Nouvelle Constitution : de bon augure pour le Chili ?
Au Chili, 78 pour cent des votants se sont prononcés dimanche en faveur d'une nouvelle Constitution qui remplacera celle adoptée en 1980 sous la dictature du général Pinochet. Sa suppression était l'une des revendications portées par le mouvement social de 2019. Le président, Sebastián Piñera, a évoqué une victoire pour la démocratie et l'unité du pays. Dans l'ensemble, les chroniqueurs saluent eux-aussi ce résultat.
La liquidation de l'héritage dictatorial
La nouvelle Constitution pourrait permettre d'améliorer l'égalité des chances, espère Werner Marti, spécialiste de l'Amérique latine, dans Neue Zürcher Zeitung :
«Les trois domaines fondamentaux dans lesquels les mouvements contestataires n'ont eu de cesse de réclamer des réformes concernent en effet tous les Chiliens : éducation, santé et retraites. ... Le principe de la performance individuelle est profondément ancré au sein de la société chilienne - une conséquence directe du régime Pinochet. Ce qu'on inculque aux Chiliens depuis de nombreuses années, c'est que l'effort personnel est l'alpha et l'oméga pour pouvoir avancer. Mais si la réalité sociale vient contredire ce principe - les citoyens ne disposant pas des mêmes armes au départ et la sécurité sociale n'étant pas garantie en dépit des performances de chacun - alors le système perd de sa légitimité.»
Maintenir la pression
Le référendum n'est que le début, souligne Frankfurter Rundschau :
«D'autres questions se posent. Qui pourra participer à la rédaction de la nouvelle Constitution ? Dans quelle mesure la société civile sera-t-elle représentée ? Quid des 1,5 million d'indigènes Mapuche ? Les Chilien·ne·s devront maintenir la pression. Les représentant·e·s du peuple sont discrédité·e·s. La droite parce qu'elle s'est complue dans le modèle hérité d'une dictature brutale ; la gauche parce qu'elle n'a pas su le supprimer au cours des 30 années de démocratie. C'est la population qui a pris le relais.»
Une expérience risquée
La perspective d'une nouvelle Constitution, aussi louable soit-elle, n'en recèle pas moins des dangers considérables, prévient El Mundo dans son éditorial :
«Le processus plébiscité par les Chiliens pour renouveler la Constitution est très douteux. Près de huit électeurs sur dix ont voté pour la mise en place d'une assemblée constituante composée de citoyens spécialement dans ce but. Dans une situation aussi complexe - sur fond de pandémie, de grave crise économique et de violences de la gauche radicale - il est extrêmement risqué de quitter le sentier de la démocratie parlementaire pour emprunter la route sinueuse d'une assemblée de la société civile, marquée par l'influence excessive des lobbies. La gauche semble disposée à accaparer le processus, ce qui augure de funestes clivages.»