Le numéro deux du Hamas tué à Beyrouth : le risque de l’escalade régionale

Le site de la frappe d’un drone israélien qui a tué le numéro deux du Hamas, Salah al-Arouri, dans la banlieue sud de Beyrouth. ©AFP - AFP
Le site de la frappe d’un drone israélien qui a tué le numéro deux du Hamas, Salah al-Arouri, dans la banlieue sud de Beyrouth. ©AFP - AFP
Le site de la frappe d’un drone israélien qui a tué le numéro deux du Hamas, Salah al-Arouri, dans la banlieue sud de Beyrouth. ©AFP - AFP
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En éliminant Salah al-Arouri, un dirigeant important du Hamas, par une frappe de drone à Beyrouth, Israël a pris un risque calculé : celui que le Hezbollah libanais et ses alliés iraniens n’iront pas en guerre pour la mort d’un membre du Hamas. Pari risqué.

Israël a frappé hier son coup le plus fort contre la direction du Hamas, le mouvement islamiste responsable du massacre du 7 octobre. Mais paradoxalement, ce n’est pas dans la bande de Gaza, pilonnée de manière incessante depuis bientôt trois mois, que ce coup a été porté, mais à Beyrouth, la capitale libanaise.

Un drone israélien a éliminé le numéro deux du bureau politique du Hamas, Salah al-Arouri. Il se trouvait dans les locaux de l’organisation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le fief de son allié, le Hezbollah pro-iranien. C’est d’ailleurs le Hezbollah qui a confirmé la mort du responsable du Hamas et de cinq autres personnes, et qui a accusé Israël.

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Salah al-Arouri était un personnage important dans l’organisation. Le mois dernier, le quotidien francophone de Beyrouth,  « L’Orient-le-Jour », rappelait que son installation au Liban, à partir de 2018, avait marqué la montée en puissance du Hamas dans le pays. Avec une action politique en direction des camps palestiniens du Liban, mais aussi une présence discrète de sa branche militaire qui inquiétait Israël.

Les dirigeants israéliens avaient besoin d’un succès dans leur volonté d’éradiquer le Hamas après l’attaque du 7 octobre. Ils ne l’ont pas obtenu jusqu’ici dans la bande de Gaza, malgré le coût humain colossal infligé aux civils palestiniens. Les deux principaux dirigeants du mouvement dans le territoire, Yahya Sinouar, et Mohammed Deif, restent introuvables. L’élimination du numéro deux du Bureau politique sert un Premier ministre israélien décrié.

Mais Israël a aussi pris un risque calculé en allant frapper un dirigeant du Hamas à l’étranger. Ce risque, c’est celui de pousser un peu plus le Hezbollah sur le chemin de la guerre généralisée avec Israël, entraînant avec lui un Liban exsangue. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, prononce un discours aujourd’hui, qui sera très attendu.

Depuis près de trois mois, le risque d’ouverture d’un front au nord d’Israël est omniprésent, avec une escalade lente mais contrôlée de part et d’autre. Israël fait le pari que l’assassinat d’un dirigeant du Hamas ne fera pas basculer le Hezbollah dans une guerre qui changerait alors d’ampleur.

Ce risque existe-t-il ? Tout dépendra de l’Iran. Le Hezbollah ne prendrait pas l’initiative d’une escalade aussi considérable sans le feu vert de Téhéran, qui assure son armement et son financement.

L’Iran avait déjà durement accusé le coup après la mort, le 25 décembre, du plus haut gradé des Gardiens de la révolution iraniens, le général Razi Moussavi, lors d’une frappe israélienne en Syrie. Téhéran avait déclaré qu’Israël paierait « le prix fort » pour cet assassinat ciblé. C’est donc un deuxième coup dur pour Téhéran qui gère au millimètre depuis trois mois l’escalade du conflit, sans prendre le risque d’y être entraîné.

Étrangement, cette brusque montée de tension coïncide avec la décision américaine de retirer le porte-avions Gérald Ford qui se trouvait en Méditerranée orientale depuis octobre. Il jouait un rôle dissuasif, et son départ est inexpliqué et peut donc être sujet à des interprétations contradictoires.

Une nouvelle fois, le Proche-Orient est à un moment décisif, non pas entre la paix et la guerre, mais entre la guerre de Gaza et un embrasement régional.

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