Menace atomique de Trump : quel est le but de la manoeuvre ?
A l'issue d'une joute verbale avec l'ex-président russe Dmitri Medvedev, le président américain, Donald Trump, a annoncé vouloir déployer deux sous-marins nucléaires américains dans des régions "adéquates". Les détails de cette manœuvre restent confidentiels. Medvedev avait critiqué l'ultimatum des Etats-Unis exigeant la fin de la guerre, le qualifiant de menace et de pas en direction de la guerre – ce que Trump avait à son tour qualifié d'"insensé". La presse européenne tente de faire le point sur la situation.
On ne joue pas avec des armes nucléaires
Il y a des sujets avec lesquels on devrait renoncer à la théâtralité, fait valoir Süddeutsche Zeitung :
«Des sous-marins américains équipés d'armes nucléaires sont constamment en opération et en mesure de frapper des objectifs en Russie à tout moment, depuis les profondeurs des mers du monde. C'est l'essence même de la dissuasion nucléaire, avec laquelle les puissances atomiques se maintiennent mutuellement en échec depuis des décennies. Il n'est donc pas nécessaire de placer les sous-marins nucléaires dans des positions 'adéquates'. Si Trump poste ce genre de choses en ligne, c'est seulement pour faire le show, pour tenir des propos pompeux visant à impressionner l'opinion mondiale et cela n'arrange rien. On ne joue pas avec des missiles nucléaires, pas même dans le cadre d'une joute verbale.»
Rien d'inquiétant
Sur Facebook, le blogueur et officier Youri Kassianov assure que la mesure de Trump n'est qu'une simple mise en scène :
«Déployer deux sous-marins atomiques dans les 'territoires correspondants', ce n'est en aucun cas des préparatifs de guerre – ni même des bruits de bottes. Cela ressemble plutôt à une campagne d'autopromotion de Trump. Pendant la guerre froide, des dizaines de sous-marins équipés d'armes nucléaires sillonnaient ces régions, des bombardiers stratégiques se trouvaient en alerte permanente, et des missiles intercontinentaux armés d'ogives de plusieurs mégatonnes étaient orientés sur des villes de plusieurs millions d'habitants. Non, deux sous-marins nucléaires, c'est une broutille – ce n'est rien du tout. Ce n'est pas comme ça que l'on commence une guerre atomique.»
Laisser les menaces de Medvedev faire pschitt
Die Presse appelle Trump à faire preuve de plus de circonspection :
«Il ne faut pas accorder trop d'importance au facteur Medvedev. L'ex-président a trouvé son créneau : traîner l'Occident dans la boue, ou menacer de réduire les capitales européennes à l'état de cendres nucléaire fumantes. Avec le temps, ces menaces ont révélé leur innocuité. Jusque-là, l'Occident y avait toujours réagi de façon mesurée : c'est-à-dire qu'il n'y a en fait pas réagi du tout – et c'est ce qu'il faut continuer à faire. Il est fâcheux qu'un président américain s'abaisse à réagir ainsi à une sortie de Medvedev.»
Verser dans le registre du Kremlin
Dans un post Telegram relayé par le portail Ekho, le politologue Vladimir Pastoukhov salue l'initiative de Trump, qu'il qualifie d'action savamment menée :
«Il faudra désormais convaincre Moscou qu'il ne s'agit pas d'une des boutades habituelles de Trump. Je crois en Trump : il est suffisamment fou pour le faire. Poutine semble enfin avoir trouvé un adversaire à sa mesure. ... Je souhaiterais notamment souligner le bon travail des conseillers, qui ont fait comprendre à Trump qu'il fallait se focaliser sur le très imbu de lui-même Medvedev, et de faire comme si Poutine n'existait pas. C'est rusé et humiliant en même temps, exactement le type de piques auxquelles Poutine affectionne de recourir lui-même.»
Pourvu qu’aucun court-circuit ne survienne
Reflex résume la situation ainsi :
«Donald Trump, l'homme pressé qui pensait pouvoir régler la guerre en Ukraine par quelques coups de fil 'sympathiques' au criminel Vladimir Poutine, semble avoir perdu patience. ... La vraie question, désormais, est de savoir si les deux superpuissances jouent simplement la carte du bluff nucléaire, comme elles l'ont déjà fait tant de fois par le passé. Si elles poursuivent la vieille logique de la dissuasion stratégique, à la manière de Washington. Ou si elles optent, comme Moscou, pour un chantage assumé. Dans ce contexte, une inquiétude plane : le risque d'un conflit atomique est-il réellement envisageable et ne suffirait-il pas d'un court-circuit, quelque part dans le système, pour que tout bascule ?»
L'incertitude fait partie du calcul
The Irish Times évoque les points communs entre les doctrines nucléaires des deux pays :
«La ligne rouge du recours aux armes atomiques, et particulièrement de leur première utilisation, est depuis longtemps nimbée d'une ambiguïté délibérée. ... Les arguments en faveur de ce flou, c'est qu'elle forcerait les adversaires à envisager la possibilité que toute agression est susceptible de provoquer une riposte nucléaire dévastatrice. ... Les doctrines nucléaires américaine et russe – la seconde ayant été révisée pas plus tard que l'année dernière – ne limitent pas leurs options à des ripostes à des attaques nucléaires perpétrées par d'autres. ... Les deux doctrines ne laissent pas la décision ultime d'appuyer sur le bouton atomique à leurs Parlements, mais bien à leurs présidents respectifs, Donald Trump et Vladimir Poutine.»