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L’axe Pékin-Pyongyang

ÉDITORIAL. Xi Jinping a reçu Kim Jong-un au Palais du Peuple. Histoire d’accorder leurs violons avant le sommet entre Pyongyang et Washington

Kim Jong-un et Xi Jinping, en compagnie de leurs épouses, au Palais du peuple. Pékin, 26 mars 2018. — © KCNA via AP
Kim Jong-un et Xi Jinping, en compagnie de leurs épouses, au Palais du peuple. Pékin, 26 mars 2018. — © KCNA via AP

Le wagon blindé aux vitres teintées de Kim Jong-un s’est arrêté un peu plus de 48 heures en gare centrale de Pékin. Le temps de réaffirmer l’un des axes fondamentaux de la géopolitique est-asiatique: l’alliance Pékin-Pyongyang, forgée dans le sang de la guerre de Corée. Une alliance qualifiée par Mao Tsé-toung d’aussi étroite que celle qui unit les lèvres aux dents…

Pour ceux qui croyaient la Chine et la Corée du Nord en froid, il faut revenir aux fondamentaux. Il n’est pas question pour Pékin de perdre le contrôle de son voisin alors que se prépare un sommet historique entre Kim Jong-un et Donald Trump. Il est tout aussi inimaginable pour Pyongyang de réviser ses relations avec Washington sans le feu vert de Pékin.

À ce sujet:  Une visite historique de Kim Jong-un en Chine

Allégeance au suzerain

La rencontre secrète et inofficielle entre Kim Jong-un et Xi Jinping a en fait revêtu tous les attributs d’une visite d’Etat au plus haut niveau. Sans trop forcer le trait, on peut voir dans le déplacement du jeune leader nord-coréen une forme d’allégeance envers son suzerain, le tout-puissant Xi Jinping.

Car, sans la Chine communiste, il n’y aurait pas de Corée du Nord. C’est le sens qu’il faut attribuer aux paroles de Kim Jong-un quand il déclare que c’était son devoir solennel de réserver sa première visite diplomatique à la Chine. Cela, a-t-il ajouté, par respect pour le combat des générations passées, son grand-père Kim Il-sung ayant mené la charge contre le Sud en 1950 alors que le père de Xi Jinping était un des hauts dirigeants du nouveau régime chinois qui lui vint en aide.

Cette relation n’en est pas pour autant à sens unique. Pyongyang, loin d’être un simple pion dans le jeu chinois, a toujours conservé une marge de manœuvre, en particulier pour assurer les moyens de sa sécurité. Pékin n’a pas pu – pas voulu? – stopper son programme nucléaire, bien qu’il l’ait toujours officiellement condamné. L’entêtement de Kim Jong-un à aller de l’avant avec un programme lancé dès les années 1970 a fini par sérieusement agacer la direction chinoise. Elle s’est récemment résolue à voter et mettre en place des sanctions sous l’égide de l’ONU qui produisent leurs effets.

La main tendue par Kim Jong-un à Donald Trump avec la promesse d’un abandon de son programme nucléaire – information relayée par la Corée du Sud et les médias chinois, mais pas par Pyongyang –, en échange de garanties pour sa sécurité, est de nature à bouleverser les équilibres régionaux. La signature d’un traité de paix et la promesse d’une péninsule coréenne dénucléarisée serait une grande nouvelle pour la sécurité mondiale. Cela implique aussi des renoncements militaires cruciaux pour Pyongyang et Washington.

Le processus ne pourra être que long et complexe. Aujourd’hui, Kim Jong-un s’y prépare en accordant son violon avec le parrain chinois. Donald Trump salue le geste. Lui aussi compte sur Pékin pour obtenir un résultat. Mais le président américain, qui ne cesse de changer ses plus proches conseillers, apparaît moins bien préparé pour jouer sa partition.