Les histoires des nouveaux arrivants

Blogs, articles de journaux et réseaux sociaux : les réfugiés racontent leur exil, leur nouvelle vie, les obstacles bureaucratiques et le choc culturel. Ils expliquent par ailleurs en quoi les bars chocolatés et la couture les aident à se sentir un peu plus chez eux.

Il existe aujourd’hui à Cologne le journal Abwab, dans lequel les réfugiés relatent leurs histoires. Le Syrien Ramy Al-Asheq en est le rédacteur en chef. (© picture-alliance/dpa)
Der syrische Flüchtling Ramy Al-Asheq, Chefredakteur der Flüchtlingszeitung Abwab, mit einer Ausgabe des Blattes. Auch hier erzählen Geflohene ihre Geschichten. (© picture-alliance/dpa)
Arborant barbe de hipster et toupet caractéristique, le jeune homme regarde avec défi en direction de la caméra : "Bonjour, je m’appelle Mahmoud Bitar, je suis syrien et je veux vous parler de la Syrie." Bitar a quitté son pays il y a trois ans et il est finalement arrivé en Suède à l’issue d’un long voyage. Depuis son pays d’accueil, il filme et commente son quotidien. Plus de 460 000 personnes le suivent sur sa page Facebook. Il a également fait les gros titres en août dernier, en donnant le conseil suivant à ses compatriotes : "Ne venez pas ici !" Il entendait ainsi critiquer l’image irréaliste des pays scandinaves que se feraient les réfugiés. Une recommandation qu’il ne fallait peut-être pas prendre pied de la lettre. Dans ses vidéos, Bitar exagère souvent, ses commentaires sont impulsifs, un peu tirés par les cheveux. Mais ses vidéos reflètent aussi la réalité suédoise : paisible, propre et passablement étrange. Le souhait de Bitar serait de pouvoir retourner en Syrie à un moment donné.

"Nous pleurions tout le temps"

Dans de nombreux pays d’accueil en Europe, les réfugiés relatent leur odyssée par le biais de récits, de blogs ou de films. Ils y évoquent leur exil, leur nouveau départ dans la vie, les obstacles bureaucratiques et le décalage culturel. La jeune journaliste syrienne Ouafa Moustafa, s’est réfugiée en Turquie avec sa mère et sa sœur après que son père a été arrêté par le régime. Sur le site El Huffington Post, version espagnole du portail américain éponyme, elle raconte les premiers jours passés dans la ville turque de Mersin : "On y était depuis trois mois et on ne comprenait pas pourquoi on pleurait tout le temps. On s’interrogeait, mais cela nous échappait. Le fait est qu’au final, nous n’avions aucun signe de vie de mon père, nous avions dû quitter une maison et une famille sans avoir le temps de dire au revoir, nous avons laissé derrière nous des souvenirs d’images, de voix et de rêves – sans oublier le dépaysement, qui nous empêchait de vivre."

Naïm, un jeune Syrien de 29 ans, a quitté sa ville natale, Homs, en compagnie de ses frères, de ses sœurs et de ses enfants. Un exil qui les a menés à Paris, où ils ont de la famille, en passant par le Maroc. Dans le journal français Libération, Naïm souligne les coûts exorbitants de leur voyage : "Ce qui a coûté le plus cher, c’était de traverser la frontière du Maroc pour entrer à Melilla. Si tu es un homme seul, tu peux demander l‘indulgence des passeurs. Mais nous étions toute une famille, avec des femmes et des enfants, nous avions peur. Nous avons dû dépenser 37 000 euros en tout juste pour franchir cette frontière. Ensuite, en prenant le bus et le TGV, nous avons pu aller à Paris. Nous avons dépensé toutes nos économies".

"Je ne veux pas d‘argent, je cherche la paix"

Pour donner une voix aux demandeurs d’asile en Finlande, des journalistes, photographes et interprètes finlandais ont lancé à l’automne dernier la page Facebook "Stories from the Reception Centre. Ils entendaient raconter ainsi les destinées individuelles oblitérées par les statistiques et favoriser la prise de connaissance entre Finlandais et réfugiés. Il s’agit d’histoires comme celle d’Asia, venue de Somalie. La jeune enseignante a d’abord quitté sa ville natale de Badoa pour rejoindre la capitale Mogadiscio, après l’assassinat de son père par les milices Al-Shebab. Mais même Mogadiscio, où elle avait trouvé du travail dans une ONG venant en aide à la jeunesse, la menace islamiste pesait encore sur elle. Elle a ainsi gagné la Turquie, puis l’Europe. "Souvent, je ne savais pas dans quel pays je me trouvais. J’achetais un billet et on m’indiquait un train dont j’ignorais totalement la destination", raconte Asia. Arrivée en Finlande, elle s’est sentie pour la première fois en sécurité : "Je ne veux pas d’argent, je cherche la paix. Mais j’aimerais bien retravailler et aider les jeunes filles somaliennes", précise la jeune femme.

Cornflakes, Mars et Twix comme à la maison

A leur arrivée en Europe, les réfugiés doivent s’adapter un environnement étranger, une langue étrangère et une culture étrangère. S’il y a quelque chose qui leur rappelle leur maison, ce sont peut-être certains produits que l’on trouve dans les supermarchés. Une fois par semaine, dans le journal néerlandais De Volkskrant, la Syrienne Layla et sa famille racontent leur nouveau quotidien aux Pays-Bas. Layla explique notamment pourquoi elle préfère aller faire ses courses dans des supermarchés coûteux, bien qu’elle dispose d’un budget alimentaire hebdomadaire de 68 euros seulement pour nourrir une famille de quatre personnes : "On y trouve des marques auxquelles mes enfants étaient habitués en Arabie saoudite : cornflakes, Mars et Twix. Je veux que les choses soient le plus normal possible pour eux.

La famille s’était installée provisoirement en Arabie Saoudite avant de rejoindre les Pays-Bas via la Turquie et la Grèce. Encore en attente du lancement de leurs procédures d’asile, Layla fait du crochet et coud des oiseaux sur des coussins pour se distraire. "Quand je coud, je ne pense pas à autre chose", explique-t-elle. Son fils de huit ans, Ziad, s’y est mis lui aussi. Il a cousu son premier dessous de plat dernièrement. Il avait choisi pour cela les couleurs rouge, blanche et bleu : celles du drapeau des Pays-Bas.