La France aux prises avec le terrorisme

La France a rendu un hommage national aux victimes de l'attaque terroriste de Nice ce samedi. Le Premier ministre Jean Castex a réitéré la détermination de l'exécutif à combattre l'islam radical. Les événements des dernières semaines ont aussi relancé le débat sur la laïcité telle que la définit la France.

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The Irish Times (IE) /

Imposer le masque mais interdire le voile ?

The Irish Times trouve que pour un pays qui insiste sur le caractère privé de la religion, la France s'immisce trop dans la vie quotidienne des Musulmans :

«La culture politique du pays attache une immense importance à ce que les Français appellent laïcité. Une doctrine qui impose à l'Etat la neutralité face aux convictions théologiques et métaphysiques de ses citoyens. ... Au demeurant, les musulmans sont nombreux à croire que la société française n'accepte pas leur origine ethnique ou leur foi religieuse comme étant une affaire privée. Et à une époque où les masques font partie du quotidien, il est effectivement difficile de comprendre que la république française, il y a quelques années à peine, cherchait encore à pénaliser les femmes musulmanes qui dissimulaient leur visage en public ou qui se baignaient en burkini.»

Le Monde (FR) /

L'Etat ostracise l'islam

L'Etat francais a un problème avec l'islam, écrit dans Le Monde le sociologue Jean-François Bayart :

«L'effroi, le dégoût et la colère qu'inspirent l'assassinat de Samuel Paty et l'attentat de Nice offrent un effet d'aubaine aux idéologues qui s'arrogent le monopole de l'indignation et de la définition de la République. ... Il y a bien une islamophobie d'Etat lorsque sa police pratique une discrimination certes illégale, mais systémique, à l'encontre d'une partie de la jeunesse assignée à ses origines supposées musulmanes. Cet Etat n'est pas 'neutre entre les religions', comme le souhaitait l'écrivain Ernest Renan 1823-1892. Il n'a cessé, ces dernières décennies, de valoriser le christianisme et le judaïsme en développant une laïcité dite 'positive' à leur égard, et de vouloir subordonner politiquement l'islam pour le contrôler sous prétexte de l'éclairer.»

Deutschlandfunk (DE) /

La sacrosainte laïcité, un écueil

Deutschlandfunk trouve que le débat actuel met en évidence certaines faiblesses de la laïcité à la française :

«L'Etat français ne sait pas entretenir de rapports sereins avec la religion. Tolérée dans le cadre de la vie privée, celle-ci - dans l'espace public - est généralement tenue en respect par des interdictions. Or une réflexion sur la religion dans l'espace public bénéficiant du soutien de l'Etat - sous la forme d'éducation religieuse, de facultés de théologie, de formation universitaire des imams - pourrait permettre d'apaiser les esprits et de promouvoir une foi plus libérale. ... Dans un pays laïque, l'idée de coopération, même ponctuelle, est un sacrilège, et face à la brutalité, pareille invitation à la réflexion fait sourire. Mais l'époque des Lumières n'est pas révolue, c'est un processus en cours. Pour tous les protagonistes.»

Neue Zürcher Zeitung (CH) /

Macron fait les bons choix

Neue Zürcher Zeitung juge absurde l'affirmation selon laquelle Macron mènerait une campagne haineuse contre l'Islam :

«Il est certes indéniable qu'en France, beaucoup de musulmans sont victimes de discriminations. Et que certains représentants du gouvernement ... ont eu des mots malheureux et déplacés. Or Macron n'a eu de cesse de dire clairement qu'il considérait que l'Islam faisait partie intégrante de la société française. Quand il a présenté sa stratégie contre le 'séparatisme islamiste', en octobre, il a insisté sur l'importance de la mettre en œuvre avec le concours des Musulmans de France. Et de rappeler qu'on aurait tort de se laisser prendre au piège de la généralisation en stigmatisant tous les fidèles de la foi musulmane. A Nice jeudi, il a appelé tous les Français à faire preuve d'unité, quelle que soit leur religion. En ces temps difficiles, plus que jamais, il est important de maintenir le cap.»

