La Russie adopte une nouvelle Constitution

Il est ressorti du référendum controversé sur la nouvelle Constitution russe qui s'est clôturé le 1er juillet que 78 pour cent des votants lui étaient favorables. Les observateurs électoraux ont dénoncé des manipulations. Le Kremlin n'a-t-il rien à se reprocher en fin de compte ?

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newsru.com (RU) /

Le Kremlin contre vents et marées

Dans un post Facebook relayé par le site newsru.com, l'historien et politologue Sergueï Medvedev, qui passe pourtant pour être critique du pouvoir, estime qu'après un premier semestre 2020 désastreux, le Kremlin a su inverser favorablement la tendance :

«Ce qui s'apparentait en mars-avril à un essaim de sinistres présages - coronavirus, confinement, crise sociale, récession mondiale, chute des prix du pétrole, date du référendum fixée au plus mauvais moment, grogne croissante vis-à-vis de l'Etat - a constitué une conjonction inédite de facteurs qui auraient pu ébranler le régime dans ses fondements. Or le pouvoir a su surmonter la crise et faire preuve de stabilité : au plan épidémiologique, sur le marché pétrolier, au niveau budgétaire et stratégique. Poutine a même pu concrétiser ses deux marottes : la parade militaire et le référendum sur l'annulation des mandats précédents. ... Et tout s'est passé comme sur des roulettes.»

NV (UA) /

Une boîte de Pandore

Sur le portail nv.ua, le chroniqueur Viktor Chenderovitch pense que le référendum pourrait déstabiliser la Russie :

«Tout le monde - jusqu'au président russe retranché dans son bunker, pour lequel toute la combine a été orchestrée - a plus ou moins compris qu'il s'agissait là d'un tour de passe-passe manifeste. ... En Russie, les dirigeants ne se maintiennent au pouvoir que parce que leurs vassaux gardent leurs petites habitudes - par peur des services secrets. ... La Russie se retrouve sans Constitution. On ne s'y conformait pas non plus beaucoup par le passé, mais elle servait au moins de cadre de référence à l'aune duquel on pouvait évaluer les évènements. L'ancienne Constitution a été abrogée, et la nouvelle n'a aucune légitimité. C'est comme si l'on venait d'ouvrir la boîte de Pandore, de lancer une invitation à la confrontation hors de tout cadre légal.»

Denník N (SK) /

Les Russes ne rendent pas service à leur pays

Le blanc-seing accordé à Poutine par une majorité des Russes fait perdre du terrain à la Russie, estime Denník N :

«Sous Poutine, le pays ne s'est enrichi qu'en apparence, et ce uniquement grâce aux bons prix que le marché payait alors pour le pétrole et le gaz. ... Aujourd'hui, la Russie n'est concurrentielle que sur un marché : la fabrication d'armes. Dans l'exploration spatiale, domaine qu'elle dominait jadis, elle est aussi à la traîne. ... En deux décennies, Poutine n'a pas fait avancer son pays d'un millimètre. Il mise tout sur la carte du symbolisme militaire, du souvenir de guerres glorieuses, d'un culte de la personnalité et affirme que la Russie reste aussi moderne et puissante que par le passé. Mercredi, les électeurs ont refusé de venir au secours de leur pays en mettant clairement un terme au règne de Poutine.»

Dnevnik (SI) /

On préfère encore les autocrates aux sociopathes élus

Le plébiscite de la révision de la Constitution amène Dnevnik à douter de la démocratie :

«Il se pourrait que la foi dans les mécanismes de pouvoir mondiaux soit sur le déclin et qu'il soit donc préférable de confier son destin à des autocrates connus, sur un modèle chinois, plutôt qu'à des sociopathes à l'image du président américain. ... Il serait donc réaliste de voir dans les modifications de la Constitution russe le reflet de l'esprit du temps en Russie, mais aussi à l'échelon mondial. Un relent de nationalisme, de populisme et de tout ce que nous croyions depuis longtemps nous être étranger.»

