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Pourquoi les Européens surmonteront la crise migratoire

ANALYSE. Derrière les postures et l'hystérie collective qui embrasent l'Europe, le sujet des migrants reste un dossier gérable. D'abord parce que le nombre d'arrivées est en recul. Ensuite parce qu'un compromis européen est possible, pour peu que l'on abandonne la règle des quotas imposée par Angela Merkel.

Par Gabriel Grésillon

Publié le 21 juin 2018 à 10:28

Et revoilà le vertige de l'implosion. Ainsi donc, la question migratoire risquerait de tuer l'Union européenne. C'est l'opinion qu'a exprimée Antonio Tajani, le président du Parlement européen, dans un tweet qui résume le sentiment d'une partie des commentateurs, à Bruxelles notamment.

Poussée de fièvre

A l'origine de cette poussée de fièvre : un « axe » qui menace de se former au coeur de l'Europe , fédéré autour du rejet des migrants. Matteo Salvini, Herbert Kickl et Horst Seehofer, respectivement ministres de l'Intérieur italien, autrichien et allemand, ont suscité l'émoi en annonçant leur projet de lutter, ensemble, contre l'immigration illégale. En choisissant le terme d'axe, qui évoque les années 1930, ils n'ont pas aidé à faire passer la pilule, d'autant que les deux premiers sont affiliés à des partis d'extrême droite.

Coalition allemande menacée

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L'annonce a fait d'autant plus de vagues qu'elle s'accompagne de développements politiques inquiétants. En Allemagne, c'est la survie même de la coalition au pouvoir qui est menacée. En Italie, le rejet du navire de migrants « Aquarius » a provoqué une crise diplomatique avec Paris. Quant à l'Autriche, qui prendra la présidence tournante de l'Union européenne en juillet, elle a bien l'intention de peser de tout son poids dans les négociations sur ce sujet. Au cours d'une récente rencontre avec le gouvernement autrichien, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, s'est emporté contre Vienne, sur des sujets variés. Ambiance.

Si Bruxelles s'emporte, c'est parce que la Commission redoute de voir les Etats jouer solo. Horst Seehofer n'a-t-il pas proposé de bloquer aux frontières allemande s certains demandeurs d'asile ? Les noms d'oiseaux n'ont-ils pas volé entre Paris et Rome ? Jusqu'où ira la discorde ?

Des arrivées de migrants en recul

Dans ce contexte électrique, il semble urgent de rappeler quelques faits. Le premier est le plus important : au moment où le débat s'enflamme, la réalité de terrain est celle d'une accalmie. En 2017, le nombre global d'arrivées en Europe a été en baisse de 44 % sur un an. Et l'Italie, avec ses 15.000 personnes arrivées sur ses côtes depuis le début de l'année, connaît une chute de près de 80 % sur un an, à période comparable. En Grèce, les chiffres ont considérablement diminué depuis le pic de la crise. Et en Espagne, une légère hausse est constatée, dans des volumes qui restent environ trois fois plus faibles qu'en Italie. Les partis politiques promettant de protéger l'Europe d'une invasion imminente sont donc, avant tout, dans la posture électoraliste.

Frontières temporaires

Mais les postures ne sont pas l'apanage d'un camp. L'idée d'un blocage de candidats à l'asile aux frontières ne signerait pas l'acte de décès de l'espace Schengen. D'abord parce que Schengen autorise des frontières temporaires : cinq sont actuellement en place, sans compter la France qui, pour des motifs de lutte contre le terrorisme, surveille également les siennes et ne se gêne pas, au passage, pour refouler des migrants en provenance d'Italie. Mais, plus encore, parce que l'idée centrale de Horst Seehofer consistant à bloquer une partie des candidats à l'asile n'est pas en contradiction flagrante avec les règles européennes. Selon celles-ci, un candidat à l'asile doit généralement formuler sa demande dans le premier pays de l'Union européenne qu'il foule. Il doit aussi y rester jusqu'à la fin du traitement de son dossier.

Opinions inquiètes

Ce que démontre cet « axe des volontaires », en revanche, c'est un incontestable glissement politique en Europe. Les enquêtes d'opinion prouvent que les citoyens européens s'inquiètent du sujet migratoire et cette ligne, longtemps cantonnée à quelques pays situés sur la rive orientale du bloc, est en train de faire une entrée fracassante sur la scène européenne.

« En réalité, nous sommes en train d'arriver à une forme de convergence », analyse un diplomate européen. Effectivement, la poussée de tension constatée actuellement pourrait être le début de l'épilogue d'un traumatisme qui aura duré près de trois ans en Europe et dont Angela Merkel porte l'essentiel de la responsabilité. Au plus fort de la crise migratoire, alors qu'elle accueillait un million de migrants sur son sol, la chancelière a demandé à la Commission européenne de proposer un mécanisme de « relocalisation ». Celui-ci devait allouer des quotas de réfugiés à chaque pays de l'Union. La Commission, en s'alignant sur la demande berlinoise, avait fait une colossale erreur politique : ces quotas ont été vus, dans plusieurs pays, comme une insupportable atteinte à ce qui fait le coeur de la souveraineté. Devant l'impossibilité d'obtenir un consensus, cette mesure avait été imposée à la majorité qualifiée. Un acte de trahison absolue pour la Pologne ou la Hongrie.

La mort des quotas

« Les quotas sont morts », tranche un pilier du Conseil (l'institution qui réunit les Etats membres). Derrière les stratégies politiques, un compromis entre les dirigeants européens n'est donc pas totalement hors d'atteinte. D'autant que Donald Trump, à coups de tweets envoyés lundi, a attaqué l'Allemagne si violemment sur sa politique migratoire qu'un réflexe de solidarité européenne pourrait s'enclencher sur le Vieux Continent.

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Compromis possible

Le compromis en vue s'articulerait autour de la distinction fondamentale entre migrants économiques et réfugiés. Il ferait la part belle aux mesures destinées à dissuader les premiers en limitant les mouvements internes à l'Europe, en accélérant les renvois dans les pays d'origine, en renforçant considérablement les contrôles aux frontières et en déployant des politiques plus ambitieuses dans les pays d'émigration et de transit. Et, pour les seconds, il permettrait à la solidarité européenne de s'exprimer, dans certains cas précis, autrement. Encore faut-il que Rome et Athènes obtiennent des contreparties solides. Et qu'Angela Merkel entérine officiellement la mort de son idée initiale.

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