Quel est le legs de Fidel Castro ?

Après la mort du leader révolutionnaire Fidel Castro, le gouvernement cubain a décrété neuf jours de deuil national. Les commentateurs posent un regard optimiste sur l'avenir de l'île caribéenne.

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Le Monde (FR) /

Castro n'a jamais compris son pays

La disparition de Castro représente une grande avancée pour la paix à Cuba, se réjouit Zoé Valdès, écrivaine cubaine établie en France, dans Le Monde :

«Le monde s’obstine aujourd’hui à nous vendre ce ­produit périmé, ce produit de marketing inventé par Castro Ier et acheté par la planète entière : Lui et sa Révolution. Les acheteurs, bien sûr, ont confondu Castro et Cuba, et ils ont cru, ils croient encore que la 'fête' avait été inventée par le tyran, et quand ils parlent de Cuba ils ne se réfèrent qu’à l’île auréolée de cette espèce de cette 'fête' ridicule et tapageuse que les gauchistes du monde entier assimilent à mon pays. Non, Cuba n’est pas Castro. Castro n’a jamais compris ce qu’était Cuba. ... J’ai suspendu mon drapeau cubain au balcon et, ma fille à côté de moi, j’ai crié de toutes mes forces : 'Vive Cuba Libre !'»

El País (ES) /

Les Cubains promis à un bel avenir

Après le décès de Castro, on peut espérer une transition pacifique à Cuba, selon l'ex-guérillero salvadorien Joaquín Villalobos dans El País :

«La mort de Fidel place Cuba devant un dilemme - y aura-t-il une transition ordonnée et pacifique, ou bien un effondrement violent et destructeur ? ... Deux facteurs importants laissent penser que le premier processus est en cours. D'abord, la génération post-révolutionnaire prendra bientôt le pouvoir sur l'île. ... Consciente du désastre du modèle économique révolutionnaire, elle a connu la transition capitaliste en Chine et en Russie, la chute du mur de Berlin et l'échec vénézuélien - il est impossible qu'elle poursuive le même cap. Le second facteur, c'est l'évolution radicale de la 'structure de classes', sous l'impulsion d'un demi-million de petits entrepreneurs, les 'cuentapropistas'. Ces micro-entreprises emploient des travailleurs, passent des crédits et apportent une amélioration à la population, confrontée à une situation économique dramatique. Tout changement social appelle un changement politique. Le marché n'est pas seulement un instrument économique, c'est aussi une institution politique qui doit être dotée de règles.»

Irish Independent (IE) /

Eviter l'écueil de la dithyrambe

The Irish Independent s’offusque des hommages unanimement positifs adressés à la personne de Castro, notamment de celui du président irlandais Michael D. Higgins :

«Toute une série d’évènements qui ont fait se froncer bien des sourcils pendant des décennies n’ont semble t-il pas importuné le moins du monde le président irlandais. Citons par exemple les centaines d’exécutions brutales au lendemain de la révolution cubaine. La persécution d’hommes d’Eglise, d’homosexuels et de dissidents. Les centaines de milliers de réfugiés qui ont fui vers les Etats-Unis. Par ailleurs, Castro avait autorisé l’Union soviétique, laquelle soutenait financièrement Cuba, à construire une rampe de lancement pour des missiles nucléaires qui auraient pu atteindre les Etats-Unis. Pendant 13 jours en 1962, le monde avait tremblé que la confrontation entre la Russie et les Etats-Unis ne dégénère en guerre nucléaire.»

Pravda (SK) /

Un personnage aussi mythique que tragique

"El Comandante" Fidel Castro a exploité sa vie durant le mythe romantique qui entourait sa personne et sa révolution, résume Pravda :

«Ce mythe a parfaitement fonctionné tant que Cuba allait de l’avant. La réussite du système de santé et d’éducation est indéniable. La baisse sensible de la mortalité infantile est statistiquement prouvée. Au demeurant, la dictature du prolétariat de Castro a toujours été une dictature. Sur l’'île de la liberté', ni opposition politique ni liberté de culture et d’opinion n’étaient tolérées. Les critiques du régime étaient arrêtés 'à titre préventif' et incarcérés pour raisons politiques. … Mais la politique d'embargo n'a pas seulement nui à des millions de cubains, elle a aussi été stupide en ceci qu’elle a permis à Castro de justifier ses violations des droits de l’homme aux yeux de l’opinion publique mondiale.»

