Régionales en France : un avertissement ?

Le parti Les Républicains (LR) a surpris en se plaçant en tête du premier tour des élections régionales en France, suivi par la formation d'extrême-droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national (RN). Quand à La République en Marche (LREM), c'est tout juste si elle a réussi à se hisser en cinquième position. L'abstentionnisme a battu tous les records, avec un taux de participation historiquement bas de 33,9 pour cent. Analyses et conjectures de la presse européenne.

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Die Presse (AT) /

Quand l'énergie politique court-circuite les urnes

La faible participation devrait envoyer une onde de choc à travers la classe politique, lit-on dans Die Presse :

«Jamais depuis le début de la Ve république une élection aussi importante politiquement n'avait été boudée par autant de Français. ... Ils expriment leur rébellion non plus par le bulletin qu'ils glissent dans l'urne, mais en la boycottant, tout bonnement. Un boycott qui est surtout le fait des jeunes : presque 90 pour cent des 18 à 24 ans ne sont pas allés voter. Ces chiffres devraient déclencher l'alerte maximale chez les politiques, tous bords confondus. Car cet abstentionnisme est l'expression d'un détachement, d'une déception face à l'inefficacité des démocraties représentatives. ... Les Français n'en sont toutefois pas moins 'politiques'. Ils n'expriment plus leur colère en votant pour tel ou tel parti, mais en battant le pavé. L'épisode des gilets jaunes a montré, il n'y pas si longtemps, à quoi cela menait.»

El País (ES) /

Victoire du RN : rien n'est moins sûr

El País interprète ce premier tour comme un désir de retour à la modération :

«Le faible taux de participation et la nature particulière d'une élection locale dont l'enjeu n'était pas significatif ne permettent pas de tirer de ce scrutin des conclusions directes sur les présidentielles de 2022. Mais la défaite de l'ancien Front national infirme l'idée que, tôt ou tard, l'extrême droite remportera les présidentielles et que les démocrates sont condamnés à attendre que le gouvernement tombe comme un fruit mûr dans l'escarcelle de l'extrême droite. Ce n'est pas une fatalité. Et des facteurs tels que la victoire de Biden indiquent que, parallèlement à un profond courant de mécontentement populiste dans les sociétés occidentales, il existe aussi une aspiration à la modération.»

Financial Times (GB) /

Une triangulaire au lieu d'un duel à la présidentielle

Dans les Hauts-de-France, le candidat divers droite Xavier Bertrand se place en première position (41 pour cent) du premier tour des régionales. Un résultat qui en dit long, selon Financial Times :

«Emmanuel Macron espérait un résultat plus serré dans les Hauts-de-France, qui lui aurait permis de voler au secours de Xavier Bertrand au second tour [par un report des voix LREM pour faire barrage au RN]. Mais l'intéressé n'a pas eu besoin de son aide. Dans d'autres régions aussi, LR (centre-droit) a renforcé sa position. La France penche nettement du côté conservateur, même si les socialistes se sont avérés moins moribonds qu'on le croyait. Un grand coup de pouce pour les ambitions présidentielles de Xavier Bertrand - pour autant que LR le désigne candidat. Le duel Macron/Le Pen vire ainsi à la triangulaire.»

La Stampa (IT) /

Des revers sur toute la ligne

Pour La Stampa, le grand gagnant de ce scrutin est le ras-le-bol politique :

«Au pays des gilets jaunes (qui ne sont pas allés voter hier, pas même pour Le Pen), l'abstentionnisme s'est confirmé comme un fléau structurel. Et les rares électeurs qui ont fait le déplacement ont fait mentir les prévisions : le RN de Marine Le Pen, qui entendait triompher, n'a décroché la première place que dans la région PACA. ... Pour LREM, la formation d'Emmanuel Macron, ce fut un désastre. C'est LR, incarnation de la droite néo-gaulliste traditionnelle, qui a créé la surprise en arrivant en tête, alors même qu'on disait le parti moribond.»

Le Figaro (FR) /

La démocratie en échec

Le Figaro admoneste les deux tiers d'électeurs qui sont restés chez eux :

«L'abstention ou le vote blanc peuvent avoir une justification quand les électeurs sont face à une alternative binaire, un choix 'entre la peste et le choléra' ou ressenti comme tel. Toutefois, au premier tour des régionales et des départementales, tel n'est évidemment pas le cas compte tenu de la profusion des listes. Le comportement de la classe dirigeante et d'une partie des responsables politiques de ce pays n'excuse pas tout. L'abstentionnisme traduit certes une désespérance politique qui a sûrement de bonnes raisons mais il reflète aussi un renoncement collectif à exercer son droit.»

Les Echos (FR) /

Une campagne qui se trompe de sujet

Les Echos croient connaître une des causes de l'abstentionnisme :

«Scrutin local, campagne nationale. C'est un classique de toute élection intermédiaire. … Cette campagne des régionales a été aussi court-circuitée par des faux débats, en se focalisant en particulier sur le thème de la sécurité. Un sujet sur lequel les exécutifs régionaux n'ont pourtant quasiment aucun pouvoir. … Les vrais débats, même s'ils ne soulèvent pas l'enthousiasme des foules, devraient porter sur les dossiers dont les régions sont directement responsables (transports, lycées, formation professionnelle, développement économique, aménagement du territoire, etc.), en s'interrogeant sur les bilans des sortants, et sur les moyens de faire mieux.»

Jutarnji list (HR) /

Macron joue avec le feu

Macron tente de séduire l'électorat d'extrême droite, une stratégie qui n'est pas sans risques, met en garde Jutarnji list :

«Il est intéressant de constater, avec la bataille pour la Côte d'Azur, que Le Pen et Macron misent sur la même stratégie pour l'emporter. Leur grand objectif étant de mobiliser les voix de la droite traditionnelle. Or les observateurs pointent toutefois un danger : le flirt de Macron avec l'extrême droite risque de contribuer à la banalisation des idées extrémistes. A force de courtiser ainsi l'extrême droite, le pourcentage de ceux qui considère le parti de Le Pen comme un danger pour la démocratie est tombé à 49 pour cent à l'échelle nationale, et la part de l'électorat traditionnellement conservateur qui ont un avis positif sur Le Pen est en hausse.»