Vu d’ailleurs. « Il palazzo contro la piazza ». Les palais du pouvoir contre la rue. En Italie, les souverainistes de la Ligue et les antisystème du Mouvement 5 étoiles agitent l’argument depuis plusieurs jours. Ils accusent l’élite économique et la classe dirigeante traditionnelle de « comploter » afin de les empêcher de gouverner. Le président Sergio Mattarella n’a-t-il pas, lundi 28 mai, désigné l’économiste Carlo Cottarelli, un ancien du Fonds monétaire international, surnommé « M. Ciseaux » en raison de son goût pour l’austérité, pour diriger un gouvernement technique ?
Le président italien avait sans doute de bonnes raisons de refuser la nomination de l’eurosceptique Paolo Savona, choisi par les deux partis populistes, au ministère des finances. Il n’empêche : pour l’instant, sa décision verse un peu plus d’eau encore au moulin de la Ligue. « L’Italie n’est pas une colonie, déclarait le leader d’extrême droite Matteo Salvini dimanche 27 mai. Nous ne sommes pas les esclaves de la France ou de l’Allemagne, du spread [écart de taux d’intérêt consentis par les marchés à l’Italie et à l’Allemagne] ou de la finance. » Spread, qui, depuis, ne cesse de grimper.
Les villes les plus puissantes économiquement, capitales ou non, croissent plus vite. Elles captent une part des richesses de plus en plus grande, au détriment des petites villes et des zones rurales
Elite contre peuple, donc. L’argument, grand classique des populistes, est également agité dans la Hongrie de Viktor Orban. Et dans la Pologne de Jaroslaw Kaczynsky. Il séduit la partie de l’électorat atteinte par l’angoisse du déclassement. Celle des classes moyennes – salariés, petits patrons, ouvriers – redoutant d’être exclues de la globalisation. On l’a beaucoup écrit : la crise et la montée des inégalités observée ces dernières années ont fait le lit du populisme européen. Mais on ne peut comprendre son essor sans se pencher aussi sur le fossé qui se creuse, sur le Vieux Continent, entre les grandes métropoles et le reste des territoires.
Les villes les plus puissantes économiquement, capitales ou non – Paris, Lyon, Milan, Londres ou encore Prague, Madrid, Barcelone –, croissent plus vite. Elles captent une part des richesses de plus en plus grande, au détriment des petites villes et des zones rurales. Le phénomène n’est pas nouveau, bien sûr, mais la crise n’a rien arrangé. Et il tend à s’accentuer en Europe du Sud et de l’Est. « Bucarest, Lisbonne et Sofia émergent comme des hubs technologiques à vocation globale, tandis que d’autres régions de Roumanie, du Portugal et de Bulgarie restent à la traîne », écrit la Banque mondiale dans son dernier rapport consacré à l’Europe.
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