Pologne : quel sera l'impact des contrôles aux frontières

Lundi, la Pologne a commencé à effectuer des contrôles aléatoires à ses frontières avec l'Allemagne et la Lituanie dans le but d'endiguer l'immigration clandestine. Sont surtout visés les véhicules transportant plusieurs personnes. Le ministre polonais de l'Intérieur a déclaré être disposé à renoncer aux contrôles si l'Allemagne en faisait de même. Les commentateurs débattent des motivations et des conséquences de ces contrôles.

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Frankfurter Rundschau (DE) /

Ne pas compromettre la liberté

Frankfurter Rundschau redoute de graves conséquences :

«Au quotidien, les personnes habitant des régions frontalières doivent s'attendre à des restrictions considérables. A ceci viennent s'ajouter les libertés prises avec le droit européen, fort justement dénoncées par Angela Merkel, droit que son successeur malmène sans scrupules. ... Si ni l'Allemagne ni la Pologne ne sont disposées à accueillir les demandeurs d'asile, ceux-ci risquent de se trouver piégées dans un no man's land. ... Le premier pas doit donc être des contrôles conjoints, résultant d'une concertation entre les autorités allemandes et polonaises. Mais le second pas, qui est plus important, doit aller vers une suppression des contrôles. Ils sont juridiquement et politiquement insoutenables à long terme. ... Ne compromettons pas la liberté, que l'Europe a employé tant d'efforts à mettre en place.»

Neue Zürcher Zeitung (CH) /

L'espoir d'un effet domino salutaire

Les contrôles représentent une chance pour l'Europe entière, écrit Neue Zürcher Zeitung :

«Si d'autres Etats se mettaient à imiter la Pologne et procédaient à leur tour à des contrôles à leur frontière avec l'Allemagne, la pression de veiller à la sécurité des frontières extérieures de l'Europe augmenterait sur tous les Etats membres de l'UE. En effet, se renvoyer la balle des migrants comme dans une partie de ping-pong n'est dans l'intérêt de personne. Une fois que la frontière extérieure de l'UE sera hermétique, on pourra enfin revenir à une libre-circulation sans restriction au sein de l'Union, au bout d'années de frontières quasiment ouvertes. L'effet domino tant redouté qui risque de se produire pourrait en réalité être bénéfique à l'Europe toute entière.»

Der Standard (AT) /

Tusk sous pression

Der Standard comprend la réaction du gouvernement polonais :

«Fort de son expérience passée de président du Conseil européen, plus que quiconque, le Premier ministre polonais Donald Tusk est aguerri à la recherche de solutions communes. Or lui aussi dit aujourd'hui : 'L'époque où la Pologne ne réagissait pas de manière appropriée à certaines mesures est définitivement révolue.' Si ces paroles n'ont en soi rien de surprenant, elles étonnent sortant de la bouche de Tusk. Elles montrent à quel point il est mis sous pression par les nationalistes conservateurs en Pologne, hostiles à l'Allemagne et à l'UE, ainsi qu'aux 'milices' autoproclamées de défense de la frontière. Ces paroles illustrent l'ampleur que peuvent prendre les dégâts collatéraux sous l'effet domino, par lequel Berlin entend repousser la pression migratoire à la périphérie de l'Union.»

Interia (PL) /

Une mise en scène

Pour le portail Interia, les nouveaux contrôles à la frontière sont une mise en scène à l'attention de l'opinion polonaise :

«Le gouvernement de Donald Tusk étant clairement affaibli après la défaite électorale, les politiques du PiS sonnent l'hallali. ... Pour cette même raison – sa propre faiblesse –, le gouvernement Tusk doit agir. C'est pourquoi il a annoncé tambour battant l'introduction de contrôles côté polonais. Les paroles du ministre des Affaires étrangères, Radosław Sikorski, préparent le terrain à la résolution d'un problème qui n'existe pas. Au service d'une lutte de pouvoir qui existe bel et bien, en revanche.»

Süddeutsche Zeitung (DE) /

Et tant pis pour Schengen

Süddeutsche Zeitung critique la mesure :

«C'est une réaction infantile idiote à des simagrées non moins idiotes côté allemand à la frontière. Les deux gouvernements ont sacrifié la libre circulation, cédant dans leur pays respectif aux pressions de l'extrême droite et des ultranationalistes, au lieu d'élaborer de véritables solutions. ... C'est la peur de l'opposition au sein du pays et l'obsession des sondages qui ont amené les deux gouvernements à faire violence à l'idée européenne de l'espace Schengen, que la Pologne a rejoint fin 2007.»

Frankfurter Allgemeine Zeitung (DE) /

Pas de liberté sans contrôles aux frontières

Frankfurter Allgemeine Zeitung applaudit :

«Il n'y a vraiment pas de quoi crier à l'effondrement de l'Europe. Il s'agit de combattre non pas la libre circulation, mais l'immigration illégale. Il va sans dire que cela peut aussi, accessoirement, entraîner des retards pour les touristes et les travailleurs frontaliers. Mais ce n'est premièrement rien de nouveau, de grands événements sportifs internationaux nous ont déjà placés devant cette situation. Deuxièmement, les pays ont tout intérêt à organiser les contrôles qui soient efficaces. ... Et l'argument qui veut que l'imperfectibilité des contrôles dispense de contrôles est factice. Si tout le monde fait preuve de vigilance, on pourra restaurer pleinement l'esprit de Schengen

wPolityce.pl (PL) /

Tusk est le fossoyeur de la Pologne

Le Premier ministre polonais affaiblit gravement son pays, peste le portail wPolityce.pl :

«L'Allemagne se déleste sur nous de son problème d'immigration. Pour y parvenir, il lui fallait le concours d'un Premier ministre malléable qui exécute docilement les ordres de l'étranger. Ce n'est du reste pas le seul domaine dans lequel la Pologne se trouve affaiblie. ... On observe exactement la même dynamique dans la défense, l'économie, l'industrie, les transports et la politique internationale. Résultat des courses : en un an et demi seulement, Donald Tusk a réduit à néant la compétitivité de la Pologne, son indépendance. Voici comment on conquiert des pays sans coup férir. L'heure est grave : mettons fin à cette folie. »

Der Tagesspiegel (DE) /

Il serait plus judicieux d'agir en bonne intelligence

Varsovie et Berlin devraient se concerter au lieu d'agir isolément, fait valoir Der Tagesspiegel :

«Il y a longtemps que la Pologne demande à l'Allemagne de l'aide pour protéger sa frontière orientale contre l'immigration clandestine. Car cette frontière est aussi la frontière extérieure de l'UE. La Russie et le Bélarus organisent une immigration clandestine à travers la frontière Est de la Pologne, dans l'objectif d'affaiblir l'UE. C'est pourquoi Merz et Tusk ainsi que leurs ministres de l'Intérieur doivent s'asseoir autour d'une même table pour agir de concert. Pourquoi ne pas unir ses forces sur trois fronts : contrôles communs à la frontière germano-polonaise, renforcement de la frontière polonaise orientale et coopération dans l'optique d'accélérer les procédures d'asile et d'expulsions ?»