El Periódico de Catalunya (ES) /

Un propagandiste de génie

Castro a su construire un véritable mythe autour de sa personne, afin de détourner l'attention de la misère du peuple cubain, selon El Periódico de Catalunya :

«L'histoire retiendra le leader cubain défunt pour son habileté à manier la propagande politique. Tous ses attributs - le cigare, la barbe, l'uniforme vert-olive et même son jogging de retraité - servaient à consolider son leadership, à exalter les valeurs de la révolution et à susciter l'émotion des Cubains. ... Tout cela lui a apporté plus de soutien à Cuba que l'on aurait pu en attendre d'une société soumise à d'énormes privations, tandis qu'est vendue à l'étranger un marxisme à 'visage humain', agrémenté de rhum et de rumba. Face à l'arrogance de l'Oncle Sam, le barbu a évolué aux yeux du monde pour devenir le leader des non-alignés, et résister à l'effondrement du bloc communiste.»

Cumhuriyet (TR) /

Une politique sociale remarquable

Pour Cumhuriyet, la politique de Fidel Castro a été une grande réussite :

«Fidel a été un grand révolutionnaire qui a lutté pour instaurer un monde plus juste au XXe siècle. Sa révolution cubaine a complètement rebattu les cartes. … Aujourd’hui, Cuba est un pays certes sans luxe, mais peuplée de personnes raisonnables. Un pays qui offre comme nul autre au monde logement, denrées alimentaires, un système d’éducation et de santé gratuit et de qualité, et la possibilité de s'impliquer dans la politique. Le taux de chômage est de 2,5 pour cent et presque la moitié des parlementaires sont des femmes. La disparition de Fidel à Cuba ne signifie pas la capitulation de toutes ses valeurs face au capitalisme américain. On n’anéantit pas aussi facilement un legs qui a imprimé dans les esprits des Cubains et dans la conscience collective de l’humanité une marque aussi indélébile»

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Delo (SI) /

Une page se tourne

Cette disparition inaugure enfin une nouvelle ère à Cuba, estime le quotidien Delo :

«La mort de Fidel Castro, père de la révolution cubaine et 'comandante', trouve un écho dans le monde entier. Et ce bien que Castro, l'un des symboles de la guerre froide, ait passé la main depuis déjà près d'une décennie. ... Mais que va-t-il désormais advenir de Cuba ? Le processus inévitable de réformes, entamé il y a près d'un quart de siècle, s'est accéléré ces dernières années. Comme d'autres peuples d'Amérique latine, les Cubains sont eux aussi divisés. Beaucoup de choses ont changé, mais le parti reste au pouvoir ; à ses côtés, l'armée, qu'il ne sera pas si facile de déloger. Si les Etats-Unis poursuivent une politique avisée, il n'y aura pas d'éclats. Mais s'ils haussent le ton, le pire est à craindre.»

Der Standard (AT) /

Un premier challenge pour Trump

Der Standard voit dans la mort de Fidel Castro la première épreuve pour le futur président américain Donald Trump :

«La mort du leader révolutionnaire cubain marque la disparition du dernier protagoniste de la guerre froide. Et ce au moment même où beaucoup de personnes, dans le nouveau désordre mondial, auraient presque la nostalgie de l’'idylle' bipolaire de la confrontation nucléaire entre Américains et Soviétiques, afin d'avoir une grille de lecture pour comprendre une marche du monde qui semble aujourd’hui souvent insondable. Le gouvernement Obama a accompli une ouverture envers Cuba qui s’imposait depuis longtemps. Bien que le régime dirigé par le frère de Fidel, Raúl Castro, soit toujours une dictature, les Cubains vont mieux, après quelques années d’ouverture économique, en grande partie grâce aux transferts monétaires de leurs concitoyens établis aux Etats-Unis. … La mort de Castro est un premier test pour le futur président des Etats-Unis Donald Trump. La réaction de ce dernier déterminera si la dictature sera renforcée à Cuba sous l’effet de la confrontation, ou si l’ouverture se poursuivra.»