EDITORIAL

Géométrie

SNCF, une grève dure ?dossier
par Laurent Joffrin
publié le 3 avril 2018 à 20h26

Le propre des parallèles, en géométrie, c’est qu’elles ne convergent pas. Il en va ainsi, pour l’instant, des luttes sociales qui se manifestent dans plusieurs secteurs de la sphère publique ou parapublique. Les étudiants contestent le système «Parcoursup», les cheminots refusent le projet du gouvernement pour la SNCF, les salariés des Ehpad et des hôpitaux veulent plus de moyens, les pilotes d’Air France de meilleurs salaires, les agents d’EDF redoutent une privatisation. A ce jour les objectifs de ces mouvements tiennent plus de l’inventaire à la Prévert que du rassemblement autour d’objectifs communs. Le gouvernement affiche sa sérénité et se dispose, dit-il, à résister à une longue grève dans le ferroviaire en comptant sur le mécontentement des usagers et la critique des «privilèges des cheminots» répandue dans une partie de l’opinion. Il y a pourtant une faille dans ce raisonnement. Il existe un point commun entre ces différents mouvements, du moins la majorité d’entre eux : le refus de la libéralisation, la défense d’une certaine tradition du service public. A cela s’ajoute paradoxalement une amélioration en cours de la situation économique, qui favorise les revendications salariales. C’est le risque que court le gouvernement : voir ce mouvement disparate se transformer peu à peu en référendum informel sur le libéralisme. Malgré l’émergence supposée d’un «nouveau monde», la défense du rôle social de l’Etat reste un invariant français, qui dépasse les frontières traditionnelles des partis. On la retrouve peu ou prou dans l’ensemble de la gauche, mais aussi dans les discours populistes de la droite de la droite. Cette coagulation ne se manifeste pas pour l’instant. Mais elle pourrait s’instaurer à petits pas. Quoi qu’en ait pensé Euclide, il arrive en géométrie sociale que les parallèles finissent par converger.

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