Salvini saura-t-il fédérer les extrêmes droites d'Europe ?

Le ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, entend rassembler l'extrême droite européenne au sein d'un seul groupe au Parlement européen au lendemain des européennes. Il a présenté lundi à Milan l'Alliance des peuples et des nations, flanqué des présidents de l'AfD, du parti Les Finlandais et du Parti populaire danois. Les commentateurs ont quelques doutes sur les perspectives de réussite de l'entreprise.

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HuffPost Italia (IT) /

Un grand chantier

L'alliance populiste se donne pour objectif de devenir le premier groupe au Parlement européen. Elle semble ne pas encore savoir comment s'y prendre, raille Huffington Post Italia :

«L'alliance souverainiste de Salvini n'a toujours pas de contours clairs et ne sait toujours pas qui sera de l'équipée. ... Pas plus du reste qu'elle ne connaît le contenu de son manifeste et les compétences qui seront retirées à l'UE pour les restituer aux Etats nationaux. Le plus grand flou règne sur l'identité de la tête de liste de cette formation, qui se portera candidat à la présidence de la Commission pour le vote en mai. Ce rôle devrait revenir à Salvini, mais rien n'est encore sûr. Pour l'instant, cette alliance souverainiste ressemble plutôt à un grand chantier.»

Delo (SI) /

Ils s'écharperont à coup sûr

Delo doute que l'alliance réussisse à concilier les intérêts divergents des uns et des autres :

«Cette alliance que rapprochent l'islamophobie, l'antisémitisme et le nationalisme ainsi que le rejet du centralisme bruxellois a malgré tout des difficultés à se mettre d'accord sur un programme commun. Kaczyński et Salvini ont des positions diamétralement opposées sur la Russie. Par ailleurs, ni le populiste polonais, ni Marine Le Pen, ni Viktor Orbán ne veulent laisser l'Italien mener la barque. ... Certaines prévisions créditent ces partis de 150 sièges sur les 705 que compte le Parlement, mais hormis Emmanuel Macron, personne ne semble s'en soucier outre mesure.»

Tages-Anzeiger (CH) /

Une alliance sans ciment

Tages-Anzeiger croit aussi que le projet fédérateur de l'extrême droite européenne est voué à l'échec :

«Les nationalistes ne s'intéressent qu'au bien de leur propre patrie : leur propre culture, leur propre langue, leur propre monnaie - sans oublier leurs propres idoles politiques. Le mot d'ordre de la Ligue n'est-il pas 'Prima gli Italiani', les Italiens d'abord ? ... L'AfD, qui entend s'allier avec la Ligue de Salvini, a notamment laissé à la postérité ce tweet : 'Ils sont fous ces romains !' Telle fut la réaction d'Alice Weidel quand l'Italie a rendu public son budget pour 2019 à l'automne dernier. 'Et on va encore nous demander à nous, les Allemands, de payer les pots cassés.' Comment un pareil mariage peut-il fonctionner ? Au fond, le dénominateur commun de l'extrême droite européenne est la haine de tout ce qui, de près ou de loin, est étranger, cosmopolite et collectif. Le repli sur soi est le seul ciment de cette alliance internationale. C'est bien maigre.»

Deutschlandfunk (DE) /

La chimère d'un groupe commun

Deutschlandfunk souligne que des leaders de la droite européenne ne figurent pas sur la photo de groupe :

«N'ont pas répondu à l'appel Kaczyński, Orbán, Wilders, Strache, Le Pen. Comment l'expliquer ? Marine Le Pen s'en est récemment prise à l'Italie. [En Autriche], le FPÖ doit veiller à ne pas se faire virer du gouvernement par [son partenaire de coalition conservateur] l'ÖVP en défendant des positions trop extrémistes. Mieux vaut donc avancer prudemment sur la scène européenne. Il serait tout de même dommage de s'exclure du festin. Orbán a suivi le même raisonnement : mieux vaut faire bombance à la table des chefs de gouvernement chrétiens-démocrates que de prendre place à la table des brailleurs d'ultradroite. C'est indéniable : l'extrême droite marquera des points aux européennes de mai. Il est plus qu'improbable en revanche qu'elle parvienne à former un seul groupe au Parlement européen.»