Visite de Zelensky à Washington : quel impact ?
Dans un discours devant le Congrès américain, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a remercié les Etats-Unis pour l'aide apportée jusque-là. Il a formulé l'espoir que le Congrès, par-delà les clivages partisans, continuera de soutenir son pays. Les républicains seront en effet majoritaires à la Chambre des représentants à partir de janvier. La presse fait le bilan du premier déplacement de Zelensky depuis le début de l'invasion russe.
Une mise en scène réussie
Le quotidien taz se dit impressionné par la capacité du président ukrainien à toucher la corde sensible dans chacun de ses discours devant les parlements étrangers :
«Contrairement à une Allemagne qui reste sceptique vis-à-vis des affaires militaires malgré l'évolution du monde, Zelensky a pu déployer aux Etats-Unis tout le pathos du courageux soldat défendant son pays. Ne pas l'applaudir aurait été inacceptable pour les politiques américains de quasiment tous les bords. ... De ce point de vue, la visite a donc été - cela va de soi - une mise en scène de la première à la dernière minute, mais une mise en scène avec des objectifs politiques. Ceux-ci ont été atteints, à court terme du moins.»
Le discours d'un véritable leader
Dans un post sur Telegram repris par Ekho, le journaliste Stanislav Koutcher compare le discours de Zelensky à celui prononcé le même jour par Poutine devant les chefs militaires russes :
«Il suffit de comparer des photos et des vidéos des discours de Zelensky et de Poutine pour constater ce qui distingue un véritable leader national d'un dictateur ; un homme qui est prêt à donner sa vie pour son pays d'un homme qui est capable de mettre son pays en péril pour rester toute sa vie au pouvoir. ... La confiance dans le bien-fondé de sa cause, ainsi que la sincérité, la simplicité et la capacité à s'en remettre à l'humanité, ont fait du discours du président ukrainien devant le Congrès américain un évènement tout à fait historique.»
Pour Biden aussi, c'est un succès
Le président américain a pu souligner son rôle de leader de l'Occident, juge Jyllands-Posten :
«La visite a également été un succès pour Joe Biden. Elle lui a donné l'occasion de réaffirmer le rôle de première puissance du monde libre des Etats-Unis. ... La journée passée par le président Zelensky à Washington pourrait s'avérer être un investissement en or, et pas seulement pour l'avenir de l'Ukraine. Les Etats-Unis ont aussi repris leurs engagements en Europe, ce qui n'est pas passé inaperçu. Pour la France du président Macron, force est de constater qu'il sera impossible de court-circuiter Kyiv et de tenter de négocier la fin de la guerre directement avec Moscou.»
Les Etats-Unis renforcent les PECO
Les rapports de pouvoir évoluent en Europe, croit savoir le portail Wprost :
«La défaite de Moscou, que Zelensky et Biden ont posé comme un objectif stratégique à Washington, signifiera aussi la création d'un puissant centre de pouvoir politico-militaire en Europe centrale et orientale, qui sera tributaire d'une étroite alliance avec les Etats-Unis. Outre l'Ukraine, la Pologne et d'autres Etats membres de l'OTAN et de l'UE dans la région en feront partie. Il s'agira d'une entité naturelle, voire d'un contrepoids à l'Allemagne, qui contrôle la politique orientale de l'Europe depuis trop longtemps.»
Un choix logique
La destination choisie par Zelensky pour son déplacement est tout à fait compréhensible, lit-on sur le portail de France Inter :
«De nombreuses voix déploraient hier que Zelensky se rende à Washington pour sa première sortie d'Ukraine depuis le début de la guerre, et pas à Bruxelles ou dans une capitale européenne. Mais soyons honnête, si l'Europe n'a pas démérité depuis dix mois, elle n'avait ni les moyens, ni surtout la cohérence et la volonté politique nécessaire pour assurer l'aide militaire qui a été apportée à l'armée et à l'Etat ukrainien. Le rôle des Etats-Unis a été et reste absolument vital, et la dernière décision de Joe Biden d'envoyer une batterie de missiles Patriot à Kyiv le montre.»
