Coronavirus : l'Europe entre panique et mobilisation
Compte tenu de la propagation rapide du SARS-CoV-2 en Italie, le gouvernement italien a convoqué aujourd'hui un sommet de crise et convié à Rome les ministres de la Santé des pays voisins - Slovénie, France, Suisse, Autriche et Allemagne. Plus de 220 personnes ont déjà contracté le virus sur le sol italien. Dans les éditoriaux, les commentaires alarmistes côtoient les analyses plus objectives.
Garder la tête froide
De Morgen appelle au calme et à la raison :
«Dans ses plans d'urgence sanitaire, l'Etat doit tenir compte du facteur humain, élément incontrôlable. Un individu pourra peut-être trouver intelligent de se munir dès aujourd'hui de masques respiratoires. Mais si tout le monde suit le même raisonnement, on assistera à une ruée sur les pharmacies, susceptible de provoquer une pénurie qui frappera ceux qui ont le besoin le plus urgent de ces produits : les médecins et le personnel soignant. Ce serait vraiment une mauvaise nouvelle. La tâche qui incombe désormais à l'Etat consiste à sortir du placard les plans d'urgence, préparer les hôpitaux et les doter de suffisamment d'équipements. C'est peut-être moins excitant que les mesures qui prévoient d'arrêter les trains et de fermer les frontières, mais c'est plus efficace.»
Oui aux contrôles, non à l'affolement
Le confinement des malades et des personnes avec lesquelles ceux-ci sont entrés en contact est la seule méthode valable pour endiguer l'épidémie, estime Público :
«Le meilleur moyen dont disposent les autorités pour gérer une menace dont l'étendue reste inconnue est de faire preuve de détermination. Isoler les cas et identifier les personnes risquant de s'être contaminées auprès de personnes malades pour les isoler à leur tour, sans être une solution miracle, reste cependant le meilleur moyen d'enrayer la propagation du virus à un stade précoce. Dans un monde globalisé, la précaution peut être plus efficace que les restrictions de déplacement, qui ont un fort écho médiatique. Le reste des citoyens peut ainsi vaquer à ses occupations normalement et l'on fait l'économie des dégâts engendrés par la panique.»
Les hôpitaux sont loins d'être opérationnels
Les systèmes de santé européens ne sont pas prêts à faire face à une épidémie, souligne Naftemporiki :
«Ces dernières années, les pays industrialisés ont réduit les effectifs et les budgets des systèmes de santé. Dans les pays en développement, les guerres de ces dernières années ont même anéanti des infrastructures déjà lacunaires. ... Comme on peut le lire sur le site de la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP), les salariés du secteur de la santé ont subi un gel voire une réduction de leurs salaires, notamment à Chypre, en Grèce, en Irlande, en Lituanie, au Portugal et en Roumanie. Les carences dont souffrent les hôpitaux publics grecs sont tristement connues, certains établissements ayant même dû fermer pendant la crise en raison des mesures d'austérité.»
Un autre foyer de contamination au Proche-Orient
En Iran, douze personnes sont officiellement mortes du coronavirus à ce jour, mais les chiffres réels pourraient être bien supérieurs. Milliyet trouve la situation extrêmement préoccupante :
«Les pays ne disposent pas tous des mêmes possibilités pour mener des politiques de prévention, gérer la crise et contenir l'épidémie. ... Si un pays comme la Chine peut imposer des mesures draconiennes, les nouvelles qui nous parviennent d'Iran indiquent que la situation échappe au contrôle de Téhéran. ... La propagation du virus s'accélérera dans les régions où les contrôles aux frontières sont insuffisants, où l'immigration clandestine est importante et les conditions-cadres comme le système de santé ou la sécurité alimentaire sont médiocres. ... Suffisamment de facteurs sont déjà rassemblés pour un scénario catastrophe.»
Les fake news, un germe résistant
Le mathématicien et biostatisticien Adam Kucharski explique dans El País pourquoi tant de fausses informations circulent sur le coronavirus :
«Des études menées sur la diffusion de messages Twitter entre 2006 et 2017 montrent que les fausses informations se propagent plus rapidement que les autres tweets. Pourquoi ? Il semblerait que les gens apprécient le degré de nouveauté, qui est tout naturellement supérieur dans le cas des fausses informations que dans celui des vraies. La diffusion d'un message dépend par ailleurs des émotions qu'il déclenche. ... Rien ne prouve que le virus soit devenu plus contagieux depuis son apparition en décembre. Ce qui semble s'être développé, en revanche, ce sont les rumeurs circulant sur son compte, qui se propagent de mieux en mieux.»
