Slovaquie : nouvelles pressions sur l’audiovisuel public

Normalement, le passage à la nouvelle année 2023 aurait dû être une occasion de fête : le 30e anniversaire de cette jeune démocratie. Les médias avait déjà préparé des éditions spéciales pour l’occasion, mais les événements en ont décidé autrement et actuellement, personne n’est d’humeur festive en Slovaquie.

Sous le gouvernement de Robert Fico, les médias slovaques assurent le rôle de l'opposition.
Sous le gouvernement de Robert Fico, les médias slovaques assurent le rôle de l'opposition.
Tout juste avant Noël, le gouvernement conservateur a été renversé par un vote de méfiance de l’Assemblée. Un gouvernement qui avait pourtant fait un départ retentissant sous la direction du Premier ministre Igor Matovič au printemps 2020, avec une majorité aux trois cinquièmes permettant un changement de constitution. Il avait mis fin à l’ère de Robert Fico, aux affaires pendant trois mandats d’affilée, et contre lequel les accusations de liens avec la pègre s’étaient multipliées. Les allégations de corruption avaient culminé avec le meurtre du journaliste d’investigation Ján Kuciak et de sa fiancée Martina Kušnírová, en février 2018. De son vivant, Kuciak avait longtemps enquêté sur Fico et les puissants oligarques du pays.

Cet assassinat sans précédent dans le pays, une attaque directe à la démocratie et à la liberté de la presse, a été l’élément déclencheur de manifestations de masse et d’un renouvellement complet du personnel politique : Zuzana Čaputová, avocate de formation novice en politique a été élue présidente et demeure très populaire jusqu’à aujourd’hui, et les conservateurs menés par Matovič ont remporté les législatives et formé un gouvernement. Un gouvernement qui a toutefois eu tôt fait de se déchirer de l’intérieur, non pas sur des questions de fond, mais exclusivement en raison d’antipathies personnelles.

Les médias appelés à jouer le rôle de l’opposition politique ?

Des médias de premier plan, notamment les journaux Sme et Pravda, ou encore l’excellent portail d’information Aktuality.sk pourraient se retrouver dans le rôle d’opposition politique qui avait déjà été le leur aux temps des gouvernements Fico. Mais le spectre d’un retour de Fico sur le devant de la scène semble moins effrayer les rédactions que le chaos qui règne actuellement sur la vie politique.
Fico ne cache pas son admiration pour Viktor Orbán, qu’il prend aujourd’hui pour modèle. Il ne faut pas attendre de lui des efforts pour que soit écroué le commanditaire du meurtre du journaliste Ján Kuciak, qui n’a toujours pas été condamné. Fico soutient ouvertement la Russie et sa guerre contre l’Ukraine. Le gouvernement qui lui avait succédé, en dépit de ses profondes divisions, soutenait sans équivoque la ligne de l’UE et la politique d’aide aux centaines de milliers de réfugiés fuyant la guerre. Si Fico revenait au pouvoir, tous ces acquis pourraient être remis en cause. Les médias se trouveraient face à de tous nouveaux défis si les choses devaient évoluer dans ce sens.

Dans ce bras de fer pour le pouvoir, le service de radio-télévision publique RTVS risque de perdre encore plus d’importance. Dans ses négociations sur le budget pour 2023, le gouvernement entretemps renversé avait annoncé, à la surprise générale, son intention de « révolutionner » le financement de RTVS.

Il envisageait de mettre fin au financement de l’audiovisuel public par les redevances des utilisateurs (et les entrées publicitaires), laissant à l’Etat le soin de s’en charger. Il incomberait donc dorénavant au Parlement de fixer la dotation de cette enveloppe. Ceci placerait RTVS dans une dépendance sans précédent par rapport à la politique. Le président du Conseil de la radio, Igor Gallo, a qualifié d’"aventure politique" la suppression sans débat de la redevance, une aventure qui pourrait conduire à une radio dominée par la majorité gouvernementale, suivant le modèle de la Hongrie.

La première réaction de Reporters sans frontière a été de sommer le gouvernement de trouver "une solution de financement durable affranchie de toute pression politique. La Slovaquie étant un pays où les fausses informations vont bon train et où certains médias sont fortement influencés par des oligarques, elle doit impérativement disposer de médias publics forts et indépendants. Le RTVS ne doit pas être sacrifiée sur l’autel d’arrangements politiques." Si l’avenir de la politique slovaque est pavé d’incertitudes, celui des médias est tout aussi aléatoire.

Classement pour la liberté de la presse (Reporters sans frontières) : rang 17 (2023)

Mise à jour : décembre 2022

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