Une image d'unité
Zelensky et Washington envoient avant tout un signal à Poutine, estime Večernji list :
«L'annonce de l'envoi de systèmes de défense antimissile Patriot dans un pays en guerre non membre de l'OTAN constitue un nouveau tournant et envoie un message fort au président russe. En effet, ce dernier espérait sûrement que le soutien à l'Ukraine par les Etats-Unis changerait ou s'atténuerait après les élections de mi-mandat. 'Poutine doit interpréter cette visite de Zelensky aux Etats-Unis comme la confirmation que Washington ne mettra pas un terme à l'aide apportée à Kyiv, afin qu'elle se défende face à l'agresseur russe', a déclaré un fonctionnaire de la Maison-Blanche, informant les journalistes américains avant la visite officielle.»
Comme Churchill, croire en la force de la démocratie
Gazeta Wyborcza dresse un parallèle historique :
«Mercredi, Zelensky est monté à bord d'un appareil américain, à l'aéroport de Rzeszów, et a effectué son premier déplacement à l'étranger depuis le début de l'invasion russe. Il s'agit d'un voyage tout à fait symbolique. En décembre 1941, le Premier ministre britannique Winston Churchill avait passé dix jours à bord du cuirassé Duke of York pour rallier les Etats-Unis et rencontrer le président Franklin D. Roosevelt. Les deux hommes d'Etat avaient discuté pendant de longues heures, à un moment où les armées d'Hitler atteignaient Moscou et où le Japon, allié du IIIe Reich, conquérait de nouveaux territoires dans le Pacifique. A l'époque, il n'y avait pas lieu de se montrer optimiste. ... Mais Churchill et Roosevelt croyaient en la victoire, car le monde libre était plus fort que les dictatures.»
L'heure de gloire de l'UE finira par arriver
Wiener Zeitung comprend que le président ukrainien ne se soit pas rendu à Bruxelles :
«Du point de vue de Zelensky, il est logique de prendre la direction de Washington pour ce premier voyage hautement symbolique. En ce sens, les photos du président ukrainien serrant la main de l'homme le plus puissant du monde ou dialoguant dans le bureau ovale sont ce qu'il y avait de mieux à faire. Car pour l'instant, ni les charmants technocrates de Bruxelles, ni les dirigeants à Paris ou Berlin ne peuvent offrir pareil prestige. Pourtant, à long terme, l'Ukraine ne pourra se passer de l'UE. Un jour ou l'autre, la guerre prendra fin, et l'heure sera à la reconstruction et au rapprochement économique et politique de cet immense pays avec l'Europe. Les aides financières et les investissements privés émaneront majoritairement de l'Union.»
A nous de remercier les Ukrainiens
L'Occident a de bonnes raisons de continuer à soutenir Kyiv, souligne The Daily Telegraph :
«Zelensky ne devrait pas avoir à se rendre en Occident tel un mendiant - ce devrait être l'inverse. L'Ukraine a de facto ruiné la réputation d'une armée jadis redoutée et éliminé la menace que celle-ci représentait pour l'OTAN. Dès que la Russie aura été vaincue, il y a toutes les raisons de croire que l'Europe pourra se consacrer davantage à la croissance et la prospérité à long terme. C'est la récompense qui nous attend si nous pouvons continuer à soutenir Zelensky et le combat exemplaire de son pays pour la démocratie et la souveraineté.»
Il faut davantage condamner Poutine
Sur sa page Facebook, le politologue Oleg Saakiane se dit déçu du fait que les Etats-Unis n'aient pas inscrit la Russie sur la liste des Etats terroristes :
«Qualifier la Fédération de Russie d'Etat agresseur est un cache-misère, car on ne veut pas considérer le pays comme un suppôt du terrorisme. La qualification d'agresseur n'est pas un problème en soi, mais elle n'entraîne aucune conséquence réelle. Si l'on avait considéré la Russie comme un sponsor du terrorisme, cela aurait automatiquement enclenché certains mécanismes et règlements relatifs à la Russie et l'aurait reléguée au rang de paria.»