Tribune. Depuis 1947, l’université de Chicago ajuste chaque année l’horaire de l’horloge de la fin du monde. Cette horloge conceptuelle évalue la proximité de la destruction de notre civilisation. Plus l’on approche de minuit, plus l’on approche de la fin.
Au fur et à mesure des années, les risques écologiques, le terrorisme, la prolifération des armes chimiques, l’absence de leadership international se sont agrégés au risque nucléaire initial. En 2018, il est 23 heures 58. Un record.
L’analogie avec l’Europe n’est pas fortuite. A bien des égards, notre horloge indique minuit moins une. Rarement la construction européenne n’a en effet été autant critiquée, attaquée, calomniée par des forces nationalistes et populistes. Rarement l’idéal de paix sur lequel nous avons construit notre continent n’a été autant bafoué par ces forces qui prospèrent sur le diptyque antieuropéen, anti-immigré et aussi sur des nouveaux clivages Nord-Sud et Est-Ouest.
Aujourd’hui, force est de constater qu’il y a une déliquescence des partis politiques partout en Europe. Il est temps de sonner le tocsin. Un sursaut proeuropéen, loin des calculs d’appareil et des querelles de clochers, s’impose.
Euroscepticisme au mieux, haine au pire
Si depuis 2014, à chaque échéance électorale et partout en Europe, les extrêmes ont opéré une percée, le phénomène prend aujourd’hui une nouvelle ampleur : après la cooptation au pouvoir de l’extrême droite en Autriche, la percée sans précédent de l’AfD en Allemagne, la présence du Front national au deuxième tour de l’élection présidentielle française, la victoire des nationalistes britanniques en faveur du Brexit, l’Italie qui voit les populistes, antieuropéens et nationalistes s’installer dans son paysage politique.
Contrairement à ce que l’on peut lire ou entendre, la déliquescence politique n’est pas l’apanage seulement de la social-démocratie. Ces derniers mois, les partis politiques d’Angela Merkel, de Silvio Berlusconi et de Mariano Rajoy ont tous fait face à des résultats électoraux médiocres, inédits dans l’histoire de leur pays.
Quatre années auront ainsi suffi pour imposer ce nouveau paysage politique en Europe. À ce rythme, le futur Parlement européen pourrait bien être composé de forces politiques, certes diverses, mais avec comme point commun l’euroscepticisme au mieux, la haine de l’Europe au pire. Nous avons déjà eu un avant-goût de ce futur proche inquiétant : en février dernier au Parlement européen, il a été impossible de dégager une majorité de consensus sur la question des listes transnationales aux élections européennes.
Il vous reste 57.17% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.