Elections à la mairie d'Istanbul : aucun candidat n'a dominé le duel TV
Avant la tenue du nouveau scrutin municipal à Istanbul le 23 juin, le candidat d'opposition İmamoğlu, dont la victoire a été annulée, et son adversaire du parti conservateur au pouvoir AKP, Binali Yıldırım, se sont affrontés dans le cadre d'un duel télévisé. Depuis 2002, année où l'AKP avait accédé au pouvoir, la Turquie n'avait plus connu de duel politique télévisé. Quelle est la portée de l'évènement pour la Turquie ?
Le point positif d'une campagne inutile
Compte tenu de la crise économique, la Turquie ne pouvait se permettre une campagne électorale, estime le quotidien Süddeutsche Zeitung :
«Erdoğan et l'AKP ont imposé au pays une nouvelle campagne électorale fort coûteuse. Pour l'unique raison qu'ils refusaient d'accepter la défaite aux municipales d'Istanbul. La mégapole est le poumon économique de la Turquie ; celui qui contrôle la mairie métropolitaine a le pouvoir d'octroyer de juteux contrats. Un changement au pouvoir contribuerait à détruire ce tissu de corruption et de clientélisme, jusqu'à ce que, faute d'alternance démocratique, il reprenne ses droits. Mais cette campagne inutile a tout de même le mérite d'avoir offert au pays un duel télévisé, une première depuis qu'Erdoğan est au pouvoir. Les médias turcs, qui ont depuis longtemps perdu courage, ont ainsi rendu service à la démocratie. »
Un format malheureux
Le duel ne prévoyait pas d'échange direct entre les candidats. Ceux-ci avaient trois minutes pour répondre à chaque question, ce que beaucoup de téléspectateurs ont critiqué. Une critique justifiée, selon Nihal Bengisu Karaca, chroniqueuse à Habertürk :
«L'émission a-t-elle été satisfaisante ? La réponse est clairement négative. Pourquoi ? Car ce débat, qui aurait dû prendre la forme d'une confrontation compte tenu des circonstances, n'a pas été un débat. Il serait trop simple de jeter la pierre à un journaliste qui anime avec brio une matinale depuis des années. Je fais partie de ceux qui disent que ce format n'était pas adapté à la situation. A trop vouloir respecter les consignes, il est devenu soporifique.»
La stratégie de l'AKP n'opère plus
C'est mus par la force du désespoir que les cadres de l'AKP auraient envoyé leur candidat Yıldırım dans un combat perdu d'avance, croit savoir Artı Gerçek :
«Il faut croire que l'AKP s'est senti obligé de faire passer à la télévision son candidat à la mairie d'Istanbul, Binali Yıldırım, pour affronter le candidat du CHP, Ekrem İmamoğlu. Face au risque de perdre Istanbul, ils ont cru trouver une échapparoire en sortant Binali Yıldırım de son retrait. ... La peur de perdre Istanbul a amené Erdoğan à remiser son arrogance du pouvoir. ... Erdoğan avait affirmé qu'il avait la conviction que cette émission présenterait l'affaire sous un jour nouveau. Son ultime espoir ne se sera pas réalisé.»