jeux olympiques, porteurs de paix, auront au moins rempli leur office. C’est évidemment un point positif pour le si souvent contesté CIO qui, sans le clamer trop fort, rêve de se voir attribuer un jour le Prix Nobel de la paix.

Troisième tentative

Dans le passé, le CIO avait dit non à deux reprises à la candidature coréenne de PyeongChang, battue par Vancouver en 2003 pour les Jeux d’hiver de 2010 et par Sochi en 2007 pour les Jeux d’hiver de 2014.

En juillet 2011, à Durban en Afrique du Sud, la troisième tentative avait été la bonne, face à Annecy et Munich –la candidature de la cité allemande étant alors emmenée par Thomas Bach, devenu président du CIO en 2013. Il n’y avait même pas eu de match lors du vote: PyeongChang avait récolté 63 suffrages, Munich 25 et Annecy 7.

La grosse différence avec les deux précédentes candidatures qui avaient échoué? Il n’avait pas été question, cette fois, de présenter ces possibles JO comme une tentative de rapprochement entre les deux Corées! De manière presque ironique, ce projet politique avait même été complètement évacué par les Coréens du Sud.

Soucis logistiques

Sur le plan technique, ces Jeux olympiques de PyeongChang ont également été délicats à mettre en place.

Pour le CIO, le comité d’organisation de ces JO s’est montré un interlocuteur assez rigide et peu enclin à suivre les recommandations de l’institution lausannoise. C’est une habitude dans le cadre des projets olympiques, gérés en grande partie par des gouvernements toujours soucieux de garder leurs prérogatives et de ne pas dévier de leurs plans.

Entre 2011 et 2014, il ne s’était presque rien passé au niveau de l’avancement de ces Jeux d’hiver, si bien qu’en juillet 2014, Cho Yang-ho –le haut responsable de Korean Air en charge de la candidature victorieuse de 2011– avait été rappelé en urgence à la rescousse, pour endosser le rôle de chef du comité d’organisation. Puis panique à bord, il avait démissionné au printemps 2016 pour être remplacé par Lee Hee-beom, un ancien ministre de l’Industrie et de l’Énergie.

Ces Jeux d’hiver ont suivi un processus laborieux et n’ont pas semblé, pendant longtemps, intéresser les Sud-Coréens eux-mêmes. Il y a deux mois, seulement 54% des billets mis en vente avaient été écoulés. Depuis, le rythme s’est heureusement accéléré avec un taux avoisinant désormais les 80%, mais nombre de touristes étrangers –de Chine, des États-Unis ou d’Europe–, refroidis par les tensions diplomatiques récentes, manqueront à l’appel.

Mercredi 7 février, la Suédoise Gunilla Lindberg, à la tête de la commission de coordination de ces Jeux pour le compte du CIO, a indiqué qu’elle était venue à PyeongChang à trente-neuf reprises, ce qui est le signe de vrais soucis logistiques.

Néanmoins, au bout de ce long chemin, les installations de ces Jeux olympiques de PyeongChang ont été livrées en temps et en heure, avec de surcroît un remarquable niveau d’excellence. Il n’empêche, la question de leur héritage demeure assortie de quelques points d’interrogation: que deviendront certaines de ces infrastructures dans les années qui viennent et les Coréens auront-ils envie d’embrasser la culture des sports d’hiver qui leur est, pour le moment, assez étrangère? Personne ne le sait avec exactitude.

Europe rétive 

«New Horizons», tel était justement le slogan futuriste de la candidature de 2011, censée tracer une perspective nouvelle pour des Jeux d’hiver qui n’étaient venus que deux fois en Asie, à chaque fois au Japon (Sapporo 1972, Nagano 1998) –loin de l’Europe et de l’Amérique du Nord, leurs habituels refuges.

Depuis 2011 et le vote de Durban, cet horizon s’est, il faut le souligner, bigrement élargi. L’Asie, non contente d’organiser les Jeux d’été de Tokyo en 2020, a également décroché les Jeux d’hiver de Pékin en 2022; Sapporo est quasi partante pour se porter à nouveau candidate pour l’accueil des Jeux d’hiver de 2026, qui seront attribués à Milan en septembre 2019.

C’est le mérite de l’Asie: déclarer sans cesse sa flamme aux Jeux olympiques, alors que l’Europe se montre de plus en plus rétive à les recevoir, comme l’ont montré les abandons de Hambourg, Rome et Budapest sur la route des JO 2024 –dont Paris a fini par hériter faute d’adversaires et sachant que Los Angeles avait choisi ceux de 2028 décernés dans le même temps, selon une procédure exceptionnelle du CIO.

Les Jeux d’hiver de 2026 ont déjà subi la rebuffade de l’Autriche, qui avait espéré proposer la candidature d’Innsbrück, mais un référendum populaire a mis fin à ce joli rêve en octobre dernier. Même ruade démocratique, il y a un an, de la part de Saint-Moritz et Davos, en Suisse.

Le 10 juin prochain, lors d’une autre votation en Suisse, la ville de Sion et le canton de Vaud, également sur la ligne de départ, sauront à leur tour quelle sera la volonté de leurs habitants. Ils risquent bien de suivre l’exemple des Autrichiens et de leurs compatriotes des Grisons, en raison d’une trop grande frilosité liée aux coûts d’un tel événement. Heureusement pour le CIO, l’Asie se montre moins regardante ou critique: à PyeongChang, personne ne s’est véritablement offusqué de ces dérives.

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