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La mort de l’ETA, et après?

ÉDITORIAL. La balle est désormais dans le camp du gouvernement espagnol. Mais rien n’indique qu’il soit prêt à la saisir

Image d’illustration: un graffiti représentant le drapeau basque. — © Bob Edme / AP Photo
Image d’illustration: un graffiti représentant le drapeau basque. — © Bob Edme / AP Photo

Tous les conflits finissent mal. La dissolution de l’ETA – annoncée depuis longtemps et rendue officielle jeudi à Genève – laisse évidemment un goût d’inachevé. Trop de morts (quelque 850), trop de blessures, trop de balafres au sein même de la société basque pour que, d’un trait de plume, tout cela finisse dans une embrassade générale. La disparition de cette organisation, devenue de plus en plus clairement terroriste, de plus en plus insupportable et tristement incongrue dans la réalité démocratique espagnole, est une excellente nouvelle. Mais elle ne suffira pas, avant longtemps, à ramener la normalité au Pays basque espagnol.

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Le rejet de l’ETA par la société basque est une évidence. D’elle-même, cette société a repoussé comme un corps étranger, et hautement nuisible, ces divagations de l’ancienne bande armée, enfermée dans une logique d’un autre âge. Mais, dans le même temps, le terreau sur lequel l’ETA s’est développée, malgré sa dérive, est aussi une réalité incontestable. La gauche abertzale (socialiste et «patriote»), à laquelle se réfère constamment l’ETA, peut faire sourire. Elle n’en reste pas moins significative. Il a fallu toute la sagesse du gouvernement basque, mais également celle de la société civile, pour faire tenir ensemble cet édifice. Si, au final, le hara-kiri de l’ETA apparaît presque aujourd’hui comme un épiphénomène, c’est à la solidité de cette société que le mérite en revient. Elle en a assumé les sacrifices comme elle en porte désormais les espoirs.

Cette singularité basque, pourtant, s’inscrit dans un panorama politique espagnol devenu extrêmement compliqué. Qu’est prêt à accomplir, aujourd’hui, le gouvernement espagnol pour que s’assèche enfin le terreau qui a si longtemps soutenu, au moins tacitement, le terrorisme de l’ETA? Pas grand-chose, en vérité, lui qui répugne à concevoir cette fin de conflit autrement que par une reddition sans condition, lui qui, à l’inverse de la France, refuse notamment d’envisager toute mesure d’allégement des conditions de détention des prisonniers de l’ETA, au risque de maintenir ouvertes les blessures pour longtemps encore.

L’Espagne politique est au cœur d’un paradoxe. Face aux extrémistes basques, Madrid a longtemps opposé le «modèle catalan», fait de bon sens pragmatique et de petits pas démocratiques. Aujourd’hui, arrière toute! Pris de panique devant les agissements des indépendantistes catalans, le gouvernement de Mariano Rajoy ne veut pas céder quoi que ce soit à l’aile basque la plus frondeuse. Les yeux rivés sur les prochaines élections, le gouvernement de Madrid refuse ainsi de donner une quelconque impression de faiblesse. Le calcul est sans doute judicieux du point de vue électoral. Mais il est désastreux dans une optique de réconciliation. L’ETA est morte, il était temps. Mais il s’agit désormais d’éviter tout prétexte possible à sa renaissance.