Notre-Dame de Paris ravagée par un incendie

La cathédrale Notre-Dame de Paris, un des édifices les plus prestigieux de France, a été en partie détruite par un incendie. Le feu s'est déclaré lundi soir dans l'édifice qui avait traversé huit siècles. On suppose un lien entre l'incendie et le chantier de rénovation lancé à l'été 2018. Les éditorialistes commentent la portée symbolique de la catastrophe.

Ouvrir/fermer tous les articles
vasarnap.hu (HU) /

Négligée comme le christianisme

Le portail Vasarnap établit des parallèles entre la cathédrale éventrée et le statut de la religion chrétienne en Europe de l'Ouest :

«Personne ne s'occupait de l'église, on la laissait se délabrer. L'an dernier déjà, les responsables de l'Eglise catholique avaient insisté sur la nécessité de travaux de réfection, et un chantier difficile avait lentement commencé. Ces efforts viennent d'être complètement anéantis, probablement par la négligence d'un individu. L'image de murs encore fumants et privés de toit sont révélateurs, au-delà du destin de Notre-Dame. Sous ses ruines, c'est le christianisme d'Europe occidentale, négligé et à vous fendre le cœur, qui est enseveli. Et savez-vous ce que symbolisait la flèche qui s'est effondrée ? Le doigt des hommes tendu vers le Dieu céleste. Lui aussi, il n'est plus.»

Bild (DE) /

Le signe du déclin du christianisme

Face aux images de la cathédrale en flammes, Alexander von Schönburg, journaliste à Bild, appelle à un examen de conscience :

«La chrétienté est en train de perdre son rôle de garde-fou de notre culture. On pourrait aussi dire : la chrétienté est en train de flamber. Nous sommes les spectateurs impuissants, pour certains indifférents, avides de sensations, voire même se réjouissant malicieusement de ce malheur. ... Notre époque déconstruit tout. La religion. La famille. La morale. La sexualité. Les sexes. Tout. Nous balançons par dessus bord toutes les normes ayant pu un jour avoir eu cours. Ce qui reste, c'est le nihilisme. ... Peut-être serait-il temps de repenser notre culture égoïste, nombriliste, axée sur la consommation et sur la satisfaction de nos désirs. Peut-être faut-il voir dans l'incendie de Notre-Dame un avertissement, un appel à ne pas oublier les valeurs phares de notre culture.»

Evenimentul Zilei (RO) /

Une attraction touristique ?

Evenimentul Zilei s'interroge sur ce qu'incarne au juste Notre-Dame :

«Qu'est devenue au juste Notre-Dame de Paris, au-delà d'un passage obligé pour les touristes ? Le souvenir idéal sous la forme d'aimant pour le frigo, le cadre parfait pour une photo de vacances, la reine des selfies à prétention intellectuelle ? ... A une époque où notre civilisation remise ses symboles et où le Vieux-Continent retouche les photos pour faire disparaître du paysage la moindre croix, pour beaucoup de contemporains, c'est une simple attraction touristique qui a pris feu. Mais aussi pour beaucoup de politiques. ... Pour d'autres en revanche, l'incendie de la cathédrale pendant la semaine sainte est un sinistre présage.»

Le Figaro (FR) /

La nation touchée en son cœur

Dans Le Figaro, l'historien Camille Pascal dit sa douleur :

«C'est une amputation à vif de la mémoire nationale et de l'identité de la France. La cathédrale veille sur la France depuis plus de huit siècles et demi : il n'est pas un événement heureux ou malheureux qui n'ait été salué ou alerté par ses cloches. Et bien au-delà des divers changements de régimes, il n'est pas excessif de dire que ce qui est en flammes, c'est le cœur de la nation, c'est ce que nous sommes. Que l'on soit Français depuis des siècles ou depuis hier, et quelle que soit notre religion, Notre-Dame de Paris, c'est la France.»

De Volkskrant (NL) /

Quand les certitudes vacillent

Bert Wagendorp, chroniqueur au Volkskrant, fait également part de sa consternation :

«Etrange sentiment que de constater à quel point le spectacle d'une église qui part en flammes peut être émouvant. Probablement comparable à ce que l'on ressent quand quelqu'un qui a été là toute notre vie vient à mourir. Les certitudes vacillent. ... J'avais tellement l'habitude de passer devant Notre-Dame quand j'étais à Paris, et j'y étais assez souvent. Je n'y entrais jamais, les files d'attente étaient bien trop longues. Cela avait pour moi quelque chose de rassurant : elle est encore là. Je suis encore là, donc pour l'instant, tout va bien. 'C'est comme si une partie de nous mêmes partait en fumée', m'a écrit un ami hier. C'est exactement ce qui s'est produit.»

Corriere della Sera (IT) /

Coup de grâce ou renaissance ?

Les catastrophes se doublent parfois de miracles, écrit dans Corriere delle Sera le chroniqueur Aldo Cazzullo :

«Les dégâts de la fournaise peuvent aussi être l'occasion pour la France de retrouver sa cohésion, mise à l'épreuve par la crise économique, par les incertitudes du président, par une opposition stérile et parfois violente. Depuis des décennies, le pays qui a contribué à donner au monde des droits de l'homme et à l'Europe le rêve de la démocratie vit un grand malaise, un malaise qui ne s'explique pas uniquement par la baisse du pouvoir d'achat et la suppression d'emplois. La France doute d'elle-même. ... Le feu qui a ravagé Notre-Dame est peut-être le coup de grâce, mais il peut aussi être le signe d'une possible renaissance. En témoignent la douleur mais aussi la fierté qu'on a pu voir pendant la nuit dans les rues de la capitale.»

Dagens Nyheter (SE) /

Tel le phénix, Notre-Dame se relèvera

Dagens Nyheter ne doute pas une seconde de la reconstruction de Notre-Dame :

«Notre civilisation sait gérer les accidents. Nous sommes capables de bâtir, de rénover, de restaurer et de reconstruire. ... Des talents du monde entier contribueront à la reconstruction. C'est ainsi que fonctionne l'humanité quand elle se montre sous son meilleur jour. Après le deuil, nous nous relevons, regardons vers l'avant et entamons les travaux de reconstruction. Depuis 700 ans, Notre-Dame est un écrin de beauté, un havre de tranquillité qui suscite admiration et dévotion, une source d'inspiration littéraire de par le monde et un sanctuaire de présence divine. On a du mal à croire aux images qui ont fait le tour du monde : les flammes, la fumée grise et la flèche qui s'effondre. Mais le jour viendra où la cathédrale éveillera à nouveau tous ces sentiments.»

Público (PT) /

L'identité européenne n'est pas une vue de l'esprit

Les témoignages de sympathie venant des quatre coins de l'Europe sont révélateurs, écrit dans Público l'historien et ex-eurodéputé Rui Tavares :

«'Il se saurait y avoir de démocratie européenne parce qu'il n'existe pas d'identité européenne', ne cessent de répéter certains intellectuels qui se sont rendus au nationalisme ces dernières années. La solidarité entre les pays est de toute façon une chimère, disent-ils, car elle présuppose le partage de l'histoire, de la culture et du destin d'une nation. Je défie quiconque qui a vu les images de Notre-Dame en flammes de dire s'il n'a pas ressenti cette perte comme une perte au plus profond de son identité. ... Tous autant que nous sommes, nous devons à Notre-Dame une bonne partie de notre identité européenne.»