« Fake law »
La loi qui prétend combattre les « fake news » sera inapplicable et risque même d'être contre-productive.
Par Nicolas Barré
Bientôt en France, une loi de la République définira ce qu'est une fausse information. Qu'y gagnera-t-on ? Une vérité officielle ? Celle que la loi n'aura pas jugée fausse ? Les députés qui s'apprêtent à voter ce texte sont sans doute animés des meilleures intentions. Rédigeant cette loi, ils ont en tête ces images déformées, ces tweets malveillants, ces rumeurs infondées. Ce torrent de « fake news » qui submerge les consciences. Ainsi, avec ces nouvelles armes, la loi et le juge pourront-ils faire le tri dans ce qui doit être porté à la connaissance de chacun. Le juge ne regardera que les faits, nous dit-on. Troublante attention, mais non merci. N'en sommes-nous pas capables ? En vertu de ce texte, constitue une fausse information « toute allégation ou imputation d'un fait dépourvue d'éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable ». Voilà un bien large filet entre les mains du juge des référés ! A moins de trois mois d'un scrutin, période visée par la loi, il devra sur-le-champ démasquer le faux pour exercer sa censure. Et quand, prudent, il s'abstiendra et renverra l'affaire à plus tard, il fera malgré lui le jeu de l'auteur de la calomnie. Le torrent des « fake news » ne sera pas stoppé, bien au contraire.
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme », proclame la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui ajoute : « Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Or ces cas existent bien déjà, ils font l'objet d'une jurisprudence abondante. Il est donc inutile d'en rallonger la liste la main légère. Barrage illusoire contre les « fake news », cette « fake law » sera une loi inapplicable. Il est vrai qu'il y en a d'autres.
Nicolas Barré