L'UE discute de sa stratégie antiterroriste
Collecte des données des passagers aériens, collaboration accrue entre les agences de renseignement, déchéance de nationalité pour les djihadistes présumés : ce sont quelques-unes des propositions évoquées par les ministres des Affaires étrangères de l'UE, réunis lundi à Bruxelles suite aux attentats de Paris. Si certains commentateurs les trouvent judicieuses et appellent à hausser le ton, d'autres demandent aux autorités de coopérer davantage avec les familles musulmanes pour prévenir la radicalisation des jeunes.
Paris doit sévir
Le Premier ministre français Manuel Valls a déclaré vouloir sévir contre le terrorisme. Le quotidien conservateur Le Figaro réclame un vaste arsenal de mesures : "Notre pays doit mieux se protéger contre la menace terroriste, contre la haine islamiste. L'urgence commande d'améliorer la traçabilité des délinquants, de reconsidérer notre régime carcéral, de renforcer le contrôle d'Internet, de frapper d'indignité nationale ou de déchoir de la nationalité française les terroristes selon leur profil, d'interdire du territoire ou d'intercepter à leur retour les djihadistes français, d'accorder davantage de moyens matériels aux forces de l'ordre, et d'assurer enfin une coordination plus étroite des services de renseignements. Rien ne doit être négligé pour garantir notre sécurité. Notre liberté est en jeu. Les mesures devront être suffisamment claires et précises si elles veulent répondre à cette exigence de fermeté. Le Premier ministre doit mettre son regain de popularité au service d'une action énergique, dans la durée."
L'Etat doit coopérer avec les familles musulmanes
Dans les Etats occidentaux, il faut que les institutions publiques se tournent davantage vers les familles musulmanes afin que celles-ci puissent contribuer davantage à lutter contre le phénomène de radicalisation des jeunes, préconise le quotidien conservateur The Daily Telegraph : "Aujourd'hui, la radicalisation ne se fait plus dans les mosquées mais sur les réseaux sociaux et en participant activement au djihad. Mais cela ne doit pas empêcher les personnes susceptibles d'exercer une influence notoire sur de jeunes musulmans impressionnables d'assumer cette responsabilité. Les familles, notamment, se doivent d'être vigilantes et d'alerter les autorités si elles constatent des comportements extrémistes. Dans ce but, les tribunaux doivent veiller à favoriser la coopération des parents. Il se peut que les longues peines de prison qui ont été infligées ces derniers temps aient dissuadé certaines familles de collaborer avec la police."
Des contrôles accrus n'amélioreront pas la sécurité
La collecte des données des passagers aériens, une mesure que les ministres de l'intérieur de l'UE ont décidé d'adopter rapidement la semaine dernière afin de lutter contre le terrorisme, pourrait contribuer à établir un contrôle généralisé des citoyens, prévient le quotidien conservateur Večer : "Si les gouvernements savent quelle place tel passager occupait sur un vol, cela ne dérangera pas vraiment le citoyen lambda. Mais si les courriers électroniques, les profils Internet et les conversations téléphoniques devaient eux aussi être contrôlés, sous couvert d'une loi antiterroriste, le citoyen se demandera s'il veut vivre dans une telle communauté d'Etats. C'est le genre d'idées dont on discute actuellement. John Sawers, l'ex-directeur des services secrets britanniques, a déclaré mardi que les agences de renseignements devaient passer un accord avec les entreprises technologiques pour obtenir un échange de données. C'est inacceptable. Les extrémistes qui ont commis les attentats de Paris étaient connus du gouvernement depuis longtemps. L'échec incombe aux services secrets, et non à la législation actuelle !"
Ne jamais renoncer aux principes de l'Etat de droit
Après les attentats de Paris, les initiatives politiques dans le sens de la lutte antiterroriste se sont également multipliées au Danemark. Le pays discute actuellement d'une nouvelle loi qui pourrait permettre de priver une personne de titre de séjour s'il existait des raisons de croire que celle-ci s'est rendue dans une zone de conflit. Le quotidien de centre-gauche Politiken prend la défense de l'Etat de droit : "Heureusement, les instances judiciaires sont encore tenues d'étayer par des preuves leurs suspicions. … C'est ainsi que les choses doivent se passer dans un Etat de droit. … Il est certain que la police et les agences de renseignement doivent pouvoir disposer de compétences élargies afin de surveiller la centaine d'individus soupçonnés d'avoir combattu en Syrie ou en Irak. … Mais la frustration générée par l'incapacité de prouver ce que ces personnes ont fait à l'étranger ne doit pas être une raison pour renoncer aux principes de la démocratie et de l'Etat de droit. Si tel devait être le cas, les terroristes ont déjà gagné."