Libération (FR) /

Prévenir les clivages

Après l'attentat, le ministre français de l'Intérieur, Yves Le Drian, a voulu délivrer un "message de paix au monde musulman" et souligner que la "religion et la culture musulmanes faisaient partie de notre histoire française et européenne". Il faut s'efforcer maintenant de préserver la cohésion sociale, fait valoir Libération :

«Le plus grand danger en effet serait de voir la France, où vit une importante communauté musulmane, se diviser sur la question de l'identité et de la religion, ouvrant un boulevard aux extrêmes, ce que cherchent précisément les islamistes. Il serait irresponsable, dans un monde instable voire inflammable, de laisser se diffuser le poison de l'intolérance, du rejet et de la haine. Tout dirigeant politique qui s'y risquerait porterait une lourde responsabilité dans la suite des événements. Après l'attentat de Nice, les représentants de l'Eglise et du culte musulman n'ont d'ailleurs pas hésité à appeler à l'union.»

De Volkskrant (NL) /

Trouver une voie médiane pour l'islam en Europe

De Volkskrant défend le président français, accusé par certains de s'en prendre indistinctement à tous les musulmans :

«Macron veut que la France reste vivable pour tous les citoyens, sur la base des lois. Ce n'est pas un mauvais point de départ. ... Comme cela se produit à chaque attentat, l'attaque de Nice risque d'attiser la polarisation. Si le centrisme politique européen doit se garder d'alimenter ce phénomène, il ne peut cependant fermer les yeux sur l'émergence d'interprétations extrémistes de l'islam incompatibles avec les libertés fondamentales. C'est pourquoi la réponse de Macron est aussi importante. Car s'il échoue dans la recherche d'une voie médiane, Marine Le Pen l'attendra au tournant, avec des solutions bien plus radicales.»

Denik N (CZ) /

La France ne pliera pas

Denik N a la conviction que la France est une grande nation qui ne fera pas de compromis sur ses grands principes :

«La France chérit son identité, qui repose sur les droits de l'homme, la démocratie, la tolérance et le dialogue. L'objectif que l'islamisme poursuit à long terme est clair : briser les structures démocratiques de la France et du même coup celles d'autres pays européens ; pousser la France à transiger, peu à peu, sur ses valeurs fondamentales, sous l'empire de la peur. Les islamistes font le calcul que si la France est mise à genoux, les principes sur lesquels repose l'Europe entière depuis deux siècles seront anéantis. Mais la France ne mettra pas un genou à terre.»

Webcafé (BG) /

L'intégration doit être une obligation

Pour Webcafé, les sociétés européennes doivent être plus exigeantes vis-à-vis des migrants :

«Le problème, c'est l'approche passive vis-à-vis de l'intégration : croire que des personnes issues d'autres cultures s'adapteront d'elles-même aux réalités européennes. Lorsqu'un pays veut l'intégration, il doit s'en donner les moyens et signaler clairement que cette intégration est obligatoire et qu'il est impossible de s'y soustraire. C'est une fois ce prérequis rempli seulement que l'on pourra aborder les aspects positifs de la diversité. Si on laisse les choses en l'état, la moindre caricature controversée risque d'entraîner une vague de morts et de violences.»

De Morgen (BE) /

Pour une défense globale de la démocratie

La lutte contre l'extrémisme religieux ne peut se limiter au territoire national, souligne De Morgen :

«L'Europe ne peut continuer à appliquer deux poids deux mesures. Tant que nous exporterons des armes à des régimes autoritaires qui tolèrent les apôtres de la haine quand cela sert leurs intérêts, tous nos plaidoyers en faveur d'un islam européen éclairé sonneront creux. On pense bien sûr à l'Arabie saoudite, mais aussi à la Malaisie et à la Turquie d'Erdoğan. L'Europe ne doit pas hésiter à se servir de ses libertés démocratiques comme d'un levier de pression dans le commerce international. Mais pour que ce procédé soit crédible, il faut plus que jamais prendre fait et cause pour notre Etat de droit. Après un attentat comme celui d'hier, la seule réponse possible consiste à favoriser le dialogue entre les différents groupes sociaux et les communautés religieuses, pour que personne ne puisse exploiter depuis l'étranger l'aliénation et la division.»