Que fait Shein dans la capitale de la mode ?
Le géant chinois de l'ultra-fast fashion Shein a ouvert en France son premier magasin physique. Frédéric Merlin, président de la Société des grands magasins (SGM), a évoqué une "révolution". Sa chaîne de grands magasins SGM comprend l'enseigne parisienne BHV, dans lequel Shein propose désormais ses produits à la vente. Sa décision a fait l'unanimité contre lui, Shein faisant régulièrement l'objet de critiques qui fustigent son non-respect des normes sociales et environnementales.
L'hypocrisie de notre culture de la consommation
Si Shein a du succès, c'est seulement parce qu'un grand nombre de personnes renoncent à une consommation plus éthique, écrit Jornal de Notícias :
«Le succès de la fast-fashion illustre l'hypocrisie de notre culture de la consommation. … Il ne sert pas à grand-chose de légiférer contre la fast-fashion, s'il est toujours possible de pratiquer un modèle d'entreprise qui pollue et qui exploite des salariés. Réfléchissez-y à deux fois lorsque le prix d'un vêtement vous paraît alléchant. Ce qui paraît facile pour votre porte-monnaie est très coûteux pour la planète et la vie de beaucoup de personnes. Et cela devrait peser sérieusement sur notre conscience.»
Un pionnier du marketing réactif
Shein devrait servir de modèle à plusieurs égards, fait valoir le journal économique Les Echos :
«Géant de la mode, Shein est surtout un expert d'un marketing digital qui analyse de façon pointue et très réactive les évolutions de la demande. Il en a tiré les conséquences industrielles en faisant reposer sa production sur une armée de fournisseurs tiers qui se doivent d'être hyperréactifs. Dans la mode mais aussi dans des industries bien plus lourdes comme l'automobile, les entreprises n'ont pas le choix. Elles vont devoir basculer sur une connaissance plus fine des attentes des consommateurs. Elles doivent réduire les cycles de conception et d'industrialisation. Et elles doivent enfin se donner les moyens d'aller vers une personnalisation de plus en plus poussée de leur offre.»
Le supermarché discount du cynisme mondial
La Libre Belgique appelle à mettre un frein à l'économie discount débridée :
«Nos dirigeants, à tous les niveaux, doivent dresser une barrière juridique claire contre cette économie sans foi ni loi. Interdire l'importation de produits fabriqués en violation de nos standards sociaux et environnementaux n'est pas du protectionnisme : c'est du bon sens. Nos régions ne peuvent être le supermarché discount du cynisme mondial. Inutile d'attendre le prochain scandale pour réagir. Les plateformes comme Shein incarnent une concurrence déloyale et polluante. Le succès de ce modèle dit moins la puissance de la Chine que notre propre faiblesse. Non, vraiment : rien ne va. Le modèle Shein a tout faux.»
Quid du pointillisme réglementaire européen ?
Le Figaro déplore l'impuissance européenne face au géant de la fast fashion :
«Contrairement à ceux fabriqués chez nous, objets de mille contrôles tatillons, les produits de Shein passent étrangement à travers les mailles de notre épaisse réglementation. Il paraît qu'au paradis de la norme, les moyens manquent pour surveiller ce commerce douteux. Il paraît aussi que l'Europe, au pointillisme réglementaire inégalé, ne pourra stopper cette machine infernale avant plusieurs années. Donald Trump, lui, a dressé une muraille en décrétant une taxe de 100 pour cent sur les colis de Shein et de ses acolytes et fait chuter leurs expéditions de 40 pour cent. On se pince.»
Le consommateur seul ne peut pas tout
La responsabilité est rejetée in fine exclusivement sur les consommateurs, s'indigne Libération :
«Un mois de vive polémique, de grèves, de pétitions, de fuite des marques et des investisseurs... Mais rien n'a arrêté le patron de la Société des grands magasins, Frédéric Merlin. … Alors quoi ? Il ne reste plus qu'à en appeler à la responsabilité des consommateurs ? A eux d'oublier les tee-shirts à 1 euro pour se préoccuper de la liste longue comme le bras des fléaux qu'amène Shein en France et dans le monde ? Pollution de la marque, championne planétaire des émissions carbone. Microparticules de plastique de ses vêtements en polyester. Montagnes de vêtements jetés. Produits toxiques. Conditions de travail indignes. Emplois détruits par la concurrence déloyale quand on ne respecte ni les droits sociaux, ni la sécurité du consommateur. A la fin, ce serait donc au consommateur de faire face au colosse dont le chiffre d'affaires a atteint les 38 milliards de dollars en 2024 ? Il y a comme un problème.»