Sommet de Paris : quel espoir pour l'Ukraine orientale ?

Ce lundi, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et son homologue russe, Vladimir Poutine, se retrouveront pour la première fois personnellement à Paris. Le sommet a vocation à élaborer des mesures pour résoudre le conflit en Ukraine orientale. Les médias européens se demandent dans quelle mesure les négociations pourraient aboutir.

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Diena (LV) /

Il n'y a pas de levier de déblocage

Diena ne se fait guère d'illusions quant à l'issue de la rencontre pour l'Ukraine :

«L'armistice à laquelle il faut s'attendre ne fera pas avancer le processus politique. Les positions respectives de l'Ukraine, de la Russie et des séparatistes pro-russes divergent trop pour que ce soit possible. Par voie de conséquence, le conflit se gèlera et le Donbass continuera sa lente dérive en direction de la Russie. Il n'y a pas de véritable levier, ni en Ukraine ni dans les grands pays de l'Union européenne, susceptibles d'influer sur la Russie et de faire bouger les lignes. Du reste, si ce levier existait, l'UE ne tiendrait pas spécialement à l'activer.»

Postimees (EE) /

Le retour à un monde bipolaire

Postimees flaire lui aussi un risque de régression aux frais de l'Ukraine :

«Le danger que la France et l'Allemagne cherchent coûte que coûte à faire passer en force un accord se précise, indépendamment de la volonté de l'Ukraine. ... Faisant fi des guerres en Géorgie et en Ukraine, les grands pays trouveraient bon de s'entendre avec la Russie pour instaurer la paix en Europe, pour arriver à une nouvelle architecture de paix. Et que l'Ukraine ne vienne pas freiner ce projet sacro-saint ! ... Bien entendu, la résolution du conflit est dans l'intérêt de tous, y compris celui de l'Estonie. Mais pas s'il faut pour y parvenir se plier une nouvelle fois aux exigences de la Russie. En consacrant l'influence de la Russie sur l'Ukraine, on donnera un second souffle à cet ordre géopolitique dont on vient pourtant de fêter la fin lors du 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin.»

Magyar Hang (HU) /

Dans l'antichambre de la paix

Au vu des évènements de ces trois derniers mois, Magyar Hang fait preuve d'un optimisme prudent :

«Que les partis au conflit se retrouvent autour de la table de négociation au bout de trois ans n'est pas sans revêtir une dimension symbolique. Parvenir à lever le blocage des accords de Minsk serait une réussite significative. L'Ukraine n'est pas sortie des accords, mais elle suspend momentanément certaines prévisions en vigueur la concernant. Ce faisant, elle empêche Moscou et les séparatistes de remplir leur partie du contrat. Si les positions se rapprochaient, la résolution du conflit à proprement parler pourrait commencer : séparation des troupes, trêve et démilitarisation. Le débat que la 'formule Steinmeier' a déclenché en Ukraine est révélateur du grand progrès qu'elle permettrait de faire : le moindre compromis est considéré par l'opposition, petite mais féroce, comme en acte de traîtrise envers le pays.»

Kommersant (RU) /

Epreuve de vérité pour les accords de Minsk

Selon Kommersant, Kiev place les Européens en fâcheuse posture :

«Zelensky et son entourage désapprouvent les accords de Minsk, dont ils veulent se débarrasser. ... Or si l'on renonce à tout l'échafaudage de Minsk, l'édifice entier de la politique de sanctions s'effondrera du même coup. Comment en effet sanctionner quelqu'un pour un délit qui n'existe plus ? L'Europe se trouverait dans une situation inconfortable : avec d'un côté Kiev qui refuse les accords de Minsk, et de l'autre la facture présentée à Moscou en raison de la violation des termes. ... C'est pourquoi le sommet de Paris doit avant tout élucider le point suivant : les accords de Minsk existent-ils encore et qui est tenu de les mettre en œuvre, comment et dans quel ordre ?»

NV (UA) /

Les trois lignes rouges que Zelensky ne devra pas franchir

Il y a trois lignes rouges que Zelensky ne devra pas franchir à Paris, explique Sergueï Gaïdaï, directeur d'une agence stratégique, dans Novoïe Vremya :

«Il devra, premièrement, se garder de souscrire à toute forme de statut spécial pour les zones occupées, deuxièmement, à la tenue d'élections dans ces zones. Prenez l'exemple de l'Allemagne : les élections n'y ont été autorisées qu'à l'issue d'un long processus de dénazification. Le droit ukrainien n'autorisera des élections dans le Donbass occupé qu'une fois que tous les acteurs impliqués dans l'occupation auront été arrêtés et traduits en justice. Troisièmement, il ne saurait y avoir aucune amnistie pour ceux qui auront participé à des crimes, à l'occupation et à la collaboration avec l'occupant.»

Radio Kommersant FM (RU) /

Pas de paix sans accord sur le gaz

Radio Kommersant FM craint que la menace d'une nouvelle 'guerre du gaz' entre la Russie et l'Ukraine ne mette à mal tous les efforts fournis pour trouver une solution pacifique :

«Bien sûr, on parlera du Donbass et de la paix - mais le gaz joue un rôle plus crucial encore, aussi cynique que cela puisse paraître. ... Un sommet à lui seul ne suffit pas pour démêler ce nœud inextricable. ... Pour éviter que l'Ukraine et l'Europe ne gèlent leur relation, il faut trouver un compromis qui convienne à tout le monde, ce qui n'empêchera pas la guerre du gaz de reprendre en début d'année. Il est cependant probable que le projet Nord Stream 2 soit achevé d'ici là : Moscou mise ainsi sur la temporisation car avec la carte du gaz dans son jeu, elle peut mieux s'en tirer dans son argumentaire sur le Donbass.»

slovoidilo.ua (UA) /

Kiev de plus en plus isolé

Le vent a tourné pour Kiev, observe le politologue Oleksandr Leonov dans slovoidilo.ua :

«Premièrement, alors que le 'Format Normandie' reposait sur la configuration du 'trois contre un' avec d'un côté l'Ukraine, la France et l'Allemagne et de l'autre la Fédération de Russie, aujourd'hui, on se retrouve avec l'Allemagne, la France et la Fédération de Russie contre l'Ukraine. Deuxièmement, les troupes ukrainiennes se sont retirées de la ligne de front malgré de nouveaux bombardements, pour que la rencontre au 'format Normandie' puisse avoir lieu. Cependant, l'OSCE n'y voit pas un désengagement, mais la construction de nouveaux points de défenses. L'Ukraine a en effet battu en retraite et engagé un démantèlement [des fortifications]. Il est ainsi erroné de déclarer que les forces armées ukrainiennes sont revenues à leur position initiale [sur le front].»

Efimerida ton Syntakton (GR) /

Vers une émancipation de l'Europe ?

Efimerida ton Syntakton attend beaucoup du sommet de Paris, y compris pour l'UE :

«L'obtention d'un compromis pour l'Ukraine orientale sera un signe de détente entre Moscou et l'UE, pour la première fois depuis six ans. Le recul des tensions et d'une défiance à l'égard de la Russie héritée de la guerre froide renforce le potentiel d'émancipation de l'UE par rapport aux Etats-Unis, au bénéfice d'une structure de défense européenne commune.»