Energie : le cavalier seul de Berlin ulcère l'Europe
La semaine passée, le gouvernement allemand avait débloqué une enveloppe de 200 milliards d'euros pour plafonner le prix du gaz et atténuer ainsi le bond des coûts de l'énergie pour les consommateurs et les entreprises. Une décision qui a valu à Berlin de vives critiques de ses voisins et de la Commission. Les mesures d'aide adoptées par l'Allemagne sont-elles égoïstes vis-à-vis des autres Etats ?
Le chancelier ne comprend pas son mandat européen
Pour Naftemporiki, Olaf Scholz ne fait pas justice à sa responsabilité envers les autres Etats membres :
«Le chancelier allemand a certes pour mission de défendre les intérêts des Allemands, mais sans desservir les intérêts de tous les autres pays. Il ne mettrait pas son poste en danger en soutenant un plafonnement européen du prix du gaz. Mais pour apporter ce soutien, il devra comprendre ce que cela implique de diriger la première économie de l'UE (Merkel semblait mieux l'avoir compris, même si elle est maintenant largement tenue pour responsable de la dépendance énergétique de l'Allemagne). On ne sait pas encore si Olaf Scholz veut assumer cet autre mandat - ou même s'il en est capable.»
Un manque de solidarité qui ne date pas d'hier
Depuis des décennies déjà, Berlin n'en fait qu'à sa tête en matière de politique énergétique, critique le spécialiste des relations internationales Botond Feledy dans Új Szó :
«Si seulement l'Allemagne l'avait voulu, il aurait peut-être pu y avoir un approvisionnement commun en énergie et plusieurs interconnections entre les réseaux nationaux. On aurait pu instaurer au niveau européen un meilleur mécanisme d'exploitation des réserves nationales, sous le signe de la solidarité. A présent, nous voyons l'orage approcher et nous rendons compte que nous somme sans protection. Indépendamment de leur orientation idéologique, les gouvernements allemands ont toujours soutenu Nord Stream.»
On retombe dans le chacun pour soi
La Repubblica souligne l'hypocrisie des remontrances formulées à l'Allemagne par Giorgia Meloni, elle qui se veut pourtant la championne des intérêts nationaux :
«L'Europe 'selon Meloni' n'est subitement plus au goût de Giorgia Meloni. Comme toujours, dans les semaines turbulentes qui suivent une crise et qui précèdent des décisions difficiles, l'Europe montre son visage le plus laid. On l'a vu avec la crise financière de 2012, avec le début de l'épidémie de Covid et avec la récession déclenchée par l'épidémie. A chaque fois, l'UE a réussi à trouver des réponses appropriées. Mais, avant de les trouver, nous avons régulièrement été les témoins d'une réaction peu glorieuse de 'sauve qui peut', un triomphe de la logique des intérêts nationaux si chers à la cheffe souverainiste de Fratelli d'Italia.»
Une grosse enveloppe pour garantir la paix sociale
Pour Frankfurter Rundschau, l'opération de sauvetage arrive à midi moins une :
«L'encadrement du prix du gaz s'adresse à une population qui a les nerfs à vif. Pour les citoyennes et les citoyens, la perte de pouvoir d'achat est un processus qui est engagé depuis déjà longtemps. Une part croissante de la population commence à douter de la politique du gouvernement - quand elle ne s'y oppose pas franchement. Le gouvernement, pour sa part, ne flanche pas : il veut continuer de soutenir l'Ukraine et d'accueillir les réfugiés de guerre et les déserteurs. Le tour que prennent les choses est dangereux car ceux qui sont en proie au doute et au désespoir risquent de se faire récupérer par ceux qui profitent de la crise pour discréditer l'Etat. Un discours propre à engendrer la prochaine crise, qui apporterait de l'eau au moulin des forces antidémocratiques, servant les desseins de Poutine.»
Une distorsion des prix du marché
Corriere della Sera critique un cavalier seul qui porte préjudice à l'Union :
«La réponse ferme du gouvernement allemand à Poutine risque d'affaiblir le front européen. ... Les 200 milliards débloqués par Berlin vont continuer de gonfler artificiellement un marché découplé de la véritable disponibilité du gaz, et désormais défini par les attentes financières d'une poignée d'acteurs sans scrupules. La lenteur regrettable de l'Europe à adopter un plafond commun pour le prix du gaz naturel est un rude revers assené au processus d'intégration de l'UE. A terme, cela portera préjudice aux pays membres.»
L'Etat ne peut pas tout faire
Avant les législatives, le gouvernement letton a décidé de rembourser la moitié de la facture d'électricité des consommateurs dès lors que le prix du mégawattheure dépasse 160 euros. Commentaire de Diena :
«Ce coup de pouce suffira-t-il à empêcher que les entreprises ne mettent la clé sous la porte les unes après les autres ? La question reste entière. N'oublions pas que dans la situation instable que nous traversons au plan épidémiologique, géopolitique et économique, toute entreprise peut connaître des difficultés et peut avoir besoin d'aides de l'Etat. Mais celui-ci ne peut durablement être la seule source de financement qui maintienne l'entreprise en vie. ... L'Etat ne peut pas investir indéfiniment dans le sauvetage des entreprises.»