Les mesures de prévention n'ont pas été opérantes
Le quotidien St. Galler Tagblatt insiste sur un aspect :
«La propagation du coronavirus en Italie n'est pas imputable à des négligences dans le travail des autorités, au risque de faire mentir les préjugés. Au contraire : en matière de prévention, le pays a fait figure de pionnier et a été le premier de l'UE à annuler tous les vols en provenance de Chine. Pareillement, en janvier, le gouvernement Conte avait bloqué un navire de croisière avec 6 000 personnes à bord au large de Civitavecchia au motif que deux passagers étaient malades. Les passagers ont pu accoster, 24 heures plus tard, quand il s'est avéré qu'il s'agissait d'une grippe normale. ... l'Italie n'a tout simplement pas eu de chance.»
L'Italie donne le bon exemple
Face aux situations d'urgence, l'Italie sait se montrer à la hauteur, estime Süddeutsche Zeitung :
«Quand des calamités comme un tremblement de terre dévastent le pays, les Italiens se serrent les coudes, agissent avec rapidité, efficacité et solidarité. ... Personne ne peut prédire si l'on réussira à empêcher une propagation massive du virus Sars-CoV-2 en Europe. Ce que l'on peut prévenir, en revanche, c'est une hystérie de masse. Ceci nécessite des gouvernements qui agissent non seulement de manière énergique, mais aussi, et c'est ce qui a fait défaut en Chine, qui fassent preuve d'honnêteté et de sérieux dans leur politique d'information, sans minimiser ni dramatiser le danger. Il semblerait que l'Italie ait décidé de donner un bon exemple dans ce domaine aussi.»
Pas plus grave que la grippe ordinaire
Face au coronavirus, il ne sert à rien de paniquer, écrit Lidové noviny :
«Il y a une éternité que l'Europe n'a plus connu la mise en quarantaine de 50.000 individus. Si le nombre des personnes contaminées devait augmenter de manière dramatique, des voix s'élèveraient pour demander la fermeture des frontières et la restriction des voyages. Que sommes-nous prêts à accepter pour notre sécurité ? Pour quelques jours, ce genre de restrictions ne poserait pas de problème, mais quand on voit les dimensions que l'épidémie a prises en Chine, il serait question de mois. ... Le taux de mortalité du coronavirus est comparable à celui de la grippe normale [sic] qui frappe notre continent chaque hiver sans que ceci ne provoque de mouvement de panique. Allons-nous nous habituer au risque de maladies de ce type ou commencer à nous isoler ?»
L'OMS, un tigre de papier
L'institution censée veiller sur la santé dans le monde s'avère être impuissante, déplore l'ex-juge constitutionnel Sabino Cassese dans les colonnes de Corriere della Sera :
«L'OMS dispose d'un budget annuel de 2,2 milliards de dollars seulement (ce qui correspond à la moitié des coûts d'un grand hôpital de New York). Pour combattre le coronavirus, elle a dû commencer à collecter des fonds. ... Mais ce sont surtout les compétences de l'organisation qui sont insuffisantes : elle peut promouvoir la collecte d'études, donner des directives techniques, conseiller, surveiller, informer la presse, faire de l'information auprès des populations, certifier la qualité des médicaments, donner l'alerte et mettre en garde. ... Mais quand il s'agit de jouer le rôle d'une véritable police sanitaire, ses moyens d'action sont limités.»
Un hashtag pour promouvoir le masque de protection
Accroître le recours aux réseaux sociaux pourrait être plus efficace que les mesures de confinement, explique l'informaticien Frédéric Prost sur Contrepoints :
«Ne pas se rendre à l'hôpital, porter un masque ..., le confinement volontaire etc. sont des mesures connues et ... efficaces. Mais elles ne se voient pas d'un point de vue administratif. C'est peut-être là que les réseaux sociaux pourraient se montrer intéressants. En permettant de partager l'information de manière bottom-up avec une précision qu'aucune administration ne pourra jamais atteindre, ils pourraient rendre ce genre de comportement visible et volontairement désirable, et in fine considéré par les autorités. Mais cela n'est pas assuré : les fausses informations, rumeurs etc. sont aussi légion sur les réseaux. Cela suppose aussi que les pouvoirs en place aient confiance dans leurs citoyens.»