Trump envisage un retrait militaire d'Afghanistan et d'Irak
Sur ordre du président Donald Trump, les Etats-Unis réduiront leurs effectifs en Afghanistan d'ici la mi-janvier 2021 - ceux-ci passeront de 4 500 à 2 500 soldats. De plus, un cinquième des forces armées américaines devrait se retirer d'Irak selon le même calendrier. Les chroniqueurs évoquent une catastrophe pour la région, mais aussi une rude épreuve pour la coopération militaire transatlantique et européenne.
Un désastre à trois égards
Deutschlandfunk craint que ce retrait n'entraîne des dégâts collatéraux :
«Sur les plans militaire, diplomatique et politique. Militaire parce que c'est la mission en Afghanistan dans son ensemble qui est remise en cause. La sécurité des troupes internationales sur place s'en trouve compromise. ... Sur le plan diplomatique aussi, la décision est désastreuse car elle voue à l'échec les négociations avec les talibans. Ils ne sentiront plus tenus de respecter leurs engagements, s'ils n'ont pas face à eux une force de dissuasion conséquente. ... Politiquement enfin, le cavalier seul de Trump compromet gravement la sécurité. Car l'Iran et la Russie auront tôt fait de remplir le vide créé. Et l'Afghanistan pourrait redevenir la plaque-tournante mondiale du terrorisme islamiste.»
Trump ébranle l'alliance internationale
Hospodářské noviny redoute lui aussi des dommages considérables :
«Trump semble vouloir honorer l'une de ses principales promesses de campagne. La réalité, toutefois, c'est que dans toutes les zones de conflits quittées par les soldats, quelqu'un est venu combler le vide de pouvoir ainsi créé. ... En outre, que penseront les alliés européens, qui envoient des troupes participer à des missions communes dans lesquelles le soutien américain revêt une importance cruciale ? Ils sont mis face au fait accompli. La crédibilité d'une alliance dépend entièrement du principe : 'Nous intervenons ensemble et battons en retraite ensemble également'.»
Les talibans se frotteront les mains
Le président des Etats-Unis donne pour ainsi dire les coudées franches à ceux qui ont gouverné par la terreur, écrit Der Standard :
«Il y a neuf mois, l'administration américaine a conclu avec les talibans afghans - qu'ils avaient renversé à l'automne/hiver 2001 - un accord controversé. Celui-ci prévoyait un retrait américain d'Afghanistan si, en contrepartie, les talibans s'engageaient, par le biais de négociations avec le gouvernement afghan, à se partager le pouvoir et à faire en sorte que des groupes djihadistes internationaux tels qu'Al-Qaida ou Daech soient tenus à l'écart du pays. Récemment, ces négociations avaient pris un tour défavorable, ce qui s'était traduit par une recrudescence des violences talibanes. On voit donc clairement à qui profitera une réduction du contingent américain. Les talibans savent à présent que les Etats-Unis feront place nette - qu'ils partagent le pouvoir ou non.»
Les espoirs d'une réponse européenne sont bien ténus
Bruxelles pourrait profiter de la situation pour présenter sa propre politique de défense dans le cadre de l'OTAN. Mais une fois de plus, le consensus européen n'est pas au rendez-vous, regrette Gianluca Di Feo, rédacteur en chef adjoint de La Repubblica :
«Des unités européennes pourraient remplacer les unités américaines en Afghanistan, en se limitant toujours à la formation des troupes locales, et être les garants de la transition pacifique du pays. Ce serait une initiative en phase avec la vision présentée il y a deux semaines par la ministre [allemande de la Défense] Annegret Kramp-Karrenbauer, dans son discours devant des cadets de la Bundeswehr. Mais Paris semble être en désaccord avec cette approche : il y a quelques jours, le président Macron a lui-même exprimé la volonté de renforcer les capacités militaires de l'Union. La France estime que la priorité doit être donnée à la zone du Sahel, une région d'Afrique où la guérilla islamiste menace de se propager et d'être un facteur d'insécurité pour l'Europe.»