Sommet ukrainien : Erdoğan veut poursuivre la médiation

Une réunion de crise réunissant le secrétaire général de l'ONU António Guterres, le président ukrainien Wolodymyr Zelensky et le chef d'Etat turc Recep Tayyip Erdoğan organisée à Lviv s'est terminée jeudi par un appel pressant à mettre fin aux opérations militaires autour de la centrale nucléaire de Zaporijia. Erdoğan a évoqué le risque de catastrophe nucléaire et annoncé redoubler d'efforts pour résoudre le conflit. Les commentateurs restent sceptiques.

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The Independent (GB) /

L'Occident tique pendant que la Turquie profite

Sur le dossier ukrainien, le président turc aura réussi à tirer habilement son épingle du jeu :

«L'accord céréalier est une réussite diplomatique pour Erdoğan, de même que son indifférence aux sanctions occidentales contre Moscou. Les capitaux et les citoyens russes sont toujours les bienvenus en Turquie, ce qui lui vaut la bienveillance du Kremlin. Les exportations turques vers la Russie ont atteint un niveau record depuis huit ans et le ministre des transports d'Ankara se targue ouvertement de l'augmentation des ventes de véhicules à la Russie. Alors que les efforts que déploie la Turquie pour se rapprocher de la Russie continuent d'inquiéter l'Occident, il se peut que Kiev apprécie l'arbitrage d'Erdoğan.»

Salzburger Nachrichten (AT) /

Pas de paix en vue

Malgré une mise en scène habile, Erdoğan ne pourra pas mettre fin à la guerre, estime Salzburger Nachrichten :

« L'accord céréalier obtenu par Ankara a montré que le rôle d'arbitre de la Turquie était plus qu'un symbole. ... Mais ériger Erdoğan au rang de pacificateur serait exagéré. Ses velléités annoncées d'une 'fin de la guerre russo-ukrainienne' sont irréalistes. Car la réalité militaire pèse davantage dans la balance que les capacités d'arbitrage. C'est cette réalité qui empêche actuellement Moscou de faire croire à une victoire sur son territoire.»

Corriere della Sera (IT) /

Regain d'espoir

Le chef d'Etat turc est l'homme de la situation, explique Corriere della Sera :

«On peine toujours à savoir dans quelle mesure il est actuellement possible de briser cet engrenage infernal de la guerre et de faire aboutir des négociations concrètes entre Moscou et Kyiv sur un cessez-le-feu. Mais s'il y a un médiateur qui soit à la hauteur de cette tâche, il semble que ce soit bien Recep Tayyip Erdoğan. Voilà la toile de fond de cette rencontre trilatérale. ... On a débattu du blé, on a abordé la problématique du contrôle de la centrale nucléaire de la région de Zaporijia, aux conséquences potentiellement dramatiques, mais c'est avant tout l'espoir de voir rapidement se finir le conflit qui était au cœur des discussions.»

Süddeutsche Zeitung (DE) /

Ne se priver d'aucun canal de communication

Même si cette rencontre n'aboutira pas à la paix, elle peut s'avérer bénéfique, affirme Süddeutsche Zeitung :

«D'une part pour laisser ouvertes les vecteurs de communication nécessaires, y compris pendant la guerre. Et l'accord céréalier a montré qu'il était possible de parvenir ponctuellement à des compromis alors que l'horreur est à son comble. Il est urgent d'en chercher un afin de réduire le risque de catastrophe nucléaire à Zaporijia. On verra que ces dispositifs de communication gagneront en importance dès que les conditions seront plus propices à la paix. Mais nous n'y parviendrons pas en réduisant les livraisons d'armes à l'Ukraine. Au contraire. Plus Poutine mise sur la faiblesse de l'Ukraine, moins il a de raisons d'arrêter sa machine de guerre.»

De Tijd (BE) /

Situation gagnant-gagnant pour Poutine et Erdoğan

Cette visite en Ukraine met en lumière la duplicité du président turc, analyse De Tijd :

«Pour éviter le désastre économique [en Turquie], toute aide de l'extérieur est la bienvenue et la Russie l'offre volontiers. En contrepartie, la Turquie ouvre grand sa porte aux citoyens et aux marchandises russes. Ainsi, les oligarques et leurs yachts sont accueillis à bras ouverts par les ports turcs. Erdoğan joue un double jeu, en prévision des élections de l'année prochaine. Il utilisera donc tous les moyens à sa disposition pour redorer son blason diplomatique. Mais les relations économiques du pays avec la Russie sont aussi d'une importance cruciale. ... C'est une situation gagnant-gagnant pour Poutine et Erdoğan.»