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Libération
édito

Bétonner

par Alexandra Schwartzbrod
publié le 14 avril 2020 à 21h06

Et Jean-Michel Blanquer se démultiplia. Sur la seule journée de mardi, le ministre de l'Education s'est rendu quatre fois sur une chaîne de télévision du service public, et même deux fois sur France 2, pour expliquer l'annonce surprise faite lundi par le chef de l'Etat : la réouverture progressive des crèches, écoles, collèges et lycées à partir du 11 mai. Comme si la défiance vis-à-vis de la parole politique était devenue telle qu'il fallait la justifier et l'accompagner sans relâche. Il est vrai que cette annonce a fait l'effet d'une bombe, provoquant l'inquiétude de nombreux médecins et syndicats d'enseignants, notamment sur les questions d'hygiène et de sécurité. Il fallait donc rassurer. Cette réouverture ne se fera «pas du jour au lendemain» a répété Jean-Michel Blanquer, elle vise d'abord à repêcher les élèves en difficulté, que le télétravail a perdus. Il suffit de lire notre enquête pour comprendre que la fracture numérique reste source de nombreuses inégalités en France. Cette intention est donc louable. Mais on ne peut s'empêcher de rapprocher cette décision du bruit de fond que l'on entend depuis quelques jours sur la nécessité vitale qu'il y aurait à sortir du confinement pour reprendre le chemin du travail, le patron du Medef s'en est fait le héraut. Qu'il faille relancer la machine économique, chacun le comprend. Les conséquences sociales du confinement risquent d'être dévastatrices. Mais les enseignants n'ont qu'une crainte, c'est d'être contraints de se débrouiller avec les moyens du bord. Et les familles, celle d'envoyer leurs enfants à l'école la peur au ventre. Les uns et les autres doivent être entendus, la situation ne permet de prendre aucun risque. A ce stade de l'épidémie, il fallait donner un objectif, une lueur d'espoir, Emmanuel Macron l'a fait. Maintenant, il faut bétonner, et pas seulement sur les plateaux télé.

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