La Repubblica (IT) /

La confrontation avec l'Europe n'est pas la voie la plus subtile

Poutine aura un choix à faire, constate La Repubblica :

«Que fera le tsar sempiternel à la tête de l'Etat ces 16 prochaines années ? Une thèse consiste à croire qu'il poursuivra la ligne de la confrontation politique et militaire avec l'Occident, de la Syrie à la Libye, des incursions de bombardiers nucléaires dans l'Arctique aux attaques avec des armes non-conventionnelles (polonium radioactif et gaz neurotoxique) en Angleterre. Or il existe aussi une autre thèse, théorique et plus subtile, mise en avant par Financial Times : Le président à vie devrait prendre note que la Russie est sur le déclin et que la véritable menace pour Moscou provient de l'expansionnisme chinois sur le front asiatique et que comme le professait Pierre le Grand, le destin de la Russie est en Europe.»

Ekho Moskwy (RU) /

On peut voter POUR tout en méprisant le pouvoir

Sur son blog hébergé par Ekho Moskvy, le politique d'opposition Leonid Gozman ne déduit pas de la victoire du oui qu'une écrasante majorité soutienne le pouvoir :

«Force est de constater que plus d'un cinquième des citoyens a voté CONTRE. Ce ne sont pas les deux pour cent de la soi-disant 'cinquième colonne' et des 'agents étrangers', mais une proportion importante du peuple. ... Or il ne faut pas voir dans le vote POUR un satisfécit donné aux révisions, ni même à Poutine. Il faut y voir un acte de loyauté s'inscrivant dans une vieille tradition soviétique, pour ne pas s'attirer les foudres du pouvoir. Mais cela ne veut pas dire que ceux qui ont dit oui approuvent ce pouvoir. Humiliés, ils sont nombreux à le mépriser encore plus que ceux qui ont voté CONTRE, ou qui ne se sont pas même prêtés à cette farce.»

Mérce (HU) /

Stimuler sa cote de popularité

Pour le portail d'informations Mérce, ce référendum n'est autre qu'une opération de communication visant à renforcer la popularité du président :

«Pourquoi était-il si important d'organiser un référendum en pleine pandémie, avec des mesures de protection improvisées, alors que le scrutin n'était pas indispensable pour que la révision constitutionnelle ait un caractère légal ? La date initialement prévue pour ce vote était peu avant les commémorations du 9-Mai, le jour de la victoire. ... Chaque année, ce jour fait l'objet de célébrations monumentales en Russie. ... Titiller les sentiments nationalistes et traditionalistes aurait été de nature à faire repartir à la hausse une courbe de popularité en baisse quasiment constante depuis 2017. ... Nul ne peut dire aujourd'hui quelles seront les autres conséquences de la pandémie du coronavirus en Russie, et si ce scrutin, en dépit de son report et de l'évolution des circonstances, aura un effet positif sur la situation de Poutine.»

Frankfurter Rundschau (DE) /

Accueillir la jeunesse russe les bras ouverts

Ce qui manque le plus dans les relations entre l'UE et la Russie, c'est le facteur humain, déplore Frankfurter Rundschau :

«Au-delà des marchandises, du pétrole ou du gaz, il serait bon qu'il y ait des rencontres, des possibilités pour les Russes de voir qu'il existe d'autres projets de vie et de les explorer. Que de jeunes Russes puissent venir dans notre pays pour y suivre une formation, faire des études ou se déplacer librement, ce qui nécessiterait un changement du régime des visas. Il serait aussi bon que les Européens de l'Ouest voyagent davantage en Russie au lieu de s'informer sur le pays à travers la couverture qu'en font les médias, qui se limite souvent à Moscou. L'UE, et l'Allemagne la première, profiterait sur le long terme d'un renforcement des échanges avec la Russie autres que ceux entre ses dirigeants, et qui se focaliseraient surtout sur les jeunes - le groupe social, soit dit en passant, qui rejette le plus vigoureusement l'annulation des mandats de Poutine dans le sillage de la révision de la Constitution.»