Comment l'Europe peut-elle s'approvisionner en masques ?

L'Europe entière souffre d'une pénurie de masques respiratoires, qui sont essentiellement fabriqués en Chine. Dès début mars, l'Allemagne avait interdit les exportations de masques de protection, bientôt suivie par la République tchèque. En France, les stocks ont tous été réquisitionnés pour les mettre à la disposition du personnel soignant. Les commentateurs évoquent des pistes pour sortir de l'impasse.

Ouvrir/fermer tous les articles
Le Monde (FR) /

Les vendeurs ont trop de pouvoir

La situation de concurrence pose un grave problème politique, estime la professeure de droit public Laurence Folliot-Lalliot dans Le Monde :

«Les logiques de l'achat public s'inversent : les vendeurs se retrouvent en position dominante pour fixer les prix et les acheteurs sont en concurrence entre eux. Les prix s'envolent, les achats doivent être approuvés très rapidement, faisant fi des mécanismes administratifs traditionnels d'approbation. ... Les dégâts de ces comportements sur les chaînes d'approvisionnement des matériels sanitaires de première nécessité se font sentir : mise en danger des personnels soignants en première ligne face à la contagion, exaspération populaire face à la lenteur des livraisons, fuite en avant des déficits budgétaires, renforcement de la corruption et des circuits mafieux parallèles.»

La Repubblica (IT) /

Un gros flop

La tentative de mettre en place une ligne de production de masques en Italie s'est soldée par un échec lamentable, déplore La Repubblica :

«Le mardi 24 mars, le Premier ministre, Giuseppe Conte, et Domenico Arcuri, chargé de la gestion de la crise du coronavirus, avaient promis aux Italiens, en direct à la télévision, qu'un consortium italien d'entreprises de l'industrie textile commencerait à produire des masques dans les 96 heures, 'pour que les médecins aient enfin assez de munitions pour faire la guerre'. Depuis cette promesse, sept jours se sont écoulés et pas un seul masque professionnel n'a été produit. ... Mais surtout, au lieu de faire un effort de simplification, a été mis en place un appareil normatif qui comporte le plus incroyable des paradoxes : pour accélérer le processus de certification, pas moins de trois certifications différentes sont requises.»

Observator Cultural (RO) /

Une aubaine pour la Roumanie

Observator Cultural appelle la Roumanie à saisir l'occasion pour retrouver son autonomie économique :

«Il est tout simplement inadmissible qu'en 2020, nous importions tout de Corée du Sud - masques et lunettes de protection, surblouses, chaussures et gants à usage unique. Dans les années 1980 encore, nous produisions tout nous-mêmes, y compris des tracteurs, des camions, du ciment et des voitures. ... Aujourd'hui, nous ne cultivons plus que des tomates, mais les ateliers de conserverie ont disparu, de même que la production locale. Or nous pourrions lui donner un nouveau souffle de vie. ... Une immense opportunité se présente à nous pour relancer l'économie roumaine. En dépit des conditions difficiles, nous avons l'atout d'un excellent soutien moral, grâce à la mobilisation exemplaire de la nation et aux ressources existantes.»

Diena (LV) /

Pourquoi ne pas stimuler l'économie locale ?

La Lettonie a importé de Chine 900 000 masques et 80 000 respirateurs via un vol spécialement affrété à cet effet. Diena fait part de sa consternation :

«La Chine est-elle actuellement la seule à être en mesure de fournir des masques et des respirateurs ? N'y a-t-il actuellement en Lettonie aucune entreprise - une ou deux suffiraient, qu'elle que soit leur taille - en mesure de produire, sur commande de l'Etat, sur place et dans des délais brefs, ces équipements indispensables ? ... Les produire en Lettonie serait une source de revenus pour les entrepreneurs et des emplois et des salaires pour les employés. Sans oublier, car c'est l'essentiel, le coup de pouce que cela donnerait à l'économie locale. Or il semble bien plus simple pour notre gouvernement de passer commande à la Chine, à 5 000 kilomètres de là, de lui faire un chèque et, par dessus le marché, de payer les frais de carburant.»