Une fois passée la stupéfaction à la vue des manifestations factieuses qui ont embrasé la capitale brésilienne, dimanche 8 janvier, et conduit à la dévastation des lieux les plus symboliques du pouvoir fédéral, il faut s’interroger sur un fait largement pressenti durant la campagne présidentielle, fin 2022, mais qui est désormais évident : le pacte démocratique issu du milieu des années 1980 et, notamment, de la Constitution de 1988 est profondément altéré, même si une large majorité de Brésiliens semblent condamner les événements de Brasilia.
A court ou moyen terme, deux éléments au moins expliquent cette nouvelle configuration politique. D’une part, le vacillement de la démocratie est le produit de la crise politique qui s’est ouverte avec les manifestations contre le gouvernement de Dilma Rousseff en juin 2013. Elle s’est cristallisée avec le coup d’Etat parlementaire qui a conduit à la destitution de la présidente en 2016. Cette crise a été portée à son paroxysme par le gouvernement d’extrême droite entre 2018 et 2022. Quatre années durant, les attaques répétées contre le Tribunal suprême fédéral, gardien de la Constitution, et le doute permanent entretenu sur la probité du vote et le fonctionnement des institutions par l’ancien président Jair Bolsonaro, qui n’a pas reconnu publiquement la victoire de Lula et qui, pour la première fois depuis la fin de la dictature militaire, n’a pas assisté à l’investiture de son successeur, sont autant d’éléments qui ont inauguré une ère du soupçon dans laquelle se sont engouffrés les insurgés.
Les manœuvres de la police routière, multipliant les contrôles dans les Etats pro-Lula le 30 octobre, le jour du second tour de la présidentielle, afin d’empêcher les électeurs de se rendre aux urnes, les blocages d’axes stratégiques au lendemain du scrutin, les rassemblements de bolsonaristes appelant à un coup d’Etat devant les casernes laissaient présager une investiture sous tension, en dépit du déroulement légal du processus de transition. Si l’entrée en fonctions de Lula, le 1er janvier, s’est parfaitement déroulée sous l’œil souvent enthousiaste des médias internationaux, les images des insurgés sur la place des Trois-Pouvoirs à Brasilia, une semaine plus tard, ont rejoué à l’envers la cérémonie et attestent qu’il n’y aura pas d’état de grâce.
Complaisance policière
D’autre part, la violence factieuse s’est aussi nourrie au Brésil de l’exemple de l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, qui a fait sauter une digue non seulement aux Etats-Unis, mais aussi à l’échelle internationale. Les liens du clan Bolsonaro avec Donald Trump sont connus, et c’est depuis Orlando, en Floride, que l’ancien président brésilien a assisté à l’invasion du Congrès, du palais présidentiel et du Tribunal suprême par ses partisans. C’est à Orlando aussi qu’Anderson Torres, responsable de la sécurité du district fédéral, aujourd’hui démis de ses fonctions, et ancien ministre de la justice de Bolsonaro, s’est rendu quelques jours avant les événements. A Brasilia, le gouverneur, Ibaneis Rocha, proche de Bolsonaro, a été suspendu, et la sécurité de la ville est désormais placée sous la responsabilité du gouvernement fédéral.
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