9-Mai : qu'a dit Poutine dans son discours ?
Lors de son allocution pour le "Jour de la Victoire" sur la place Rouge à Moscou, Poutine a qualifié l'attaque de l'Ukraine de mesure préventive, au service de la paix. Il a affirmé que l'Occident avait armé l'Ukraine jusqu'aux dents et s'apprêtait à envahir les territoires historiquement russes. Aucune mention dans son discours d'une déclaration de guerre officielle ou d'allusion à une mobilisation générale. La presse européenne analyse le contenu et l'impact de son discours.
On s'attendait à bien pire
Le Temps observe une retenue qui devrait rassurer les Etats membres de l'OTAN :
«Le discours très bref de Vladimir Poutine a aussi frappé par sa modération. Elle contrastait avec la puissance exhibée par son armée – si l'on excepte l'étrange absence de l'aviation, officiellement en raison des nuages. Le président a été jusqu'à saluer les engagements français et britannique pendant la Deuxième Guerre mondiale. Une retenue que certains observateurs disent constater aussi dans les manœuvres russes en Ukraine. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, le Kremlin n'y utiliserait pas sa pleine capacité de feu. La conséquence des défaillances tactiques de l'armée russe mais aussi, peut-être, le signe que Vladimir Poutine ne voit aucun intérêt à étendre cette guerre dont il ne parle pas aux pays membres de l'OTAN.»
Vers une confrontation totale
Compte tenu de la volonté de la Finlande d'intégrer l'OTAN, le chroniqueur Cristian Unteanu comprend ce discours comme une mise en garde :
«Si le Kremlin considère l'Ukraine comme une menace aussi grande pour la sécurité de la Russie, comment réagira-t-il à l'adhésion de la Finlande à l'OTAN (probablement suivie de celle de la Suède), qui transformera du tout au tout l'équilibre de pouvoir dans la Baltique et relativisera l'hégémonie de la flotte russe dans la région et à Kaliningrad ? Poutine est-il prêt à chercher la confrontation totale avec l'Occident, auquel il montre actuellement tout le mépris qu'il lui inspire ? Je crois que oui. En durcissant son message offensif, il ne s'adresse plus seulement à l'Ukraine, et ne laisse entrevoir que peu de chances de se prêter à des négociations de paix dans un avenir proche.»
Un grand lavage de cerveaux
The New Times, interdit de parution en Russie, y voit une manipulation du peuple russe :
«Poutine administre à son peuple une thérapie par la haine, il l'anesthésie à coup d'absurdités. Le résultat : une nation psychopathe mais rassemblée autour du commandant de la forteresse assiégée, dont on ne peut s'échapper de toute façon. ... Poutine veut débaucher tous les citoyens de Russie en les faisant tremper dans l''opération spéciale', pour qu'ils portent avec le pouvoir la responsabilité de ce qui se passe en Ukraine. Le citoyen est déboussolé, il ne sait trop que penser. Cela lui facilite donc la tâche de prendre en guise d'opinions les clichés cousus de fil blanc que lui sert la propagande de Poutine.»
Même la pire propagande fait son effet
Bien que Poutine ne s'en tienne pas à la vérité, nombreux sont ceux qui adhéreront à ses mensonges, redoute Deník :
«Aux oreilles d'un citoyen cultivé d'un pays libre, ce que raconte Poutine paraîtra aussi ridicule que rebutant. Et pourtant, il est possible de succomber à ces sirènes. Pas la peine de remonter jusqu'au IIIe Reich. Il suffit de penser aux thèses qui ont pu circuler sur la non-existence du Covid, ou encore sur les micropuces qui nous seraient implantées à la vaccination. Même dans le monde occidental, beaucoup de gens ont gobé ces inepties.»
Croit-il vraiment ce qu'il débite ?
Õhtuleht s'interroge sur la lucidité du président russe :
«Le discours de Poutine était farci de clichés et d'accusations : personne ne comprend l'âme russe, les Russes doivent combattre seuls un Occident barbare pour sauver l'humanité de la décadence. Les Russes s'y emploient avec héroïsme, sans compter, sans tenir compte des pertes. Se pourrait-il que Poutine croie réellement qu'il est le sauveur du monde ?»