Feux de forêt en Europe : comment combattre les causes ?
Déclenchés par la sécheresse et la canicule, des feux de forêt dévastateurs font rage dans le sud de l'Europe, de la péninsule ibérique à la Grèce et la Turquie, en passant par l'Italie et la Croatie. Les médias pointent du doigt la trop grande passivité de la classe politique en matière de prévention.
Cesser d'ignorer les régions défavorisées
Le gouvernement portugais se soucie peu des problèmes des zones menacées par les feux de forêt, qui disposent de faibles ressources, critique Jornal de Notícias :
«Peu d'efforts sont faits pour corriger les erreurs et éviter de nouvelles catastrophes car le gouvernement central ne connaît pas l'arrière-pays, les fléaux de l'exode rural, de l'absence d'institutions publiques et de centres de soins médicaux, et où il faut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour consulter un spécialiste. Où dans certains villages, il n'y a pas assez d'élèves pour maintenir les écoles ouvertes. ... Les autorités devraient mener une réflexion de fond sur les incendies pour éviter que les mêmes erreurs ne se répètent chaque année.»
Les territoires doivent se faire entendre
Il faut demander des comptes à la classe politique sans tarder, insiste la chroniqueuse Lucía Taboada dans eldiario.es :
«C'est maintenant qu'il faut rechercher les responsables, car une fois la saison des feux passée, le dossier tombera dans l'oubli, dans le maelstrom de la politique madrilène, car la couverture médiatique du monde rural et dépeuplé d'Espagne ne fait pas recette. ... Je parle de territoires pour lesquels la nature est l'unique moyen de subsistance, je parle de notre passé et de notre avenir à tous - pas seulement de ceux des familles sinistrées, et de ce que nous mangeons, buvons et respirons. ... J'espère qu'une partie des jeunes qui tentent depuis des jours de sauver leurs maisons des flammes, armés de sceaux et de pelles, s'organiseront politiquement aux prochaines élections. Car la politique a le pouvoir d'éradiquer les incendies incontrôlés, qui gagnent du terrain quand elle est absente.»
Mieux vaut prévenir que guérir
De nombreux incendies de forêt pourraient être évités, fait valoir El Mundo :
«Ces feux montrent à quel point il est important de traiter le problème avec la détermination institutionnelle adéquate. ... Il est inadmissible qu'un pays comme le nôtre, aussi exposé à des températures élevées, assiste chaque année à des scénarios qui pourraient être évités en renforçant les pompiers et les mesures préventives. On ne peut pas se contenter de réagir a posteriori. Il s'agit d'un danger grave qui exige un engagement de tous les instants. ... Dans la plupart des cas, les incendies sont dus à la sécheresse des sols, aux vagues de chaleur et à une mauvaise gestion des forêts. ... Et la gronde s'amplifie car les politiques se rejettent la faute ou prennent la parole, sans pour autant renoncer à leurs vacances.»
Un cercle vicieux
Dans une tribune au quotidien Kathimerini, le directeur de WWF Grèce, Dimitris Karavellas, livre un regard critique sur la situation dans son pays :
«Selon les informations du département des pompiers en charge des incendies criminels, seuls 16,8 pour cent des incendies de forêt ont fait l'objet d'une enquête appropriée au cours des deux dernières décennies, et l'origine de 12,1 pour cent d'entre elles seulement ont été documentées. De ce déficit naît un cercle vicieux constitué d'erreurs réitérées, de mesures politiques inefficaces et de théories du complot. ... La protection de nos forêts contre les incendies ne peut reposer uniquement sur des hypothèses ou la seule bonne volonté. Elle nécessite la recherche de données, une responsabilité publique et une volonté politique.»
La sylviculture doit se diversifier
Les territoires forestiers doivent de nouveau devenir des écosystèmes vivants, fait valoir la professeure d'écologie Helena Freitas dans Público :
«La forêt est devenue fragile, victime d'une combinaison de sécheresse prolongée, d'exode rural et de paysages monotones dominés par des eucalyptus, pins, broussailles et plantes exotiques invasives. Insister sur des monocultures à la rentabilité rapide signifie condamner le pays à une répétition des tragédies, d'année en année. ... Le Portugal a besoin d'une nouvelle sylviculture plus diversifiée et plus intelligente. D'une économie qui valorise des produits durables et innovants, promeut des emplois de qualité et renforce les communautés locales.»
Une politique agricole ratée
L'une des raisons de la propagation rapide des feux est l'abandon des terres agricoles, affirme le journaliste et ancien agriculteur Jean-Paul Pelras dans Le Point:
«Je me demande où sont … les responsables politiques, qui proposent au vigneron la somme plus que dérisoire comprise entre 2 500 et 4 000 euros par hectare pour arracher définitivement un outil de travail, un patrimoine, une production multiséculaire seule capable de juguler l'incendie. Comme ici dans l'Aude où, à nouveau, 4 955 hectares, soit 7,81 pour cent du vignoble, viennent d'être définitivement arrachés. Ces responsables qui, de Paris ou Bruxelles, de leurs bureaux climatisés et quelques plateaux télévisés, décident, sans savoir ce qu'il en coûte de sauver un pays quand les hommes sont partis et qu'il se met à brûler !»
Tous les pays sont menacés
La Belgique aussi, située plus au Nord mais densément peuplée, est mal préparée face aux grands incendies, met en garde La Libre Belgique :
«La Défense a récemment fait l'acquisition de kits spécifiques pour permettre à ses hélicoptères de larguer de l'eau sur des brasiers. Elle étudie même la possibilité de transformer ses gros A400M en bombardiers d'eau. Mais la lutte contre les feux de forêt est moins la mission de l'armée que celle des pompiers et de la protection civile. Et là, tout indique qu'on n'y est pas. Le personnel n'est pas suffisamment formé et l'équipement pas davantage à niveau. Sans parler de l'aménagement du territoire et de la planification urbaine qui, le plus souvent, négligent cette prévention spécifique.»