Moscou visée par une attaque de drones

Moscou a été attaquée par plusieurs drones, mardi. Cette attaque a provoqué des dégâts sur des bâtiments résidentiels sans faire de victimes. Le président russe Vladimir Poutine a accusé l'Ukraine, qualifiant l'opération d'"acte terroriste". L'Ukraine a démenti toute implication directe. Les commentateurs débattent des conséquences de cette action.

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De Telegraaf (NL) /

Les civils, une ligne à ne pas dépasser

Des immeubles résidentiels ont été pris pour cibles, ce qui compromet la confiance que l'Ouest place dans l'Ukraine, écrit De Telegraaf :

«Il va sans dire que l'Ukraine a toute légitimité de se défendre contre la guerre d'agression russe. Cette défense ne se limite pas nécessairement aux opérations visant à repousser les troupes russes des zones occupées. ... Mais dans l'attaque de drones sur Moscou, il a aussi été question de cibles civiles, notamment un quartier de la ville où résident le président Poutine et certains de ses partisans. L'Ukraine serait mieux inspirée de concentrer son action sur des objectifs stratégiques militaires si elle ne veut pas que le soutien occidental ne fléchisse.»

Arkadi Doubnov (RU) /

Le Kremlin reste prudent

Sur son compte Facebook, Arkadi Doubnov, journaliste politique, tente de décrypter la réaction russe aux attaques de drones :

«Cette fois-ci, aucun commentaire sur les attaques de drones émanant du gouvernement ou de l'Etat n'ont mentionné les fameux marionnettistes anglo-saxons qui tirent les ficelles du 'régime nazi ukrainien' en coulisses. ... On dirait que l'administration présidentielle a adopté de nouvelles formulations. Car insinuer que l'attaque directe de la capitale russe avec des drones de combat est survenue sur ordre de l'Occident nuirait à Moscou, car cela évoquerait une autre 'ligne rouge' que l'ennemi a l'audace de franchir sans encourir le risque de représailles.»

Slate (FR) /

Un impact psychologique

Slate évoque l'effet des frappes sur les esprits :

«Les dégâts psychologiques, et potentiellement politiques, ne peuvent être ignorés. En théorie, ces frappes pourraient avoir un effet galvanisant sur le moral des Russes et renforcer le soutien des citoyens à la guerre contre l'Ukraine. Mais si la mollesse de l'armée russe sur le champ de bataille persiste, et si l'offensive imminente de l'armée ukrainienne fait une percée et reprend des kilomètres de territoire encore plus près de la frontière russe, alors ces pénétrations du ciel moscovite seront plus susceptibles de démoraliser les Russes ; de les rendre concrètement conscients de l'existence de la guerre et de leur donner envie qu'elle se termine.»

Tageblatt (LU) /

La fin de la stabilité

Peut-être que les Russes commenceront à remettre en question la propagande guerrière, fait valoir Inna Hartwich, correspondante de Tageblatt à Moscou :

«La guerre, dont ils récusent toute responsabilité, qu'ils justifient et qu'ils refusent de voir, arrive dans leurs foyers sous la forme de drones. La peur se propage. 'Il y a l'école maternelle de mon fils juste à côté, comment puis-je dormir tranquille ?', se demandent certains, qui n'avaient visiblement pas de problème pour dormir jusqu'à maintenant, alors même qu'à moins de 1 000 km de là, les écoles maternelles d'autres enfants étaient bombardées par leurs compatriotes. De nombreux Moscovites, sous la menace d'aéronefs télécommandés, constatent désormais que la stabilité tant évoquée par le président Poutine n'existe plus.»

Ekho (RU) /

Une fraction infime de l'angoisse des Ukrainiens

Dans un post Telegram repris par Ekho, le réalisateur ukrainien Oleksandr Rodniansky met lui aussi en regard l'effroi vécu par les Moscovites et l'expérience des Ukrainiens :

«Croyez-moi, loin de moi l'idée de me réjouir du malheur des autres. Les drones au-dessus de la Roubliovka ne me réjouissent pas. ... Mais cette nuit, les Moscovites ont ressenti seulement un dixième, voire un centième de ce que les habitants de Kyiv vivent TOUTES les nuits. Un millionième de ce qu'a vécu la population de Marioupol - ou celle de Bakhmout ou d'Avdiïvka. ... Le ministère russe de la Défense, responsable des bombardements sur l'Ukraine et de l'assassinat de civils ukrainiens, a qualifié l'opération menée à Moscou d'ACTE TERRORISTE. .... Non mais allô, quoi ! Comment qualifier alors ce qui se passe en Ukraine ?»

The Times (GB) /

Une vengeance malvenue

The Times appelle l'Ukraine à s'abstenir d'attaquer Moscou:

«Une telle opération 'coup de poing' est susceptible d'énerver les leaders de l'OTAN. Notamment le président américain Joe Biden, qui a insisté sur le fait que l'Ukraine ne devrait pas utiliser des armes sophistiquées pour attaquer le sol russe, alors que ces armes ont été fournies à des fins défensives. L'OTAN est déterminée à aider l'Ukraine à se défendre, comme l'a souligné la Maison-Blanche pas plus tard que la semaine dernière. L'alliance n'est cependant pas en guerre contre la Russie et ne souhaite pas que la situation change. Des préoccupations dont l'Ukraine doit tenir compte.»

Reflex (CZ) /

En réalité, les dégâts sont énormes

Reflex a une impression de déjà-vu :

«Les dégâts causés par les deux drones ne sont pas importants, selon les déclarations des autorités russes. En réalité, ils sont immenses. Aussi immenses que lorsqu'un petit avion, piloté par un amateur de 20 ans, avait rallié Moscou depuis la République fédérale d'Allemagne dans les années 1980. A l'époque, Mathias Rust n'avait pas largué de bombes, mais atterri au cœur de la Russie, sur le Saint des Saints : la place Rouge, devant le Kremlin. C'est dire à quel point l'Union soviétique était mal gardée. Et rien n'a changé depuis.»