France : Zemmour annonce sa candidature aux présidentielles

Après s'être longtemps fait attendre, le journaliste d'extrême droite Eric Zemmour a officialisé sa candidature aux présidentielles françaises de 2022 sur YouTube. Son allocution se veut une évocation de l'appel du 18 juin du général de Gaulle et invoque le risque d'une disparition de la culture française sous l'effet de l'immigration. Sa candidature inquiète la presse.

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Libération (FR) /

La tâche historique de la gauche

La gauche est tenue de réagir, fait valoir Libération dans son éditorial :

«L'annonce zemmourienne, en elle-même, coche presque toutes les cases du classique Reconnaître le fascisme d'Umberto Eco, avec les musulmans comme bouc émissaire préféré. Rien de nouveau dans ces délires paranoïaques, si ce n'est qu'ils ont maintenant infesté le débat public, des primaires de la droite dite 'classique' aux plateaux télé dit 'équilibrés'. … Mais qui va protéger les musulmans, les femmes, les juifs, les fonctionnaires, les intellectuels et autres cibles de ces discours de haine ? Pour l'instant invisible dans le débat politique, la gauche a maintenant une tâche historique devant laquelle elle ne peut se dérober.»

De Morgen (BE) /

Plus qu'une mode passagère

De Morgen redoute les potentiels effets de cette candidature :

«Le phénomène Zemmour est plus qu'un simple effet de mode. Difficile d'évaluer les répercussions qu'aurait l'arrivée au pouvoir d'un isolationniste d'extrême droite dans l'un des pays clés de l'UE. La fin de l'UE deviendrait subitement plausible. ... Avec un président qui normalise le racisme, l'islamophobie et l'antisémitisme, on peut redouter une dangereuse polarisation sociale. ... Pour normaliser cette idéologie, Zemmour n'a même pas besoin de devenir président. ... Il suffirait que l'extrême droite soit représentée dans l'opposition pour que son influence se fasse ressentir sur la politique et la société du pays.»

La Stampa (IT) /

Le Trump français

La Stampa écrit :

«Le succès de Zemmour dans le discours public est le fruit d'une rhétorique imprégnée de 'chauvinisme 2.0', qui ne fait que poursuivre l'américanisation de la politique française. ... De façon paradoxale, c'est la droite de l'ère Sarkozy qui avait été la première à abandonner le legs franco-français du gaullisme. Cela a permis l'avènement de Zemmour, porte-étendard du politiquement incorrect, d'un suprématisme blanc 'à la française', d'un néolibéralisme qui s'oppose aux programmes de la droite sociale. Un nouveau 'chevalier antisystème', qui se présente comme un outsider, mais qui est sponsorisé par un dense réseau de financiers réactionnaires. Adieu De Gaulle, voilà venu le 'franco-trumpisme'.»

Cicero (DE) /

Un coup de pouce à Le Pen ?

Stefan Brändle, correspondant de Cicero à Paris, ne croit pas que la candidature de Zemmour fasse forcément de l'ombre à la présidente du RN :

«Si, dans les mois à venir, Marine Le Pen réussissait à se présenter comme la version soft et présentable de Zemmour et à se démarquer des dénigrements tous azimuts de ce dernier, cette concurrence pourrait même lui être profitable : le jour où Zemmour retomberait dans les sondages et que ses électeurs se rabattraient sur elle. Les sondages la créditent déjà d'un score élevé de 46 pour cent des voix dans l'hypothèse d'un second tour face à Macron. Une victoire du RN deviendrait alors de l'ordre du possible. Grâce à l'entremise de Zemmour ?»

The Times (GB) /

Macron peut se frotter les mains

LR poursuivant son virage à droite sous l'effet de Zemmour, les électeurs se retrouvent privés d'alternatives de centre-droit à l'actuel président, juge The Times :

«Le risque majeur auquel est exposé Emmanuel Macron, c'est que LR, qui désigne son candidat la semaine prochaine, opte pour une personnalité plus modérée, comme Michel Barnier. L'ex-négociateur de l'UE pour le Brexit pourrait constituer un point d'ancrage pour l'opposition au second tour des présidentielles. Mais comme Barnier et ses rivaux de la primaire ne cessent de chasser sur les terres de Zemmour en matière d'immigration, les sondages semblent indiquer que le parti a peu de chances d'atteindre le second tour des présidentielles, et encore moins de les gagner.»